Proche-Orient
Les Israéliens demandent des comptes
(Photo : AFP)
Une série d’enquêtes publiées dans la presse israélienne, trois jours après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu, montre combien l’opinion publique est mal à l’aise après 34 jours d’un conflit aux résultats médiocres. Les soldats se retirent du sud du Liban sans avoir réussi à entamer sérieusement les capacités du Hezbollah, ni à récupérer les deux soldats dont l’enlèvement, le 12 juillet, avait déclenché l’opération israélienne. Autant, au début du conflit, les Israéliens s’étaient rangés toutes tendances confondues derrière leur gouvernement, autant, aujourd’hui, ils semblent avoir perdu confiance en leurs dirigeants.
Cédant à la pression des sondages, des médias et de l’opposition, le ministre de la Défense, Amir Peretz, a donc ordonné la mise en place d’une commission d’enquête sur la façon dont l'armée – le gouvernement n’est pas concerné par les investigations – a mené la guerre au Liban contre la milice chiite. La commission est dirigée par l'ancien ministre et chef d'état-major Amnon Lipkin-Shahak et comprend trois généraux en retraite, dont l'ancien chef de l'armée de l'air Herzl Bodinger. Elle devrait rendre un rapport provisoire dans les trois semaines.
Personne n’a gagné la guerre, selon les sondages
Il faut dire qu’Amir Peretz n’avait guère le choix : cette commission était réclamée de toute part. Entre 67% et 69% des personnes interrogées l’exigeaient. En outre, une majorité de l'opinion israélienne souhaite la démission du ministre de la Défense : 57%, selon une enquête publiée par le quotidien à grand tirage Yediot Aharonot. Entre le début de la guerre et le cessez-le-feu, sa cote de popularité a chuté de 60% à 28%.
La même étude indique que 41% des sondés réclament la démission du Premier ministre Ehud Olmert. Sur la conduite du conflit, une enquête du quotidien Maariv révèle que 66% des Israéliens estiment que personne n’a gagné la guerre. Enfin, 53% pensent que l’armée aurait dû ignorer l’appel au cessez-le-feu des Nations unies. Parmi les principales critiques émises contre la conduite des opérations au sud du Liban : le recours exclusif aux bombardements aériens durant la première phase de l’opération et le lancement d’une offensive terrestre de grande envergure alors que la résolution 1701 des Nations unies venait d’être adoptée.
« Tout ce qui l’intéressait était son portefeuille d’actions »
C’est dans ce climat qu’a surgi une polémique autour de la vente, par le chef d’état-major des armées, de son portefeuille d’actions. Déjà contesté pour sa stratégie, voici le général Dan Haloutz menacé par un scandale boursier. L’affaire a été révélée par Maariv ; l’intéressé a reconnu les faits. Alors que le déclenchement de la guerre était imminent, le général a admis avoir cédé ses titres boursiers : c’était le 12 juillet à midi, soit trois heures après l'enlèvement de deux soldats israéliens par le Hezbollah, au moment où l'artillerie israélienne commençait à tirer contre des positions de la milice chiite. Le soir même, comme à chaque période de tension en Israël, l’indice TA 25 de la bourse de Tel Aviv décrochait et perdait plus de 8%.
Délit d’initié ? En tout cas, et même si le TA 25 a retrouvé aujourd’hui son niveau, l’affaire fait scandale dans la presse et à la Knesset, où de nombreux députés ont demandé, là encore, une enquête. Le général Haloutz dément toute malversation, affirmant que cette cession était liée, non pas à l’imminence du conflit, mais à la perte de valeur de ses titres.
Le chef d’état-major compte toutefois des défenseurs
Certes, le montant de la transaction s'élevait seulement à 26 000 dollars. Mais le fait d’avoir pensé à ses intérêts personnels à un moment grave est très largement condamné. « Alors que le pays s’enflammait, a dénoncé la députée travailliste Colette Avital, tout ce qui l’intéressait était son portefeuille d’actions ».
Le général Haloutz compte cependant des défenseurs, dont le ministre de la Défense. « Le chef d'état-major, le général Dan Haloutz, assure le commandement de Tsahal avec loyauté et dévouement à l'Etat d'Israël pour la sécurité de ses citoyens et de ses soldats », a affirmé Amir Peretz dans un communiqué. « Nous nous comportons comme des baleines qui viennent se suicider sur une plage, a estimé pour sa part le général Benny Gantz, chef des unités terrestres. Au lieu de régler nos comptes, nous devrions nous concentrer sur l'essentiel : l'action sur le terrain au sud du Liban ».
par Philippe Quillerier
Article publié le 17/08/2006 Dernière mise à jour le 17/08/2006 à 16:34 TU