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République démocratique du Congo

Duel en perspective

Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba, les deux têtes d'affiche de la présidentielle. 

		(Photo : AFP)
Joseph Kabila et Jean-Pierre Bemba, les deux têtes d'affiche de la présidentielle.
(Photo : AFP)
La commission électorale a annoncé dimanche soir les résultats provisoires nationaux du premier tour de la présidentielle du 30 juillet. Elle a confirmé qu'un second tour sera nécessaire pour départager Joseph Kabila (44,81%) et Jean-Pierre Bemba (20,03%). Portraits des deux têtes d'affiche.

Joseph Kabila n’a d’autres ambitions aujourd’hui que de rester à la tête de la République démocratique du Congo, lui qui n’a jamais vraiment rien décidé pour son propre avenir jusqu'à être propulsé à la tête de ce gigantesque pays livré au pillage de ses ressources naturelles et à la guerre civile. Désigné à la succession de son père assassiné le 16 janvier 2001, Joseph Kabila l'a reçue sans pour autant assumer l'héritage de l'action politique paternelle.

Kabila et l'héritage de la rébellion

Timide et discret, il a plutôt donné l’impression d'être un homme de paille chargé d’exécuter les choix de certains réseaux d’influence, étrangers et nationaux aux intérêts convergents. L’homme sans ambitions et sans assise populaire semblait tout désigné pour masquer l’assassinat de son père, incontrôlable depuis qu’il avait assis son pouvoir à Kinshasa en 1998. Mais, paradoxalement, Joseph Kabila a trouvé dans le statut «d’enfant manipulable» dont on l’affublait quelques cartes pour reprendre le jeu à son compte. Les intérêts des uns ont nourri ses ambitions. Et, pour ces mêmes raisons ses parrains devaient naturellement «soutenir» sa candidature et pourquoi pas le faire triompher aux élections.

Le schéma est clair et infaillible. Alors Joseph Kabila, crée son propre mouvement politique qui n’est pas l’émanation d’une rébellion : le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD). Mais la machine électorale a été bâtie autour de l’Alliance pour la majorité présidentielle (AMP). Ce mouvement de 33 partis présente également des candidats à la députation qui pourraient assurer au président de la République une majorité confortable à l’Assemblée nationale. Kabila et ses alliés ont donc adhéré à un pacte patriotique de «refondation» de la nation congolaise, élaboré autour de son programme «Ma vision pour un Congo nouveau». L’usage de la première personne du singulier est aussi nouveau chez Joseph Kabila qui se voit de plus en plus dans l’étoffe d’un homme d’Etat.

Bemba et la nostalgie de Mobutu

Son adversaire le plus menaçant, Jean-Pierre Bemba, vice-président, et chef du Mouvement pour la libération du Congo (MLC) ex-rébellion, a connu un parcours contraire. Après des études de commerce en Belgique le solide gaillard de 1,90 mètre s’est lancé dans les affaires en créant plusieurs entreprises de téléphonie, de fret aérien et de communication. L’homme s’est enrichi et très vite s’est opposé à son père Jeannot Bemba Saolona, richissime homme d’affaires, ancien président du patronat zaïrois devenu ministre sous Laurent-Désiré Kabila. Après avoir combattu militairement Kabila père, à la tête de son Mouvement de libération du Congo (MLC) implanté en Equateur, Jean-Pierre Bemba a obtenu l'un des quatre fauteuils de vice-président dans la transition que les scrutins de juillet ont refermée. Pour combattre politiquement Kabila fils dont il convoite le fauteuil présidentiel, Bemba s'est efforcé de rallier tous les nostalgiques de l’ère Mobutu. Son quartier général est d’ailleurs à Gbadolite, le fief de Mobutu. Dans le camp adverse, Joseph Kabila se rappelle au bon souvenir du héros national congolais, Patrice Lumumba.

Sur le terrain politique Joseph Kabila, est le principal bénéficiaire de l’accord de paix qui lui a permis de continuer à siéger à Kinshasa avec titre de chef de l'Etat, en attendant les premières élections libres au Congo. Pour l’affaiblir Jean-Pierre Bemba a fait feu de tout bois, se saisissant notamment de certaines imprécisions dans son curriculum vitae. «Je n’ai pas l’intention de placer ma campagne sur le terrain du dénigrement. Mais je n’ai pas honte de dire que je suis congolais, que j’ai des diplômes, que je suis marié», a-t-il ainsi perfidement lancé pendant la campagne électorale. Certains détracteurs affirment en effet que Joseph Kabila serait «seulement» l’enfant adoptif de Laurent-Désiré. Pendant les années de maquis de son père, Joseph - alias Hyppolite Kanambe - et sa sœur jumelle, Jeannette, ont été scolarisés dans une école française de Dar-es-Salam, en Tanzanie. Bilingue (anglais-français), il n’a pas pu poursuivre les études universitaires de droit auxquelles il se prédestinait, son père l’ayant rappelé à ses côtés pour qu’il s’occupe de quelques entreprises familiales, notamment une pêcherie sur les bords du lac Tanganyika.

Finalement, Laurent-Désiré Kabila avait préféré donner à son fils une formation militaire, dans la perspective de la rébellion de 1996. Joseph avait alors été pris en charge par l’armée rwandaise, à l'époque pilier de l’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) qui a chassé Mobutu de Kinshasa en mai 1997. Cadre sans grade bien défini au sein de la nouvelle administration militaire congolaise, Joseph Kabila avait été envoyé en Chine en 1998, pour un stage de formation d’officier. Mais une fois encore, il avait dû quitter prématurément cette formation pour rejoindre son père qui venait de se fâcher avec ses parrains d’hier, le Rwanda et l’Ouganda. Ces derniers avaient alors alimentés des rébellions lors d'une nouvelle guerre au Congo qui a vu l'Ouganda se quereller avec le Rwanda, par Bemba interposé.

Elevé au rang de général-major, Joseph Kabila avait assumé de hautes fonctions dans la hiérarchie militaires des Forces armées congolaises (FAC) jusqu’à l’assassinat de son père qu’il a remplacé à la tête de l’Etat, le 16 janvier 2001. Son entourage qualifie toutes les attaques et rumeurs sur sa nationalité et sa formation professionnelle de «dérisoires». Il avait toutefois conseillé au jeune président de se marier pour être fin prêt aux élections, ce qu'il a fait le 1er juin 2006 en convolant en justes noces avec Olive Lembe di Sita. 

Dimanche après-midi, on était toujours en attente des résultats provisoires. Et si la répartition des voix entre les candidats est encore inconnue, les observateurs estiment cependant qu'il y aura certainement un deuxième tour. 



par Didier  Samson

Article publié le 18/08/2006 Dernière mise à jour le 18/08/2006 à 14:27 TU

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