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France 2007

Une année en campagne (Octobre/novembre/décembre 2006)

 

Le blog des journalistes du service politique de RFI. 

		

 Le blog des journalistes du service politique de RFI livre leurs regards sur la campagne pour l'élection présidentielle.


Vendredi 22 décembre

Une parole «vraie»

Dominique Voynet, candidate des Verts et sénatrice de Seine-Saint-Denis, était vendredi 22 décembre l’invitée de l’émission Sur un air de campagne en direct. Nous l’attendions pour 10h, démarrage de l’antenne à 10h10... Personne… L’émission commence avec l’autre invité, heureusement présent à temps. Dominique Voynet arrive au bout de huit minutes. Je lui pose une première question qu’elle esquive et explique : j’ai pris le métro, la circulation a été interrompue en raison d’un accident de personne. «Ca veut dire que quelqu’un s’est jeté sur la voie, a choisi de mettre fin à ses jours (…).Je me suis demandée si je me serais arrêtée sur le quai de la gare pour consacrer quelques minutes à cette personne… peut-être pas… je suis un peu bouleversée»… Une parole «vraie», un moment de sincérité dans la bouche d’un candidat à la présidentielle, ce n’est pas si fréquent.

Sophie Backer


 Mercredi 20 décembre

Les roses bleues de Ségolène Royal

Meeting participatif en deux temps : Ségolène Royal sur le rond central... 

		(Photo : Florent Guignard/RFI)
Meeting participatif en deux temps : Ségolène Royal sur le rond central...
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Cherchez le rose : il n’y en a pas. Cette année, la tendance, c’est le bleu turquoise. Cherchez la rose, le poing et la rose, l’emblème officiel du Parti socialiste : cherchez-le bien, il se fait discret, fondu dans ce décor ciel d’hiver qui domine le gymnase d’Illkirch-Graffenstaden, dans la banlieue de Strasbourg. C’est dans l’unique région de France continentale dirigée par la droite que Ségolène Royal a tenu son premier meeting participatif. Dispositif scénique inédit dans une campagne présidentielle : la salle est articulée autour d’un rond central (moquette bleue turquoise) à peine surélevé, dans lequel viennent s’exprimer les différents participants. Les élus sont au premier rang, l’ancienne ministre Catherine Trautmann, régionale de l’étape, Jean-Marc Ayrault, le président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, ou Henri Emmanuelli, le plus polémique, qui réserve ses attaques à Nicolas Sarkozy, à la fois ministre et promoteur de «la rupture». « On sait, depuis Descartes, explique Emmanuelli, que ce qui est impossible à l’homme, c’est d’être à sa fenêtre et de se regarder passer dans la rue !».

... et avant de prononcer à la tribune son discours final. 

		(Photo : Florent Guignard/RFI)
... et avant de prononcer à la tribune son discours final.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Il y a aussi Martin Hirsch, le président d’Emmaüs. Lui aussi est au premier rang, mais il n’applaudit pas, devoir de réserve oblige sûrement. Ségolène Royal reprend pourtant à son compte son Revenu de solidarité active («ça coûte cher, mais ça rapporte aussi»), un système incitatif permettant à des chômeurs indemnisés ou au RMI de reprendre un travail salarié, en compensant les éventuelles pertes de revenus liées à l’abandon de leurs prestations sociales. C’est ici à Strasbourg la principale promesse d’une candidate qui se contente, aujourd’hui et jusqu’en février, d’écouter la France qui souffre…
 

Syndicalistes, chefs d’entreprise, chercheurs… se succèdent. Certaines des interventions dans la salle ont la spontanéité des débats PS ou des forums UMP. «La plupart sont des interlocuteurs qu’on connaît, avec qui on a l’habitude de travailler», confie ainsi un jeune socialiste. D’autres sont largement plus improvisées, voire hors sujet. Et bien sûr, au moment où Ségolène Royal reprend la posture classique d’un candidat en campagne, face à la salle, derrière son pupitre, les yeux sur son discours, tout ceux qui voulaient parler n’ont pas pu le faire. Soudain, un homme se lève et s’avance précipitamment vers Ségolène Royal. Il voudrait parler «du Rwanda». Trop tard, le voilà ceinturé par l’un des gardes du corps du Parti socialiste, imité bientôt par l’incontournable Patrick Mennucci, en sa qualité, ça se confirme, d’homme à tout faire. «Ne le maltraitez pas quand même !», sourit Ségolène Royal. «Le type aurait pu être armé», concèdera Mennucci après le meeting, qui reconnaît quelques failles dans l’organisation de ce premier débat participatif. «Mais Ségolène était contente, elle ne m’a pas parlé de l’incident !»

 

La candidate, imperturbable, a poursuivi son discours, en dénonçant «les licenciements inciviques», quelques heures après avoir visité l’usine de chocolat Suchard, menacée de délocalisation. Soit l’exact contre-pied de ce que disait le Premier ministre Lionel Jospin quelques années plus tôt devant les salariés de Michelin, dépités : «L’Etat ne peut pas tout». Au contraire, répond Ségolène Royal : «Il n’y a pas de fatalité : l’Etat peut et doit servir à quelque chose.»


Décidément tout sépare Royal et Jospin. Leur seul point commun jusqu’ici ? La couleur de leur campagne. En 1995, deux ans après la vague bleue qui avait laminé les socialistes, Lionel Jospin avait lui aussi opté pour du bleu turquoise. Mais Ségolène Royal, elle, soucieuse de ramener au bercail socialiste les classes populaires, s’engage résolument à gauche. Pour ceux qui avaient des doutes.

Florent Guignard



Mercredi 20 décembre

Réconciliation au pied du sapin

Officiellement, ils ne s’étaient pas vus depuis huit ans. Tout juste croisés à l’occasion de l’enterrement d’un vieux compagnon de route (les militants du Front National vieillissent). Et pour cause : depuis le départ de Brutus en 1998, César cultivait une rancune tenace à l’égard de son «fils spirituel». Et puis ça y est : Jean-Marie Le Pen et Bruno Mégret sont là, descendants l’escalier en bois du manoir de Montretout, tout sourire, contents de la «surprise» faite aux journalistes. La veille, un courriel du service de presse du FN a averti les rédactions : soyez là à midi, au domicile du chef, pour «un événement important». Lequel ? Mystère…

En fait, la «réconciliation personnelle et politique» des deux figures de l’extrême droite est en marche depuis plusieurs mois. Il fallait juste finaliser les conditions de «l’accord» qui, on le jure, n’est pas «politicien». Ce mercredi à Montretout a pourtant été orchestré de toutes pièces pour les caméras qui se bousculent au pied du perron de la belle demeure bourgeoise de Jean-Marie Le Pen, dans un parc privé de Saint-Cloud, sur une colline surplombant Paris. Le président du FN n’y habite plus, mais il y conserve un bureau. Dans le salon, un portrait de jeunesse du chef - peint par un amateur, vu la facture grossière de la toile - dans son uniforme de lieutenant parachutiste côtoie un bronze de Jeanne d’Arc. Au pied du sapin enguirlandé mais sans cadeau, Jean-Marie Le Pen a offert avec le ralliement de Bruno Mégret un avenir peut-être empoisonné à son parti. Car un héritier de plus dans le clan Le Pen, cela risque de provoquer des jalousies. D’ailleurs, Marine Le Pen, pourtant directrice stratégique de la campagne, n’est pas là. Elle a laissé la place, sur la photo, à sa belle-mère, Jany et à Catherine Mégret. Les deux femmes sourient béatement sur le perron. C’est juste pour l’image.

Pendant leur brève déclaration - dix minutes montre en main - les deux hommes en rajoutent pour cultiver l’illusion d’une réconciliation sincère. Ils ont le même tic : lorsque l’un parle, l’autre se frotte le doigt nerveusement. Mains jointes devant pour Jean-Marie, derrière le dos pour Bruno. Une dernière pose - pour les photographes - et les couples réconciliés s’engouffrent dans le manoir. Nous ne sommes pas invités au repas, dont les discussions ont dû être plus animées que l’apéritif.

David Servenay


Lundi 11 décembre

Trio civique dans l’Essonne

Ségolène Royal, Cali et Jack Lang dans la mairie de Ris-Orangis. (Photo : Florent Guignard/RFI)
Ségolène Royal, Cali et Jack Lang dans la mairie de Ris-Orangis.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Sabrina, 18 ans en 2007, paraît déçue : elle pensait voir Bénabar, mais c’est un autre chanteur qui est là, Cali, qu’elle ne connaît pas… L’interprète de C’est quand le bonheur ? est un «adhérent à 20 euros» : il avait pris sa carte PS au printemps pour voter en faveur de Jack Lang à la primaire socialiste. Son champion s’étant désisté au terme d’un insoutenable suspens, il s’est rallié à Ségolène Royal. Et encore : le 16 novembre dernier, il n’a même pas voté pour elle. «J’étais sur la route, en tournée, confie-t-il, et je n’ai pas pu voter car les procurations étaient interdites.» Alors Cali se rattrape et vient parrainer dans la municipalité socialiste de Ris-Orangis, dans la banlieue sud de Paris, une campagne pour l’inscription des jeunes sur les listes électorales.

Les jeunes, cet après-midi, sont moins nombreux que les journalistes. Comme l’expliquent tranquillement Kevin et Ahmed, «les éducateurs nous ont demandé de venir nous inscrire aujourd’hui, et en arrivant, on a appris qu’il y avait Ségolène Royal». Ce qui, à leurs yeux, est beaucoup mieux que Nicolas Sarkozy. Le lendemain de la mort du «sinistre Pinochet», la candidate socialiste rappelle la chance pour les Français d’avoir le droit de vote. Petit discours, petite photo avec de jeunes futurs électeurs, Cali a déjà disparu, personne ne demande où est Jack Lang, et Ségolène Royal s’est engouffrée dans une tente pour s’adresser aux militants du Mouvement des jeunes socialistes. A l’extérieur, c’est désormais Thomas Hollande qui tient la vedette et répond aux journalistes. La candidate ressort et jette un regard furtif (le regard d’une mère) vers son fils. On vous l’avait bien dit : aujourd’hui, «c’est les jeunes»…

Florent Guignard


 
Dimanche 10 décembre
Le 13 novembre, Jean-Pierre Chevènement annonçait sa candidature, avant de la retirer vingt-sept jours plus tard. (Photo : Florent Guignard/RFI)
Le 13 novembre, Jean-Pierre Chevènement annonçait sa candidature, avant de la retirer vingt-sept jours plus tard.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Président jamais, député peut-être

Il l’avait pourtant promis, il y a à peine un mois : il irait jusqu’au bout. Jusqu’au bout de négociations serrées avec le Parti socialiste… Jean-Pierre Chevènement retire sa candidature à la présidentielle, qu’il avait annoncée en grande pompe dans un décor de carton-pâte entre Marianne et drapeau tricolore, et se rallie à Ségolène Royal. En échange, son parti, le MRC, obtient une dizaine de circonscriptions dans lesquelles le PS ne présentera pas de candidats. A défaut d’être un jour élu président, Jean-Pierre Chevènement pourra redevenir député. Et un point de chute a même été trouvé pour le fidèle Georges Sarre, dans la Creuse.

Ségolène Royal salue «une décision historique». La candidate s’est personnellement investie pour ramener à la raison son ancien collègue du gouvernement Jospin. Samedi après-midi, la veille, elle était encore au téléphone avec lui. Mais l’investissement en valait la peine. Après le retrait de Christiane Taubira, sous la pression de ses amis du Mouvement des radicaux de gauche, et celui de Jean-Pierre Chevènement, le risque d’un nouveau 21-Avril pour la candidate socialiste semble s’éloigner. La tranquillité n’a pas de prix : au total, c’est à 45 sièges de députés que renonce le Parti socialiste !

Florent Guignard


Lundi 4 décembre

«Madame, je ne vous salue pas !»

Recueillement devant la flamme du souvenir de Yad Vashem à Jérusalem. (Photo : Florent Guignard/ RFI)
Recueillement devant la flamme du souvenir de Yad Vashem à Jérusalem.
(Photo : Florent Guignard/ RFI)

Yad Vashem à Jérusalem, le Mémorial de la Shoah, en souvenir des six millions de Juifs exterminés dans les camps nazis, et dont les rescapés et les descendants peuplent aujourd’hui l’Etat d’Israël. Sa visite de Yad Vashem, passage obligé à Jérusalem et confrontation absolue avec l’horreur du genre du humain, Ségolène Royal l’a voulue la plus intime possible. Pas de caméras autour d’elle. Et quand une journaliste israélienne insiste pour obtenir une déclaration, la réponse est cinglante : «Maintenant arrêtez, c’est indécent !»

Pas de paroles, mais quelques mots écrits à la main sur le Livre d’or. «On est secoué au plus profond de soi et on partage l’insubmersible volonté d’Israël et la soif de justice. Ceux et celles qui sont revenus et qui ont reconstruit les racines en portant, malgré tout cela, les forces de vie, sont les véritables héros de notre temps. Merci.»

Dans la Crypte du souvenir, une courte cérémonie est organisée. Ségolène Royal ranime la flamme du souvenir. L’instant est silencieux. Elle dépose ensuite une gerbe de fleurs au nom de «Ségolène Royal» écrit en lettres d’or. Délicatesse partisane : la députée UMP Françoise de Panafieu, candidate en 2008 à la mairie de Paris et envoyée spéciale de Nicolas Sarkozy, est passée 24 heures plus tôt à Yad Vashem pour déposer une gerbe au nom de l’ «UMP Paris». Comment un lieu aussi sacré que le Mémorial de la Shoah devient l’enjeu d’une indécente course à l’échalote entre rivaux à la présidentielle française…

Dans l’après-midi, dans le hall de l’hôtel King David, les chemins de Ségolène Royal et de Françoise de Panafieu vont encore se croiser. La scène est filmée par une équipe de France 2. Distante de quelques mètres, la députée UMP adresse à la candidate socialiste un «bonjour !» jovial. Le nez dans son portable, Ségolène Royal relève la tête, aperçoit la caméra, offre son plus beau sourire, et lance un glacial «Madame, je ne vous salue pas !».

Le syndrome de Jérusalem

Dernier jour de la tournée proche-orientale de Ségolène Royal : l’heure des bilans devant quelques journalistes. Ségolène Royal a déjà évacué la polémique franco-française sur le Hezbollah : «C’est une polémique dérisoire par rapport à la situation dans la région,  inadmissible. Et d’ailleurs, c’est l’avis des Israéliens qui m’importe».

Le bilan de son voyage s’annonce excellent, à ses yeux : «Partout j’ai été reçue comme une candidate pouvant être élue présidente. Je suis une personnalité connue dans le monde, je suis suivie par beaucoup de médias internationaux. Ma victoire est une éventualité sérieuse, il y a partout une soif de nouveauté.» Un rôle à jouer pour le Proche-Orient ? «Tant de choses ont échoué, alors peut-être qu’avec une nouvelle façon de parler et de voir ça va faire bouger les lignes.» Son prochain voyage à l’étranger ? Sans doute les Etats-Unis. Rencontrera-t-elle alors George Bush ? «S’il le demande, je verrai !» Ségolène Royal ne plaisante qu’à moitié.

Florent Guignard


Dimanche 3 décembre

L’album photos de Ségolène Royal au Proche-Orient

Ségolène Royal avec Mahmoud Abbas à Gaza. 

		(Photo : Florent Guignard/ RFI)
Ségolène Royal avec Mahmoud Abbas à Gaza.
(Photo : Florent Guignard/ RFI)

C’est à Gaza que le président palestinien Mahmoud Abbas a accepté de recevoir Ségolène Royal. Gaza, et son célèbre passage d’Erez. L’endroit est désert. Le mur de béton commence à pousser dans le paysage. Plus personne ne passe, ou presque, à part quelques mères et leurs enfants autorisés à venir se soigner dans un hôpital israélien. Gaza et ses ruines, première confrontation avec la réalité : des bâtiments industriels dynamités par l’armée israélienne avant son retrait.

Ségolène Royal travaille ses notes à l’arrière d’un véhicule 4x4 blindé mis à disposition par l’ambassade de France à Tel Aviv. Une demi-heure d’attente avant de passer, et encore, Ségolène Royal a la chance de circuler en convoi officiel. Pour les journalistes, il faudra deux heures pour rentrer dans Gaza et deux heures pour en sortir, et encore, grâce à l’intervention du correspondant de France 2 à Jérusalem, ancien officier de Tsahal.

Rencontre avec de jeunes Palestiniens au Centre culturel français de Gaza et enfin, l’apothéose : entretien en tête à tête avec le président palestinien, suivi d’une mini conférence de presse filmée par toutes les chaînes de télévision arabes.

Mahmoud Abbas souhaite «pleine réussite» à  Ségolène Royal. La candidate française est aux anges. Et quand il s’agira, pour elle, de tirer le bilan de son voyage au Proche-Orient, Ségolène Royal feuillettera l’album photos complet d’une tournée quasi-présidentielle.

Florent Guignard


Vendredi 1er décembre

Quand parle le Hezbollah, Royal n’écoute pas

C’est l’une des lignes directrice de la diplomatie Royal : il faut parler avec tout le monde. Travaux pratiques dès le vendredi, dans le cadre d’une réunion avec la commission des Affaires étrangères du Parlement libanais. Toutes les sensibilités y sont représentées. La rencontre avec un député du Hezbollah est particulièrement attendue. On ne sera pas déçu !

La diatribe dure presque une demi-heure, contre les Etats-Unis et Israël, pour résumer. Une traductrice officie derrière Ségolène Royal. Une autre pour les journalistes regroupés au fond de la salle. Le mot «nazi» apparaît audible en arabe, il est également traduit en français par l’interprète des journalistes : le député du Hezbollah compare la politique de «l’entité sioniste» au «régime nazi».

Visages tendus de Ségolène Royal et de l’ambassadeur de France (à droite) avant l’arrivée du député du Hezbollah. 

		(Photo : Florent Guignard/ RFI)
Visages tendus de Ségolène Royal et de l’ambassadeur de France (à droite) avant l’arrivée du député du Hezbollah.
(Photo : Florent Guignard/ RFI)

Réponse pour le moins maladroite de Ségolène Royal : «Merci de votre franchise, je partage beaucoup de ce que vous avez dit sur les Etats-Unis». La candidate socialiste corrige en revanche son interlocuteur sur le terme «entité sioniste» : «Non, affirme-t-elle avec la plus grande fermeté, Israël est un Etat, qui a droit en tant que tel à la sécurité». Mais pas un commentaire sur le nazisme… La réunion s’achève, et Ségolène Royal tient à une mise au point : «Je rappelle que les Etats-Unis sont un pays ami, un pays allié de la France. Mon seul désaccord avec Washington porte sur la politique en Irak». Mais toujours aucun commentaire sur le nazisme.

En quelques heures, la polémique va prendre de l’ampleur à Paris. Le lendemain matin, Ségolène Royal convoque les journalistes. «Je n’ai pas entendu le mot nazisme.» A ses côtés, l’ambassadeur de France confirme. Et la candidate socialiste tient à lever toute ambiguïté : «Si ça avait été le cas, j’aurais immédiatement quitté la salle. De tels propos, s’ ils avaient été prononcés, seraient inadmissibles, abominables, odieux.» De tels propos ont bien été prononcés, entendus par les journalistes. L’une d’entre elle revient alors à la charge. Ségolène Royal perd son calme : «Maintenant ça suffit ! Ca suffit ! Arrêtez de vous monter la tête !», et tourne les talons. La polémique n’est pas close.

Tea-time mondain à la Résidence des Pins

C’est l’heure du goûter à l’ambassade de France à Beyrouth. C’est là que fut signée l’indépendance du Liban. Au-delà des murs à la hauteur imposante, qui entourent et protègent la belle résidence et sa pinède, grondent les rumeurs de la manifestation de l’opposition.

On attend 17 heures et la première conférence de presse de Ségolène Royal. Arrivée de Jean-Michel Ribes, le directeur du Théâtre national du Rond-Point sur les Champs-Elysées à Paris, organisateur d’un festival dans la capitale libanaise. Ce que l’ambassade de France n’a pu obtenir de Ségolène Royal, elle l’a réussi avec le théâtre : toutes les représentations prévues ont été annulées.

Le metteur en scène Jean-Michel Ribes vient saluer Ségolène Royal. 

		(Photo : Florent Guignard/ RFI)
Le metteur en scène Jean-Michel Ribes vient saluer Ségolène Royal.
(Photo : Florent Guignard/ RFI)

Désoeuvré, le metteur en scène est venu «saluer» la candidate. Mieux, il n’exclut pas de figurer dans son comité de soutien. Mais pas question, dit-il, de répéter l’erreur de Lionel Jospin en 2002 : «Poser sur la photo aux côtés du candidat ne suffit pas, les artistes devront investir activement la campagne». On attend de voir.

Florent Guignard


Jeudi 30 novembre

Arrivée agitée à Beyrouth

Beyrouth ne parle que de ça : pas de la venue de Ségolène Royal, non, mais de la grande manifestation de l’opposition, qui regroupe chiites du Hezbollah et chrétiens fidèles au général Aoun, prévue vendredi. Pour des raisons de sécurité, le séjour de Ségolène Royal apparaît vite compromis.

Ségolène Royal plaisante avec Walid Joumblatt devant le domicile du chef du Parti socialiste libanais. 

		(Photo : Florent Guignard/ RFI)
Ségolène Royal plaisante avec Walid Joumblatt devant le domicile du chef du Parti socialiste libanais.
(Photo : Florent Guignard/ RFI)

Dès l’arrivée de la candidate à l’aéroport, l’ami de la famille socialiste Walid Joumblatt lui suggère de repartir le soir même. Même «conseil» à l’ambassade de France. Les billets d’avion pour Amman ont déjà été réservés pour toute la délégation.

Conseil, ou pression, Ségolène Royal tient bon : pas question de partir, «pour ne pas donner un signal négatif. Je veux rester aux côtés des Libanais». Un temps embarrassé par la tournure des événements, l’entourage de la candidate, et son co-directeur de campagne, Jean-Louis Bianco, avouera : «On ne savait pas qu’il y aurait une telle manifestation». On a connu des voyages mieux préparés…

Florent Guignard


Vendredi 1er décembre 06

A Tiercé, le candidat Sarkozy prend son premier bain de foule…

C’est en Anjou, dans l’Ouest de la France, que Nicolas Sarkozy a passé sa première grande journée de campagne. Vendredi, à l’heure du déjeuner, visiblement apaisé, « libéré » a-t-il dit, de pouvoir enfin revêtir son costume de candidat, il est arrivé à Tiercé, petite bourgade de 3000 habitants.

Entre deux poignées de main, happé par la foule, le ministre de l’Intérieur a poussé la porte de la boulangerie, celle du café, il  a pris le temps de discuter et a même acheté deux « Morpions » au buraliste. Une chance au grattage… il n’a pas gagné, ce qui lui a valu cette petite phrase : « ça prouve que j’ai même l’élégance de ne pas gagner quand je suis invité ! »

Nicolas Sarkozy, qui devra attendre le Congrès de l’UMP du 14 janvier prochain pour être officiellement investi par son parti, a ensuite déjeuné avec quelques élus de la région, à La Table d’Anjou, principal restaurant de Tiercé. Au menu, trilogie de foie gras maison, sandre de Loire au beurre blanc, fondant tiède au chocolat, le tout arrosé de coteaux de Layon...

A peine le temps de digérer, le candidat a alors mis le cap sur Angers, à une vingtaine de kilomètres plus au sud. Une brève visite au centre de formation des apprentis de la chambre de commerce, avant de rallier le parc des expositions pour le grand show de la soirée. Devant plus de quatre mille supporters-sympathisants, sous les yeux attentifs – et admiratifs ? – de François Fillon, Roseline Bachelot et Hervé de Charettes, Nicolas Sarkozy a dévoilé sa vision de l’éducation et de l’école.  Il s’est adressé « à tous les français sans exception », « c’est une nouvelle époque qui s’ouvre, a-t-il insisté, j’ai une ambition, c’est d’être compris par ceux qui n’y croient plus… je veux que tous, d’où que vous veniez… vous vous disiez…dans ce qu’il dit et ce qu’il fera… j’aurai ma place… »

Frédéric Suteau 


Mercredi 29 novembre

Nicolas Sarkozy lance sa campagne

Cette fois plus de doute, Nicolas Sarkozy est bel et bien candidat ! Le secret de Polichinelle a été levé mercredi peu avant 19H00. Le journal Libération s’est procuré l’entretien que le ministre de l’Intérieur avait donné le matin-même à des représentants de la presse régionale et qui devait être publié le lendemain. Un joli coup de pub pour « Libé » qui ne s’est pas fait prier, mettant illico presto l’interview en ligne sur son site internet !

En quelques minutes l’information faisait le tour des rédactions. La une du 20H00… zoom sur la première question : « Etes-vous candidat à l’élection présidentielle ? - Ma réponse est oui ».  « Respect », « confiance », dans son entretien, le président de l’UMP - ministre désormais candidat - décline les grands axes d’une France où tout « deviendrait possible ». Il rêve d’une société en « mouvement », il prône « une rupture tranquille »

Frédéric Suteau


Dimanche 26 novembre

Le sacre

Ségolène Royal aux socialistes : «Aidez-moi ! La victoire est possible.» 

		(Photo : Florent Guignard)
Ségolène Royal aux socialistes : «Aidez-moi ! La victoire est possible.»
(Photo : Florent Guignard)

Elle est arrivée par une porte dérobée, les socialistes l’ont attendue et quand l’ancien Premier ministre Pierre Mauroy a lancé, solennel, «Et maintenant j’appelle Ségolène Royal», quand la candidate est enfin apparue sur la scène de La Mutualité à Paris, la salle entière s’est levée d’un bond, comme un seul homme, derrière une seule femme. Quatre bonnes minutes de standing ovation. Debout, seule et presque figée, Ségolène Royal a les yeux brillants d'émotion. Elle savoure, sourire béat, cet instant qui ressemble à un sacre. Les applaudissements sont sans fin. Les socialistes ont leur candidate.

C’est l’heure de la mise en scène. Une petite fille vêtue d’une robe blanche apporte un bouquet de roses, rouges.  Ségolène Royal elle aussi est en blanc, sur une estrade spécialement conçue pour ce Congrès, qui s’avance dans le public. Même la scène a été recouverte de moquette blanche. Même les haut-parleurs sont blancs. La messe peut commencer.

«Aidez-moi», entendent les fidèles, «aidez-moi, leur dit Ségolène Royal, à redresser la France». Sa France à elle, elle est diverse, par ses talents et par ses origines. Alors quels que soient les habits dont on voudra l'afflubler, «chef de guerre ou bien général», Ségolène Royal dresse son plan de bataille. Et puisque «la France a changé, la politique doit changer, elle doit partir de la vie des gens». Sa campagne sera participative. «N'ayons pas peur des idées neuves.»

Ségolène Royal n'oublie pas la droite, qui «ne recule devant rien», «les embûches et les chausse-trappes». Elle sait que la campagne qui s'ouvre sera difficile. «Il y aura des entorses, mais nous les soignerons.» «La victoire est possible», dit-elle en conclusion. Gagner est un «devoir».

Les orateurs se succèdent, mais c’est le nom de Ségolène Royal qui à chaque fois est applaudi. Fin du Congrès. François Hollande, compagnon à la ville et désormais en campagne, la pousse à remonter sur scène. La sono envoie la chanson révolutionnaire italienne Bella Ciao. Ségolène Royal perd enfin de sa raideur. Elle ouvre les bras, comme pour embrasser la foule des militants debout qui l'acclament encore. Elle sait qu’elle porte désormais seule sur ses épaules l'espoir de la gauche française. Plus tard, François Hollande dira : «C’était "Une journée particulière"».

Florent Guignard


Mercredi 24 novembre

A l’UMP, les règles sont fixées

Ils se sont enfin mis d’accord ! Cette semaine, lors d’un bureau politique, les chiraquiens et les sarkozystes ont arrêté un calendrier interne au parti pour la présidentielle de 2007. Celles et ceux qui souhaitent être candidat à l’intérieur de la formation politique pourront le faire du 23 novembre au 31 décembre 2006. Le congrès d’investiture aura bien lieu le 14 janvier et non quelques semaines plus tard comme l’avait demandé Michèle Alliot-Marie. La ministre de la Défense voulait «plus de temps pour le débat».

D’autre part, des forums interrégionaux, et non des débats comme au Parti socialiste, seront organisés pour que toutes les sensibilités de l’UMP puissent s’exprimer. Grand absent de ce rendez-vous, Dominique de Villepin. Il avait, selon son entourage, un agenda trop chargé. «On s’est mis d’accord sur une méthode, un calendrier, une procédure. C’est une bonne nouvelle», s’est réjoui Nicolas Sarkozy. Michèle Alliot-Marie, qui jusqu’ici avait dit qu’elle se déclarerait ou non candidate à la candidature UMP en janvier, a révisé ses plans. Elle le fera finalement savoir d’ici au 31 décembre, comme les règles le stipulent désormais.

Nicolas Sarkozy, a lui, affirmé, au journal de TF1, jeudi soir, qu’il l’annoncerait la semaine prochaine. S’agissant du patron de l’UMP ce n’est pas tant qu’il soit candidat qui est une surprise mais plutôt la forme que va prendre cette annonce.

Le président de l'UDF François Bayrou. 

		(Photo : Clarisse Vernhes/ RFI)
Le président de l'UDF François Bayrou.
(Photo : Clarisse Vernhes/ RFI)

A l’UDF, on ne fait pas durer le suspens

Ce sera le 2 décembre dans le Béarn. François Bayrou l’a annoncé, ce jeudi, à la presse. C’est dans sa région que le leader des centristes, a décidé de se déclarer candidat à la candidature pour 2007. Ce sera «original et personnel», a-t-il assuré, un brin mystérieux ! Beaucoup moins solennel qu’en 2001 où il avait annoncé qu’il briguait l’Elysée depuis le Conseil général des Pyrénées-Atlantiques dont il venait de quitter la présidence.

François Bayrou tiendra sa première réunion de candidature le 14 décembre à Lille. D’ici là, d’autres centristes pourront se porter candidat et ce jusqu’au 5 décembre, date de clôture du dépôt des candidatures. Les 33 000 militants peuvent voter par correspondance pour choisir celui qui portera leurs couleurs en 2007. Le résultat définitif sera connu le 20 décembre.

Clarisse VERNHES


Mardi 21 novembre

La chasse aux signatures

Jacques Chirac et Michèle Alliot-Marie sur l'écran géant du Congrès des maires. 

		(Photo : Florent Guignard/RFI)
Jacques Chirac et Michèle Alliot-Marie sur l'écran géant du Congrès des maires.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Il était là en 1994, puis en 2001. Et à chaque fois, l’année suivante, il s’est présenté à l’élection présidentielle… Alors quand Jacques Chirac se déplace devant le Congrès des maires de France, «à un moment où les Françaises et les Français vont devoir faire des choix qui engageront leur avenir», comme il le dit à la tribune, les spéculations repartent sur une nouvelle candidature du président. Mais s’agit-il peut-être, au contraire, de délivrer un testament sur «ce qui doit nous rassembler : la République» ?

A 5 mois du premier tour, le Parc des expositions de la porte de Versailles à Paris est l’endroit où il faut aller : les principaux candidats sont annoncés. Et même les plus «petits». En cette année pré-présidentielle, les maires sont très courtisés. Pas un qui n’ait été dans sa commune sollicité pour apporter son parrainage, les émissaires de Jean-Marie Le Pen paraissant les plus actifs dans la chasse aux 500 signatures nécessaires pour se présenter à la présidentielle.

Le député UMP Nicolas Dupont-Aignan, qui veut se présenter en candidat «libre», préfère draguer sur place, dans les allées, pour obtenir ses parrainages. Quant à la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie, héritière putative du gaullisme chiraquien, elle glisse que pour elle «ce n’est pas encore le moment…».

Florent Guignard  


Vendredi 17 novembre

Ainsi c’est elle…

Ségolène Royal est candidate du Parti socialiste pour la présidentielle de 2007. 

		(Photo : Florent Guignard/RFI)
Ségolène Royal est candidate du Parti socialiste pour la présidentielle de 2007.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Les sondages l’avaient sacrée «madone» et les adhérents socialistes l’ont simplement sacrée candidate pour la présidentielle de 2007. Mais avec quelle force !

Quand arrivent les premières estimations (55-60% pour Ségolène Royal) devant le portail d’entrée du siège du Parti socialiste, rue de Solferino à Paris, aux alentours de 23 heures, l’étonnement est partagé face à l’ampleur de l’avance. Bruno Le Roux, soutien de Ségolène Royal et «Monsieur élections» aux PS, se veut d’ailleurs mesuré : «60%, c’est un peu haut, ça va redescendre, même si ce sera une large victoire».

Et pourtant, ce n’est jamais redescendu. 60,65 %, ce sera le score final de Ségolène Royal (et 20,69 % pour Dominique Strauss-Kahn, 18,66% pour Laurent Fabius, avec une participation qui a frôlé les 82%). Même dans leurs rêves les plus fous, dans leurs pronostics les plus optimistes, les partisans de la présidente de la région Poitou-Charentes n’avaient pas imaginé de tels chiffres.

Avant même la proclamation officielle des premières tendances, les «royalistes» crient déjà victoire, puisque la désignation de Ségolène Royal dès le premier tour ne fait plus aucun doute. Bruno Le Roux donne une interview en direct du trottoir de la rue de Solferino sur la chaîne d’infos en continu LCI. Dans le hall du siège du PS, au pied des grands escaliers qui mènent au bureau du premier secrétaire, Jack Lang s’enthousiasme devant micros et caméras.

Le député européen, Stéphane Le Foll. 

		(Photo : Florent Guignard/RFI)
Le député européen, Stéphane Le Foll.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Arrive alors le premier communiqué officiel du bras droit de François Hollande, son directeur de cabinet, le député européen Stéphane Le Foll. La rumeur est confirmée: il n’y aura pas de second tour. Aux côtés de Stéphane Le Foll, dans une salle de presse bondée de journalistes venus du monde entier, se trouvent Patrick «Ségolin» Menucci, l’organisateur de la campagne de Ségolène Royal, l’un de ses porte-parole Jean-Louis Bianco, et surtout, surtout, Claude Bartolone et Jean-Christophe Cambadélis, les deux représentants de Laurent Fabius et de Dominique Strauss-Kahn. La photo est sans équivoque : il n’y aura pas de recours, les perdants reconnaissent leur défaite avec fair-play – mais pouvait-il faire autrement face à l’écrasante victoire de Ségolène Royal ?

La soirée s’annonce plus courte que prévue. Vers 2 heures du matin, les derniers journalistes abandonnent la rue de Solferino. Au même moment, Ségolène Royal savoure sa victoire chez elle, dans sa maison de Melle, au cœur du Poitou-Charentes. Mais les royalistes ont le triomphe modeste: aucune caméra, aucun appareil photo n’immortalisera le champagne que l’on sabre au moment des victoires. Même s’il flotte ce soir-là, au siège du PS, sur les radios et les télés, et plus tard à la une des journaux, un parfum de sacre présidentiel, la victoire, la vraie, n’est pas encore acquise.

Florent Guignard


Mercredi 15 novembre
 
Vous allez être surpris...
 
La surprise... c'est la dernière confidence à la mode susurrée par les proches de Jean-Marie Le Pen aux journalistes venus couvrir le lancement de la «marche verte» pour les vignerons et les paysans. Olivier Martinelli, son directeur de cabinet, et Jean-François Touzé, le conseiller Idée-Image-Communication, le répètent à qui veut l'entendre : «Vous allez être surpris».
 
La surprise sera présentée la semaine prochaine: sept affiches grand format, avec un visuel inhabituel pour le Front national. Sept affiches thématiques sur le thème «ce pays est en ruine, nous allons le reconstruire», précise Jean-François Touzé, «dans la ligne du discours de Valmy et du programme présidentiel», souligne Martinelli.
 
En clair, c'est la ligne normalisatrice de Marine Le Pen qui continue de s'affirmer comme le moteur de la campagne de son père. «Mais bien sûr, il a tout validé», rappellent les proches du président du FN qui n'aime rien tant que les surprises, depuis le 21 avril 2002.
 
David Servenay

Mardi 14 novembre

Jacques Chirac à Amiens... au bon souvenir de la «fracture sociale»

Qui se souvient de la fracture sociale ? Ce thème que Jacques Chirac avait décliné en 1995 lors de la campagne électorale qui l'avait mené, au final, à l'Elysée. Une fois élu, le président s'était engagé à tout mettre en oeuvre pour la réduire. En 1996 il était ainsi venu passer trois jours à Amiens, dans le nord-est de la France, pour lancer, en grande pompe et devant les caméras, le dispositif dit des «Zones franches urbaines». L'idée était d'encourager les entreprises à s'installer dans des quartiers difficiles, en leur offrant des exonérations fiscales et sociales. Mais en leur demandant en contrepartie d'embaucher au moins 20% de leurs salariés dans le périmètre de la Zone franche.

Dix ans ont passé...Les ZFU ont permis de relancer et de redynamiser des quartiers entiers. Jacques Chirac est venu le vérifier. Il est revenu à Amiens mardi. Durant près de deux heures, il s'est entretenu avec des acteurs locaux : chefs d'entreprises, médecins, responsables d'associations... Tous ont reconnu les bienfaits de la Zone franche, même s'il est apparu que des améliorations pouvaient encore être apportées, notamment dans la formation et la qualification des jeunes.

«Les problèmes des quartiers ne peuvent pas être résolus qu'avec le social», a insisté le chef de l'Etat. «L'emploi reste la clef de la réussite, quand l'emploi est là, tout redevient possible». Jacques Chirac a assuré qu'il y aurait bientôt 100 ZFU sur tout le territoire et que l'objectif était de créer 100 000 emplois d'ici 2011.

Une fois la table ronde terminée, à sa sortie du centre culturel Le Safran, Jacques Chirac s'est offert un bain de foule dont il le secret. Un président déterminé, souriant, heureux visiblement d'être là...Photos, dédicaces, poignées de main, il est resté plus de vingt minutes au coeur de la foule...assailli par les jeunes du quartier Nord d'Amiens. Une vraie communion improvisée, où comment effacer quelques instants les stigmates de la «fracture sociale»...

Frédéric Suteau


Lundi 13 novembre

Chevènement, gardien de la République

Jean-Pierre Chevènement présente son programme présidentiel sur la scène d’un théâtre parisien. 

		(Photo : Florent Guignard/RFI)
Jean-Pierre Chevènement présente son programme présidentiel sur la scène d’un théâtre parisien.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Mise en scène impeccable dans le petit théâtre Dejazet, à deux pas de la place de la République à Paris. Mention spéciale pour les décors : un drapeau tricolore et un poster géant de la statue de la République. La symbolique appuyée ne peut échapper à personne : Jean-Pierre Chevènement revient incarner le rôle qu’il préfère, gardien du temple républicain. S’il n’en restait qu’un, ce serait lui.

Le président d’honneur du Mouvement républicain et citoyen (MRC) se tient debout, seul sur la scène, et c’est sans note qu’il dévoile devant la presse (et plusieurs dizaines de partisans) son programme présidentiel bâti autour de trois priorités : «réorienter l’Europe, redonner confiance à la France, et remettre en marche le modèle républicain». Petite défaillance technique au bout de trois quarts d’heure d’un stand up jusqu’ici irréprochable: un trou de mémoire au moment de détailler le vingtième et dernier chantier que le candidat Chevènement entend lancer s’il est élu à l’Elysée. Un petit tour dans la coulisse s’impose pour consulter les antisèches.

Viennent ensuite les questions des journalistes. Toutes tournent autour du 21 avril 2002, des 5,3% obtenus par Jean-Pierre Chevènement, et de l’élimination du candidat socialiste au 1er tour. L’ancien ministre de l’Intérieur du gouvernement Jospin dit «supporter depuis cinq ans une campagne lâche et odieuse». Il refuse d’être le «bouc-émissaire de l’échec» de Lionel Jospin.

Baisser de rideau. Ce soir, le théâtre Dejazet reprend ses activités normales avec deux pièces en alternance, La Fondue bourguignonne et Piaf, La vie en rose et noir. Non, rien de rien, il ne regrette rien.

Florent Guignard


Jeudi 9 novembre

Dernier débat socialiste à Toulouse

Dernier débat du premier tour pour les présidentiables socialistes, Laurent Fabius, Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn. (Photo : Florent Guignard/ RFI)
Dernier débat du premier tour pour les présidentiables socialistes, Laurent Fabius, Ségolène Royal et Dominique Strauss-Kahn.
(Photo : Florent Guignard/ RFI)
 

Des sifflets pour Ségolène…

Pas de sifflets à Toulouse, quoique… Pour le dernier débat socialiste avant le vote des militants, le 16 novembre, Ségolène Royal a fait les frais d’une salle impatiente. Alors que son temps de parole est largement dépassé (selon des règles strictes, chaque candidat avait droit à quinze minutes d’introduction, plus quatre minutes pour chacune des trois questions posées par des militants), l’un des organisateurs locaux du meeting la rappelle gentiment à l’ordre. Au premier rang, celui que l’on surnomme «Ségolin», le Marseillais haut en couleurs Patrick Menucci, s’agite en direction du modérateur, gestes et regard d’exaspération à l’appui. Imperturbable, Ségolène Royal poursuit sa conclusion. L’arbitre des débats revient à la charge : « Ségolène, tu as dépassé de trois minutes ». « C’est pas grave, répond-elle sans se démonter,  je serai courte sur les questions ! » Fusent alors quelques sifflets, vite tus. C’était promis, Toulouse ne serait pas une réédition du Zénith de Paris.

… et des sirènes pour DSK

François Hollande a cédé sa place aux pompiers toulousains à la fin du meeting. (Photo : Florent Guignard/ RFI)
François Hollande a cédé sa place aux pompiers toulousains à la fin du meeting.
(Photo : Florent Guignard/ RFI)

Dominique Strauss-Kahn, le moins applaudi des trois, n’a pas eu beaucoup de chance. Il fut le premier à parler, mais sa prestation fut tout le long perturbée par des sirènes de pompiers. Vagues hypothèses inquiètes dans le public : série de malaises à répétition parmi une foule de militants compressés pour accéder au meeting ? Incendie du camion à frites installé devant le centre des congrès ? DSK réussissait-il à mettre enfin le feu à la salle ? Visiblement perturbé par le pimpon quasi-permanent des gros camions rouges, et en pleine tirade sur l’avenir des services publics en France, l’ancien ministre de l’Economie s’est alors permis une note d’humour : « La droite a attaqué le service public de la santé, le service public du gaz, euh… le service public des pompiers ! » On apprit plus tard qu’il s’agissait, en fait, d’une manifestation des sapeurs-pompiers, inquiets pour leurs retraites. Ils n’ont finalement accepté d’arrêter leurs sirènes qu’après avoir reçu la promesse de pouvoir s’exprimer à la fin du meeting.

Fabius guère loyal pour Royal

Ségolène Royal, studieuse au premier rang avant sa prestation.(Photo : Florent Guignard/ RFI)
Ségolène Royal, studieuse au premier rang avant sa prestation.
(Photo : Florent Guignard/ RFI)

Ségolène Royal n’en est pas revenue. En dépit des intentions affichées par tous, et alors qu’elle-même se fait un devoir de ne jamais commenter les propositions de ses adversaires (en tout cas en public), Laurent Fabius ne s’est pas privé de rendre un hommage particulier au « dada » de la présidente de la région Poitou-Charentes, la démocratie participative. « On a opposé à tort démocratie représentative et démocratie participative… Oui à la démocratie participative, mais la démocratie approximative, non ! » Assise au premier rang, Ségolène Royal a alors ouvert de grands yeux de surprise, avant de prendre le parti d’en rire avec ses collaborateurs.

Hollande se paie « le Che »

François Hollande, ici aux côtés de Ségolène Royal et de Dominique Strauss-Kahn, conduira la campagne des législatives en juin 2007. (Photo : Florent Guignard/ RFI)
François Hollande, ici aux côtés de Ségolène Royal et de Dominique Strauss-Kahn, conduira la campagne des législatives en juin 2007.
(Photo : Florent Guignard/ RFI)

Question : qui, de Laurent Fabius, Ségolène Royal ou Dominique Strauss-Kahn, fut le plus applaudi à Toulouse ? Réponse : François Hollande. Le premier secrétaire jouit toujours d’une popularité incomparable auprès des militants PS, parce qu’il incarne la légitimité du parti, parce qu’il sait aussi être drôle. Il ne s’est ainsi pas privé de « se payer » Jean-Pierre Chevènement, qui vient de se lancer dans la course à l’Elysée, au risque, selon beaucoup de socialistes encore meurtris par le 21 avril 2002, de gêner leur propre candidat. « Certains ont annoncé leur candidature, un peu rapidement peut-être ! On dirait que c’est une espèce de manie qui les reprend tous les cinq ans ! » Conclusion de François Hollande : « Ce dont on a besoin, c’est moins de candidatures et plus d’électeurs ! » Et à propos d’élection, le premier secrétaire socialiste l’a promis : quel(le) que soit le (la) candidat(e), il participera activement à la campagne présidentielle, et quel que soit le résultat de la présidentielle, François Hollande conduira la campagne des législatives un mois plus tard.


Vendredi 10 novembre

Le gaullisme au centre des querelles, dans une semi-obscurité

Nicolas Sarkozy n’a pas été convié au pèlerinage à Colombey-les-Deux-Églises par Jacques Chirac pour la pose de la première pierre du mémorial dédié à Charles de Gaulle qui ouvrira ses portes en 2008. Mais ça ne l’a pas empêché de parler du Général à Saint-Étienne. Saint-Étienne où le chef de l’UMP tenait une réunion publique sur le thème de la mondialisation. « Le gaullisme, c’est tellement fort que ça vaut plus qu’une commémoration », affirme Nicolas Sarkozy, un peu amer tout de même ! A plusieurs reprises, dans son discours, il a souligné l’homme de rupture  qu’était le Général de Gaulle : « Il a toujours refusé la continuité, les conformismes, les situations acquises ». Un peu comme lui, en fait ! Nicolas Sarkozy, très tendu, a dû affronter, en plein milieu de cette réunion publique, une panne d’électricité. La salle où s’étaient rassemblées plus de 6 000 personnes a été en partie plongée dans le noir, pendant un quart d’heure. Il semblerait que ce soit la CGT qui ait décidé de couper le courant. Et comme si cela ne suffisait pas, une sirène de voiture a pris le relais après que la lumière soit revenue. Nicolas Sarkozy, imperturbable, a continué son discours comme si de rien n’était …… Mais à voir les noires œillades de ses conseillers, on a tout de suite senti que certains de son équipe technique ne tarderaient pas à se faire souffler dans les bronches.

Clarisse Vernhes


Samedi 28 octobre

Jacques Chirac, entouré de journalistes, devant la sépulture du quatrième empereur de la dynastie Han. 

		(Photo : Florent Guignard/RFI)
Jacques Chirac, entouré de journalistes, devant la sépulture du quatrième empereur de la dynastie Han.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Antiquités chinoises et communication élyséenne

Grosse colère de l’Elysée contre les services de sécurité chinois. Les «bodyguards» du régime communiste ont failli faire capoter le plan de communication mis en place par Claude Chirac lors de la visite, à Xi’an, de la sépulture de Liu Qi, le quatrième empereur de la dynastie Han.
Il faut montrer à la presse française combien le président est féru d’antiquités chinoises. Claude Chirac s’approche donc de son père et lui dit de faire venir les journalistes près de lui. La visite donne alors l’image d’un homme totalement sous l’influence de sa conseillère en communication. Alors que la passion de Jacques Chirac pour les arts asiatiques est réelle (dès l’adolescence, il fréquentait assidûment le musée Guimet à Paris), le président passe la plupart de son temps à chercher des yeux les journalistes, à les tirer auprès de lui. Il regarde à peine les vestiges archéologiques et écoute d’une oreille lointaine les commentaires qui lui sont destinés. Mais tout ce manège dérange les services de sécurité chinois : ils sont là pour faire barrière autour du président français et appliquent scrupuleusement les consignes. L’Elysée s’énerve : il faut laisser passer les journalistes. Dans l’un des couloirs sombres et étroits du site, un policier chinois et un officier du SPHP, le Service de protection des hautes personnalités, en viennent même aux mains. Claude Chirac s’interpose : «Cette sécurité est insupportable ! C’est vraiment invraisemblable !» Jérôme Bonnefont, le porte-parole de l’Elysée, d’ordinaire si affable, laisse éclater sa colère contre l’ambassadeur de Chine à Paris. «Laissez faire les Français !» crie-t-il en anglais. Mais les policiers chinois restent inflexibles. Dans un pays totalitaire, les ordres sont les ordres… Pour les ramener à la raison française, on fait alors appel à l’interprète chinoise qui accompagne Jacques Chirac tout au long de la visite. «Vous me la rendez, hein ?», se soucie le président sinophile. La tension retombe enfin d’un cran, la visite se poursuit plus paisiblement, et les journalistes français pourront reproduire quelques unes des citations présidentielles glanées ici et là. Jacques Chirac est bien un excellent connaisseur de l’archéologie chinoise, et il n’a rien perdu de son humour : désignant les innombrables statuettes en terre cuite disposées autour de la sépulture du quatrième empereur et récemment mises à jour, Jacques Chirac s’exclame, en se tournant vers son ami Christian Deydier, le président du Syndicat des antiquaires français, qui l’accompagne pendant ce voyage : «Tout ce qu’on voit là n’est pas encore tombé aux mains des antiquaires !»

Vendredi 27 octobre

Le couple Chirac, avec le PDG de PSA, a toujours été fidèle aux Peugeot-Citroën. 

		(Photo : Florent Guignard/RFI)
Le couple Chirac, avec le PDG de PSA, a toujours été fidèle aux Peugeot-Citroën.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Un amour de 206

Les Chirac sont fidèles aux Peugeot-Citroën. Tout le monde se souvient du tour de Paris victorieux de Jacques et Bernadette à l’arrière de leur CX, le soir du second tour de l’élection présidentielle de 1995. Bernadette Chirac possède aussi une 205 rouge qu’elle conduit elle-même sur les petites routes de «son» canton de Saran en Corrèze. Ici, dans l’usine PSA de Wuhan, elle semble impatiente. «Ce qui m’amuserait, demande-t-elle à un dirigeant français de Peugeot, c’est qu’on voie le type de petites voitures que vous vendez aux Chinois.» «Pas tout de suite, Madame, on va d’abord se rendre sur les chaînes de montage.» Alors, en attendant, Madame livre ses analyses perspicaces sur la puissance économique de la Chine. «1,3 milliards d’hommes… C’est un marché énorme…»
Le président, lui, reste quasi silencieux pendant la visite, écoute les explication du PDG de PSA, Jean-Martin Folz, et se contente d’afficher son célèbre rictus de la bouche, de plus en plus mécanique au fil des ans. Le dos légèrement voûté, Jacques Chirac fait son âge. Il manque même de trébucher au milieu des câbles d’une des chaînes de montage. Ses gardes du corps le rattrapent in extremis. Derrière, Claude Chirac pousse un soupir de soulagement. Viennent enfin les petites voitures, exposées à l’issue de la visite. «Il y a le modèle Elysée», lance fièrement le patron de Peugeot. «Et le modèle Triomphe», surenchérit l’un de ses collaborateurs. Pour ne pas être en reste, le ministre des Transports, Dominique Perben, demande alors : «A quand un modèle Corrèze?» La petite troupe rit vraiment de bon cœur… Mais Bernadette Chirac, elle, préfère s’attarder auprès d’une Picasso. Elle remarque que la voiture dispose de trois sièges à l’arrière. «Elle est vraiment belle !» Mais son coup de cœur, la première dame de France le réserve à une 206, dont elle caresse longuement la carrosserie de couleur verte. «J’aime beaucoup…» Mais une voix la tire de sa contemplation. C’est celle de son mari, qui la vouvoie depuis plus de 40 ans : «Venez voir la 307 !»

Jacques Chirac corrige son Premier ministre et rappelle qu’il reste le patron. 

		(Photo : Florent Guignard/RFI)
Jacques Chirac corrige son Premier ministre et rappelle qu’il reste le patron.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Désaveu à distance pour Dominique de Villepin

Le régime chinois n’aime guère les journalistes. En témoigne la conférence de presse organisée mercredi à l’issue des entretiens entre Jacques Chirac et Hu Jintao. Une conférence de presse qui n’en avait que le nom, puisque aucune question n’a pu être posée, à la demande impérative des Chinois. Une séance de rattrapage est donc organisée à la veille du retour en France de Jacques Chirac. Après avoir tiré un court bilan de son voyage, le président donne la parole aux journalistes. Mais la première question paraît pour le moins décalée : elle ne concerne aucun des gros dossiers abordés pendant cette visite d’Etat, ni le nucléaire nord-coréen, ni les contrats signés par les entreprises françaises. Elle porte sur la suggestion, faite la veille à Paris par Dominique de Villepin, d’autoriser des caméras de télévision pendant un Conseil des ministres. S’agissait-il d’une question «suggérée»? Alors que la règle veut que le président français ne parle jamais de politique intérieure en déplacement à l’étranger, Jacques Chirac s’était préparé à y répondre, lisant de toute évidence ses notes. Il rappelle qu’il est «le président du Conseil des ministres» et que pour «la sérénité» des décisions qui y sont prises mieux vaut que tout cela se fasse «en dehors de toute pression». Désaveu public cinglant pour Dominique de Villepin, et visiblement le chef de l’Etat voulait que cela se sache. Le lendemain, à Paris, l’information fait la une du Figaro.

Jeudi 26 octobre

Revue des troupes militaires devant le Grand Palais du Peuple, sur la place Tian’anmen. 

		(Photo : Florent Guignard/RFI)
Revue des troupes militaires devant le Grand Palais du Peuple, sur la place Tian’anmen.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Concours de Miss Monde au Palais du Peuple

La Chine est encore, en théorie, un pays communiste, et du rouge il y en a partout dans le Grand Palais du Peuple, le Parlement chinois. Epaisses moquettes carmin dans ce bâtiment à l’architecture démesurée. Le lieu est immense, mais sert rarement aux débats des 2 000 députés chinois, d’abord parce que le Parlement ne se réunit qu’une dizaine de jours par an, ensuite parce que des débats, il n’y en a jamais… Dans ce pays désormais si friand de devises étrangères, tout s’achète et tout se loue, en l’occurrence un hall du palais, où des ouvriers sont en train d’installer le décor d’un concours de beauté international. A quelques salons de là, le numéro 1 chinois, Hu Jintao, discute du nucléaire nord-coréen avec Jacques Chirac.

Jacques Chirac signe le partenariat stratégique franco-chinois. Derrière lui, à gauche, Philippe Douste-Blazy. 

		(Photo : Florent Guignard/RFI)
Jacques Chirac signe le partenariat stratégique franco-chinois. Derrière lui, à gauche, Philippe Douste-Blazy.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Un «effrayant» ministre

Dans quelques minutes va être signée la déclaration commune franco-chinoise, et la délégation française patiente dans un salon. Les ministres sont déjà alignés devant les drapeaux officiels, et dans un coin, Claude Chirac, fille de, conseillère Communication et Opinion selon le titre officiel, devise avec une de ses collègues de l’Elysée. Les compliments pleuvent sur Christine Lagarde, la ministre du Commerce extérieur, en tailleur blanc. «J’aime beaucoup. Elle est vraiment classe et élégante», assure Claude Chirac. Les commentaires sont en revanche beaucoup moins avenants pour Philippe Douste-Blazy, le ministre des Affaires étrangères. «Non mais regardez-le ! Il n’arrête pas de se recoiffer… Il est effrayant !» Le lendemain, pendant la visite de l’usine Peugeot-Citroën de Wuhan, Claude Chirac plaisanta pourtant de bon cœur avec l’«effrayant» ministre.

Mardi 24 octobre

L’un des Airbus de la flotte d’Etat française sur le tarmac de Novosibirsk. 

		(Photo : Florent Guignard/RFI)
L’un des Airbus de la flotte d’Etat française sur le tarmac de Novosibirsk.
(Photo : Florent Guignard/RFI)

Paris-Pékin : escale en Sibérie

Le thermomètre affiche moins 7 degrés. Escale technique à Novosibirsk, en pleine Sibérie, pour l’avion de la délégation des journalistes «embedded» pour suivre la visite d’Etat de Jacques Chirac en Chine. C’est le premier des cinq appareils de la République française mobilisés pour ce voyage, trois Airbus et deux Falcon (un avion de secours pour le président, un autre pour Bernadette Chirac qui n’aime pas les antiquités chinoises au programme du dernier jour et qui quittera donc la visite d’Etat avant la fin pour pouvoir rentrer à Paris). Tous les avions civils du ministère de la Défense sont des moyen-courrier, des A320. Impossible d’accomplir un Paris-Pékin sans faire escale, même pour l’avion présidentiel. Imagine-t-on George Bush contraint de perdre une heure et demie d’un temps précieux pour qu’Air Force One fasse le plein de kérosène ? Mais c’est promis, la flotte d’Etat française va se moderniser. Plusieurs A340 ont été commandés, et dès l’été prochain ils entreront en service. Pas sûr du tout que Jacques Chirac puisse en profiter…

Florent Guignard


Jeudi 26 octobre

La tension est montée d’un cran entre socialistes

Toujours pas de caméras, ni de photos, ni d’enregistrements possibles pour ce 2ème débat régional entre Dominique Strauss-Kahn, Ségolène Royal et Laurent Fabius. Mais cette fois-ci, cela n’était peut-être pas plus mal pour les trois présidentiables socialistes. La campagne a pris une autre tournure : applaudissements mais aussi sifflets ont fait leur apparition au Zénith où 6 000 militants s’étaient déplacés. Le ton est monté d’un cran. Huées contre Laurent Fabius qui parle d’Europe : «il est où ton plan B» hurle un homme dans l’assistance. Ségolène Royal s’est fait huer par ses détracteurs et applaudir par ses partisans quant elle a évoqué le «peuple» ou son éternel «désir d’avenir». Seul Dominique Strauss-Kahn a été épargné. La salle lui était tout acquise. D’ailleurs, à la fin du meeting, une dispute assez virile a opposé le conseiller en communication du député-maire de Sarcelles à Julien Dray, proche de Ségolène Royal. Ce dernier accusant l’autre d’avoir monté la salle contre la présidente de Poitou-Charentes. Les deux hommes en sont venus quasiment aux mains. Heureusement que les journalistes étaient là pour les séparer.

Clarisse Vernhes


Jeudi 19 octobre, Clermont-Ferrand

Train ou voiture

Des menaces de grève planant sur l'aéroport de Clermont-Ferrand jeudi, Ségolène Royal a choisi la voiture pour se rendre au premier débat régional des candidats du PS à l’élection présidentielle. Dominique Strauss Kahn et Laurent Fabius, eux, ont opté pour le train. Pas le TGV, qui met par exemple trois heures pour couvrir les 800 km qui séparent Paris et Marseille. Non, un train Téoz, un Corail à l'ancienne qui a besoin de près de quatre heures pour assurer les 400 km Paris-Clermont! Durant le voyage Laurent Fabius a échangé quelques mots avec le contrôleur, ce qu’il s’est empressé de rapporter quelques heures plus tard face aux 3 000 militants de la Maison des Sports: «Il m'a dit, a expliqué l'ancien Premier ministre, ce que vous faites les socialistes, vos débats, c'est bien...mais vous devriez vous différencier un peu plus!» Et Laurent Fabius d’enchaîner sur ce qui fait sa spécificité: le Smic à 1 500 euros, les 35 heures pour tous les salariés, la réforme des institutions, un programme «authentiquement socialiste», a-t-il lancé.

Qui va sauver la planète ?

Pour ce premier débat «régional», comme lors du premier débat «télévisé» il y a deux jours, tout avait été étudié minutieusement préparé. Cadenassé pour qu’il n’y ait aucun dérapage. Ségolène Royal, Dominique Strauss Kahn et Laurent Fabius ont eu une demi-heure chacun pour s’exprimer. Un quart d’heure de «libre parole» et un quart d’heure pour répondre à trois questions –préalablement sélectionnées- de militants. Pas de surprise donc, les 3 000 «spectateurs» ont joué le jeu. Ils ont écouté sagement, sans excès, jusqu’à ce que… tout de même, alors que Laurent Fabius venait d’en terminer avec son intervention, une voix s’élève dans la salle. Du haut des tribunes une jeune femme l’interpelle: «Tu viens de dire qu’il faut sauver le monde…mais qui va le sauver?» Petit moment de flottement, de panique, que faire…il n’était pas prévu que la salle interpelle directement les candidats. Finalement devant l’insistance de la jeune femme, Laurent Fabius se rapproche du micro et répond: «On me souffle Jésus sur ma droite, mais je crois plutôt que c’est la gauche laïque et républicaine qui peut sauver le monde!» La salle se lève et applaudit à tout rompre... assurément la plus belle ovation de la soirée!

Tirage au sort

A toi, à moi, en vertu du tirage au sort, Ségolène Royal a été la première à s’exprimer. Elle a eu aussi le privilège de conclure, lorsqu’au bout de deux heures, les trois candidats ont eu droit à trois minutes chrono pour dire un dernier mot. Parler en premier(ère) et en dernier(ère), l’avantage n’est pas négligeable. Rien de tel pour marquer les esprits. Une bonne étoile semble accompagner la favorite des sondages. Mardi déjà, pour le débat télévisé, Ségolène Royal avait ouvert le bal avant de le refermer en bout d’émission. On se souvient également qu’à Lens il y a un mois, lorsque les sept candidats PS encore en lice s'étaient produits devant les militants du Nord-Pas-de-Calais, elle avait là aussi eu le privilège de débuter.

Un débat presque à huis clos

Pas de micro, pas de caméra, le débat de jeudi n’a laissé aucune trace visuelle ou sonore. Les journalistes radio et télé ont été invités à laisser leur matériel à l’extérieur. Pour la presse écrite, le PS avait prévu initialement les mêmes restrictions: pas d’ordinateur dans la salle !  Comment rendre compte alors du débat? Comment envoyer au plus vite son article? Les journalistes concernés ont pris la mesure comme une provocation. Ils ont menacé de boycotter la soirée. Pas d’ordinateurs, pas de compte rendu le lendemain dans les journaux! Le bras de fer a duré tout l’après midi. Finalement à 20h00, après une réunion au sommet entre l’entourage des trois candidats et la direction du PS, les socialistes ont cédé. Ils ont installé à la hâte, face à la tribune, deux grandes tables, des prises, des rallonges, des lampes… la presse écrite a pu travailler.

Frédéric Suteau 



Mardi 17 octobre

Un débat convenu et aseptisé

C’était une première dans l’histoire du Parti socialiste mais aussi dans l’histoire de la télévision française. Les 3 prétendants à l’investiture socialiste : Ségolène Royal, Dominique Strauss-Kahn et Laurent Fabius ont participé, le 17 octobre, au premier débat télévisé. En fait de débat, ce fut plutôt un grand oral. Pas de confrontation brutale entre les 3 candidats à la candidature. Il faut dire que les interventions des uns et des autres avaient été orchestrées au millimètre près. Pas question de s’apostropher ou de se couper la parole. Rien de spontané donc !  Le débat a été courtois et de bonne tenue. Les thèmes étaient connus d'avance : logement, retraite, pouvoir d'achat, emploi, santé. Pendant plus de deux heures Ségolène Royal tout de blanc vêtu, Laurent Fabius et Dominique Strauss-Kahn, costumes sombres, ont répondu à tour de rôle, donnant leur position sur chaque sujet.

Passe d’arme entre DSK et Laurent Fabius

Ségolène Royal a passé l’épreuve du débat, elle qui avait menacé, la semaine dernière, de ne pas participer à cette émission. Fidèle à sa conception de la politique, elle a continué de prôner l’ordre juste et son intention d’incarner un désir d’avenir. Dominique Strauss-Kahn, incontestablement le plus à l’aise, a mis en avant «la sociale-démocratie moderne» et son objectif principal : le plein emploi. Quant à Laurent Fabius, le plus bas dans les sondages, il est apparu comme le plus combatif. «Je suis candidat, a-t-il dit, car il y a des inégalités, des injustices que je n'accepte pas». Seule une brève passe d’arme entre DSK et Laurent Fabius a pimenté ce rendez-vous, somme toute très convenu.

Clarisse Vernhes


Vendredi 13 octobre

Dominique de Villepin se ressource en Martinique

Accueil plus chaleureux en Martinique où Dominique de Villepin passait ses vacances de Noël avant d’arriver à Matignon et où sa femme a des attaches familiales. Bain de foule dans les rues et sur le marché de Fort-de-France. Passage obligé pour tout homme politique : entretien avec le poète, chantre de la négritude, Aimé Césaire ; visite d’un régiment de service militaire adapté, l’ancêtre du service «Défense 2e chance» puis, en fin de journée, rencontre avec l’association des familles des victimes du crash du 16 août 2005, au cours duquel 152 Martiniquais ont perdu la vie. Même à 7 000 kilomètres de la métropole, difficile d’occulter les tensions qui règnent dans la majorité. Le Premier ministre s’est employé à calmer les esprits en prônant l’unité de son camp. Il faut dire que depuis plusieurs semaines les tensions entre chiraco-villepinistes et les sarkozystes sont assez vives. Et en guise sans doute de présage, un Martiniquais a offert au chef du gouvernement un tee-shirt sur lequel était inscrit «Villepin, tchembé reid», «Villepin tenez bon».
Clarisse Vernhes


Jeudi 12 octobre

Dominique de Villepin fraîchement accueilli en Guadeloupe

48 heures aux Antilles : 24 heures en Guadeloupe, 24 heures en Martinique. Le Premier ministre a rencontré au pas de charge et sous une pluie battante les élus qui comptent sur les 2 îles. En Guadeloupe, où il a prôné l’unité au sein de la majorité, Dominique de Villepin a essayé de réconcilier, en vain, les deux-sœurs ennemis de la droite locale. D’un côté, la sénatrice chiraquienne Lucette Michaux-Chevry, de l’autre la députée Gabrielle Louis-Carabin, proche de Nicolas Sarkozy. Le chef du gouvernement qui s’est rendu dans les deux fiefs électoraux des deux femmes a été accueilli mollement par la population. La Guadeloupe, terre socialiste, a aussi été le théâtre de vifs échanges au Conseil général à Basse Terre entre le Premier ministre et Victorin Lurel, président de la région. En cause : la baisse des crédits alloués à l’Outre-Mer. Dominique de Villepin n’était pourtant pas arrivé les mains vides. Il a annoncé une enveloppe supplémentaire pour le logement social, véritable problème sur l’île.
Clarisse Vernhes

A Périgueux, Nicolas Sarkozy décline sa République

Nicolas Sarkozy était déjà venu à Périgueux, il y a plus de trente ans. Avant d’entamer son discours-fleuve sur la République jeudi, il s’est adressé sur le ton du souvenir à Yves Guéna, qui siégeait au premier rang. Ancien maire de Périgueux, ancien député, membre du Conseil constitutionnel de 1997 à 2004, Yves Guéna est l’une des figures du Périgord et du Sud-Ouest de la France. «Je vais te dire Yves, a commencé Nicolas Sarkozy, à toi et à ton épouse… Sans doute tu ne t’en souviens plus... Quand j’étais tout jeune militant... Déjà militant de la famille gaulliste...Je suis venu à Périgueux et nous prenions le train de nuit pour rentrer... J’avais 20 ans... Et dans ce train qui nous ramenait à Paris…Tu m’avais demandé… Est-ce que tu as faim ? Ce sandwich que tu m’as offert je ne l’ai pas oublié... Ca devait être ma deuxième ou ma troisième réunion politique…Et aujourd’hui parler devant toi... C’est pour moi comme un raccourci de toute une vie d’engagement politique...Ca prouve qu’on ne construit rien pour l’avenir si on renie ses racines…Et mes racines je ne suis pas un homme à les renier !»   

A Périgueux, Nicolas Sarkozy a prononcé un discours-fleuve. 

		(Photo : Frédéric Suteau/RFI)
A Périgueux, Nicolas Sarkozy a prononcé un discours-fleuve.
(Photo : Frédéric Suteau/RFI)

Avant son déplacement à Périgueux, certains s’interrogeaient sur l’état de forme du ministre de l’Intérieur. Mardi dernier, n’avait-il pas dû annuler tous ses rendez-vous, victime d’une migraine tenace ? Cette même migraine qui, il y a un an, lui avait fait manquer un conseil des ministres… Nicolas Sarkozy a répondu à ses détracteurs sur scène, un «one man show» d’une heure et quart. Il s’est livré sans retenue. Avec ses mots, ses mimiques habituelles, mouvement d’épaules et de bras, le président de l’UMP a fini en sueur, chemise plaquée au corps. Une générosité qui n’a pas échappé aux quelques 3 000 sympathisants qui avaient fait le déplacement.  

Comme le veut la coutume, le discours de Nicolas Sarkozy a été distribué aux journalistes une demi-heure avant que l’intéressé ne monte sur scène. Dix-sept pages sur la République et l’idée qu’il s’en fait. Dix-sept pages qu’il a lues mot pour mot à quelques exceptions près. A plusieurs reprises le texte évoquait la «rupture», mais face à la foule, Nicolas Sarkozy a préféré modérer son propos, parlant de «changement» ou de «vérité».

Dans le même ordre d’idées, un passage consacré aux «enfants qui se font racketter à l’école» dénonçait, dans le texte, «la loi des bandes et des caïds». Le ministre de l’Intérieur n’a pas voulu surenchérir, il n’a parlé que des «bandes» et pas des «caïds». Peut-être le souvenir d’Argenteuil et la polémique qu’il avait déclenchée l’an passé, lorsqu’il avait lancé aux habitants «on va vous débarrasser de cette racaille !». 

A Périgueux, Nicolas Sarkozy a cherché à élargir son discours, l’adoucir dans la forme, à tel point que par moment il a pu sembler contre-nature. Il s’est présenté «comme le garant de l’unité», «je veux l’unité, a-t-il martelé, et s’il le faut je serai unitaire pour tous les autres».
Frédéric Suteau


Mardi 3 octobre

Duel d’amabilités à l’UMP

Ils ont beau faire, on n’y croit pas. Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin n'ont pas arrêté de se taper dans le dos et d'échanger des sourires de connivence lundi aux journées parlementaires de l'UMP. Amis pour la vie devant les députés et les photographes, sans oublier les caméras, surtout les caméras... C'est le même refrain depuis les universités d'été, début septembre à Marseille.

Assis à la même table de déjeuner ils ne se sont pas adressé la parole et ont eu l'air de terriblement s'ennuyer. Le grand amour entre les deux concurrents est difficile à vendre vu qu'ils ont passé les dernières semaines à s'envoyer des piques et à se contredire à peu près sur tout : le service civique, les régimes spéciaux de retraites, la carte scolaire.

Les députés -qui en ont vu d'autres- ne s'y laissent  pas prendre. La grande majorité d'entre eux s'était épargné le déplacement jusqu'à Paris pour cette traditionnelle réunion de rentrée parlementaire. Les acteurs ont pourtant été parfaits jusqu'au bout : ils s'appellent par leur prénom, c'est plus cordial, mais se vouvoient. Nicolas Sarkozy a gratifié Dominique de Villepin de l'estampille «bon Premier ministre». Dominique de Villepin a assuré qu'il soutiendrait le candidat le mieux placé pour la présidentielle. Un vrai duel d'amabilités.
Isabelle Chenu



Article publié le 25/08/2006 Dernière mise à jour le 26/08/2006 à 09:44 TU