Liban
Consolider le cessez-le-feu
(Photo : AFP)
Les déclarations des deux camps sont restées belliqueuses : Israël revendique toujours son droit à l’autodéfense. Et pour le chef du Hezbollah, il n’est pas question de désarmer les militants.
C’est dans ce contexte que les tractations diplomatiques internationales se sont intensifiées pour conforter la paix. Le ministre français des Affaires étrangères devait se rendre à Beyrouth mardi en fin de journée pour y discuter notamment des «conditions de déploiement de la Finul renforcée». Philippe Douste-Blazy doit rencontrer Fouad Signora, le Premier ministre libanais et d’autres personnalités politiques dont le nom n’a pas été précisé. Alors que la France est pressentie pour prendre la tête de cette force internationale chargée d’appuyer l’armée libanaise dans le Sud, la France veut en savoir un peu plus sur l’attitude future du Hezbollah. Alors que la veille Hassan Nasrallah a déclaré qu’il n’était pas question de désarmer rapidement les miliciens de son mouvement, le ministre français a aussitôt souligné «les obligations» découlant de la résolution 1701 : pour Paris, elle suppose un repli des combattants chiites au nord du fleuve Litani, ainsi que leur désarmement.
Tandis que les autorités libanaises commencent à programmer les mouvements de retrait des anciens belligérants, la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni annonce qu’elle va se rendre mercredi à New York pour y rencontrer Kofi Annan, le secrétaire général des Nations unies. «La communauté internationale et le gouvernement libanais ont pris une grande responsabilité en s’engageant à faire respecter la résolution du Conseil de sécurité, notamment la clause sur l’embargo des armes destinées au Hezbollah», a déclaré Madame Livni tout en ajoutant : «J’ai les pieds sur terre, je sais que l’accord n’est pas parfait mais c’est une occasion à saisir».
Le président syrien Bachar al-Assad est venu mettre son grain de sel dans les contacts diplomatiques en cours pour pérenniser le cessez-le-feu. Bachar al-Assad a affirmé qu’il ne s’attendait pas à une «paix prochaine» avec «l’ennemi israélien», trop proche de l’administration américaine du président Bush. Le président syrien a toutefois reconnu le rôle des Etats-Unis comme partenaire essentiel pour ramener la paix dans la région.
La Syrie met de l’huile sur le feu
Concernant la politique intérieure libanaise, le président al-Assad semble avoir profité de ce discours pour mettre de l’huile sur le feu. Le chef de l’Etat syrien a accusé les «Forces du 14 mars», la majorité anti-syrienne au Liban, de vouloir «provoquer une sédition» au Liban en demandant au Hezbollah de déposer les armes. Le président syrien a par ailleurs rendu hommage au parti islamiste qui a combattu l’armée israélienne pendant 34 jours. «Je dis à tous ceux qui accusent la Syrie de se tenir du côté de la résistance que cela est, pour le peuple syrien, un honneur». Manière indirecte de répondre au président Bush qui accuse la Syrie de soutenir le Hezbollah, considéré à Washington comme une organisation «terroriste».
Les spécialistes du Proche-Orient estiment que la Syrie exerce toujours une grande influence sur l’armée libanaise. Depuis que les Syriens ont quitté le Liban en 2005, l’encadrement, aussi bien dans l’armée que dans les services secrets, n’a pas changé. Le chef des forces libanaises, Michel Suleiman, a d’ailleurs été nommé par la Syrie. Il est réputé proche du Hezbollah. L’armée libanaise est majoritairement chiite, ce qui devrait tout de même simplifier les relations avec les combattants de Nasrallah, si ces derniers abandonnent aux Casques bleus leurs positions de toujours, dans le sud du Liban, comme le prévoit la dernière résolution des Nations unies.
L’attitude décisive du Hezbollah
Pendant toute la durée de ce conflit, l’armée libanaise est restée à l’écart, jouant seulement un rôle d’assistance auprès de la population. D’ici quelques jours, elle devrait faire son entrée en scène, puisque le Hezbollah doit lui laisser la place. Un haut responsable de l’armée a indiqué qu’il n’y avait «pas encore de date précise pour le déploiement, mais celui-ci doit intervenir dans les tous prochains jours». La veille, le ministre de la Défense Elias Murr avait indiqué que ce déploiement sans précédent s’effectuerait dans les 5 ou 6 prochains jours, «en un premier temps au nord du fleuve Litani, puis la force internationale prendra position entre l’armée libanaise et l’armée israélienne».
«L’armée israélienne se retirera d’une région après l’autre jusqu’à ce qu’elle arrive derrière la Ligne bleue [la frontière] et les Casques bleus entreront dans la zone pour confirmer le retrait total des forces israéliennes», a encore précisé le ministre libanais de la Défense. Etape par étape, le plan des autorités libanaises est prêt. Et «après, les unités de l’armée libanaise commenceront à se déployer dans la zone frontalière».
Reste à mettre en œuvre ces décisions sur le terrain. Le commandant de la Force intérimaire des Nations unies au Liban (Finul), le général Alain Pelegrini, a estimé que la situation va «rester fragile pendant pas mal de temps». Le commandant de la Finul estime qu’il faudra un an pour que les effectifs des Casques bleus passent de 2 000 à 15 000 hommes.
Tout le monde attend le feu vert de la France
La France se trouve pressée de toutes parts pour donner son feu vert à l’envoi de soldats au Liban. «Tant qu’elle n’a pas envoyé ce signal, les autres pays sollicités hésiteront à s’engager», a indiqué un diplomate. La France pourrait fournir entre 2 000 et 4 000 hommes. Les Nations unies espèrent que les premiers Casques bleus arriveront au Liban «d’ici une dizaine de jours». Mais Paris veut des indications claires sur la mission des renforts internationaux, notamment savoir qui va désarmer ou vérifier le désarmement des militants du Hezbollah.
La presse israélienne indiquait mardi que l’armée est en train de poursuivre son retrait du sud du Liban. Un porte-parole militaire a indiqué que la priorité est «de renvoyer dans leurs foyers 80% des réservistes». Toujours selon les journaux israéliens, l’objectif est surtout d’éviter des heurts avec les réfugiés libanais qui rentrent chez eux ; 30 000 soldats israéliens étaient montés vers le nord, presque jusqu’au fleuve Litani. Fouad Signora, le Premier ministre libanais, a par ailleurs demandé à ses services spécialisés de commencer «à verser des aides financières aux familles des victimes de l’agression israélienne». Le Hezbollah l’a pris de vitesse en annonçant dès hier que ses militants aideraient tous les déplacés qui en feraient la demande à se réinstaller chez eux.
par Colette Thomas
Article publié le 15/08/2006Dernière mise à jour le 15/08/2006 à TU