Liban
Nasrallah : une victoire «stratégique et historique»
(Photo: Al-Manar)
De notre correspondant à Beyrouth
C’est un Hassan Nasrallah calme, comme à son habitude, mais ferme et à la limite menaçant, qui est apparu lundi soir pour la première fois depuis la fin des hostilités. Dans une intervention enregistrée et diffusée par la télévision de son parti, al-Manar, le chef du Hezbollah s’est présenté en vainqueur dans la guerre qui l’a opposé pendant 35 jours à Israël. « Nous avons remporté une victoire stratégique et historique, sans aucune exagération, a-t-il dit. Nous sommes sortis de
Hassan Nasrallah n’était plus apparu en public depuis le 12 juillet dernier. Il s’était déjà exprimé à cinq reprises à travers des messages enregistrés repris en direct par toutes les télévisions libanaises et les grandes chaînes panarabes.
Désarmer le Hezbollah : « une grave erreur »
Lundi soir, le secrétaire général du Hezbollah a adressé des messages dans plusieurs directions. Il a reproché à des responsables politiques libanais d'avoir commencé à discuter du désarmement de la Résistance avant un retrait israélien complet du sud du Liban. « C'est inopportun, sur un plan psychologique autant que moral, a-t-il dit. C'est une erreur. Une grave erreur. Nous avons fait beaucoup d'efforts pour empêcher des réactions de nos partisans parce que ce qui se passait était insultant. J'appelle le peuple, les amis de la Résistance et les partisans à ne pas réagir à ce qu'ils ont entendu. Comment peut-on parler de désarmement alors que l’armée israélienne est au Sud et que les déplacés n’ont toujours pas regagné leurs villes et villages? »
Pour Hassan Nasrallah, certains hommes politiques libanais ont réclamé ce qu’Israël et les Etats-Unis ont perdu espoir d’obtenir, c'est-à-dire le désarmement total et immédiat du Hezbollah. « Je leur conseille de cesser leurs provocations, a-t-il averti d’un ton menaçant. Nous ne rendrons pas nos armes sous la pression et les intimidations. Il ne faut pas qu’ils exploitent la situation humanitaire difficile de la population. C’est vrai que les gens ont beaucoup souffert, mais ils ont vaincu Israël ».
Le voyage du retour
Les propos de Hassan Nasrallah interviennent au lendemain de déclarations de certains responsables politiques libanais proaméricains appelant le Hezbollah à désarmer. Mais le parti a estimé que la résolution 1701 du Conseil de sécurité de l’Onu n’appelle pas explicitement à son désarmement immédiat. Le texte donne la priorité à l’arrêt des hostilités, au déploiement de l’armée libanaise et des casques bleus au sud du Liban, et à l’établissement d’une zone tampon vide de toute présence militaire du Hezbollah entre le fleuve Litani et la frontière. Tout en affirmant qu’il coopèrerait avec le gouvernement, Hassan Nasrallah a estimé que l'armée et les forces de la Finul sont « incapables de protéger le Liban ».
L’autre message de Nasrallah était destiné aux habitants du sud du Liban et de la banlieue sud de Beyrouth, des régions complètement dévastées par les bombardements israéliens. Rendant hommage aux 1 200 civils tués dans cette guerre, il a adressé ses remerciements à la population pour les « immenses sacrifices » qu’elle a consentis.
Le chef du Hezbollah a ajouté que des équipes de son parti commenceraient dès aujourd’hui à remettre en état des habitations endommagées par les raids et qu’elles verseraient un an de loyer ainsi que la valeur des meubles perdus à chacun des propriétaires des 15 000 habitations détruites. Dans les rues de Beyrouth, des tirs de joie ont salué le discours. Et dans certains villages chrétiens, les cloches des églises ont sonné.
« J’ai perdu ma maison mais gagné ma dignité »
Avant même le discours de Hassan Nasrallah, des dizaines de milliers de déplacés avaient repris le chemin du retour après 35 jours d’exode. Dès le début de la trêve, lundi matin, de longues files de voitures ont commencé à se former spontanément sur toutes les routes menant au sud du Liban et dans la banlieue de Beyrouth. Les interminables convois se sont frayés une voie entre les ponts détruits et les rues défoncées par les bombes.
Les occupants des véhicules brandissaient des drapeaux du Hezbollah et des portraits de Hassan Nasrallah. Beaucoup n’ont retrouvé à la place de leur maison que des tas de ruines fumantes, ou des pans de murs calcinés. Rares sont ceux qui se sont plaints. « J’ai perdu ma maison et mon commerce, mais j’ai gagné ma dignité pour l’éternité », affirme Ali, en jetant un regard impassible sur une montagne de débris où s’élevait sa maison, il y a un mois.
par Paul Khalifeh
Article publié le 15/08/2006Dernière mise à jour le 15/08/2006 à TU