Liban
Le Sud fait un triomphe à l'armée libanaise
(Photo : AFP)
La population a accueilli avec joie et soulagement le déploiement de l’armée libanaise au sud du fleuve Litani qui a commencé jeudi matin à l'aube. Sa tâche n’est pas de désarmer le Hezbollah, comme le souhaitaient Israël et les Etats-Unis.
De notre correspondant à Beyrouth
Youyous, pétales de roses et poignées de riz. Les habitants du Sud ont réservé, ce jeudi, un accueil triomphal aux unités de l’armée libanaise qui ont franchi le fleuve Litani pour commencer à se déployer dans des régions où elles étaient absentes depuis la première invasion israélienne, en 1978.
Du Litani à la «Ligne bleue»
Dès les premières heures du matin, des dizaines de transports de troupes blindés et de véhicules militaires ont traversé les ponts métalliques installés après la destruction par l’aviation israélienne de tous les points de passage enjambant le Litani. En milieu d’après-midi, quelque 2 500 soldats étaient déjà arrivés dans la zone frontalière. Ils seront rejoints dans les jours qui viennent par 6 500 autres militaires, soit trois brigades. Ils s’ajouteront à 6 000 soldats déployés entre le Litani et la frontière depuis l’an 2000.
Dans un premier temps, les troupes régulières prendront positions dans les principales localités de la région. Elles se déploieront le long des 123 kilomètres de la «Ligne bleue», qui délimite la frontière avec Israël, après la fin du retrait de l’armée israélienne. Celle-ci a déjà évacué la moitié des positions qu'elle a occupées depuis le début de la guerre, le 12 juillet dernier.
Le général Charles Chikhani, commandant de la 10ème brigade, a pris son quartier général dans la caserne de Marjeyoun, occupée pendant une dizaine de jours par les Israéliens. Il a lu à ses troupes les ordres du chef de l’armée. «Nous venons nous déployer aux côtés de notre Résistance [celle du Hezbollah] et de notre peuple qui ont brisé le mythe de l’armée invincible», a-t-il dit, confirmant ainsi les informations selon lesquelles la mission des troupes régulières n’est pas de désarmer le Hezbollah, comme le souhaitent Israël et les Etats-Unis.
L’armée se déploie conformément à l’article 4 du code militaire, c’est-à-dire pour «protéger les biens des citoyens, défendre la patrie, veiller à la sécurité, s’assurer du respect de la «Ligne bleue» et interdire la présence d’armes illégales». La veille, le commandant de la caserne de Marjeyoun, le général Adnane Douad, a été arrêté sur ordre du ministre de l’Intérieur pour avoir accueilli dans son bureau et offert du thé aux officiers israéliens qui dirigeaient les troupes qui ont attaqué et occupé la ville, le 16 août.
Compromis avec le Hezbollah
L’envoi de l’armée a été décidé mercredi soir par le gouvernement qui comprend trente membres, dont deux ministres du Hezbollah. Mais trois ministres proches des Etats-Unis et de la France ont exprimé des réserves sur les modalités de ce déploiement qu’ils ont qualifié de «floues». Ces ministres sont Marwan Hamadé, un adjoint du chef druze Walid Joumblatt, Joe Sarkis, représentant l’ex-milice chrétienne des Forces libanaises et Nayla Moawad, membre de l’ancien rassemblement chrétien de «Kornet Chehwan». Selon eux, le déploiement de l’armée aurait du être précédé du repli et du désarmement du Hezbollah dans cette région. Mais les rapports de forces politiques au Liban, surtout après l’échec de l’offensive israélienne et la résistance du Hezbollah, ne permettent pas de réaliser cet objectif.
Le compromis trouvé au sein du gouvernement prévoit que les combattants de Hassan Nasrallah, qui sont pour la plupart originaires des villages du Liban sud, vont reprendre leurs activités ordinaires. L’armée ne procèdera pas à des perquisitions aux domiciles des membres du Hezbollah. Mais si des hommes armés sont aperçus, leurs armes seront confisquées. Les pièces d’artillerie et les rampes de lancement de roquettes du parti ont déjà été acheminées vers le Nord du fleuve Litani, selon des informations sûres.
L’armée libanaise doit en tout déployer huit brigades sur l’ensemble du territoire, dont la banlieue sud de Beyrouth et la plaine de la Békaa, des fiefs du Hezbollah. Elle devrait être rejointe par des milliers de casques bleus, conformément aux dispositions de la résolution 1701 du Conseil de sécurité des Nations unies. Les premières unités sont attendues à partir du début de la semaine prochaine, a précisé le chef de la Finul, le général français Alain Pellegrini.
Après plusieurs jours d’hésitation, la France avait accepté de prendre la tête de la Finul renforcée jusqu’en février, date d’expiration du mandat du général Pellegrini. Mais elle a dû revoir ses ambitions à la baisse après que le gouvernement libanais ait refusé d’ordonner à l’armée nationale de procéder au désarmement du Hezbollah. Le contingent français n'aura donc pas l'envergure espérée par certains.
par Paul Khalifeh
Article publié le 17/08/2006 Dernière mise à jour le 17/08/2006 à 16:42 TU