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France 2007 – élection présidentielle

Ségolène Royal: histoire d’une «quinqua» libérée

Ségolène Royal. 

		(Photo: AFP)
Ségolène Royal.
(Photo: AFP)
De la jupe plissée à la robe ajustée, Ségolène Royal a fait son chemin en politique. Et la voilà, jeune «quinqua» dynamique et séduisante en position de disperser le troupeau des éléphants roses pour s’approprier l’investiture socialiste en vue de l’élection présidentielle de 2007. Incroyable? Pas tant que ça. Enervant? Certainement. C’est d’ailleurs l’un de ses principaux traits de caractère: mettre les pieds dans le plat sans se préoccuper des susceptibilités, avancer, conquérir, prouver et écraser s’il le faut. Cela lui a permis d’attirer l’attention de François Mitterrand, de conquérir une circonscription où elle avait été parachutée (Deux-Sèvres), de faire de ministères de seconde zone (Famille, Environnement) des têtes de pont médiatiques. Elle y a gagné une image: celle d’un femme politique de proximité, capable d’indignation, qui comprend les problèmes de la vie quotidienne de ses concitoyens et essaie de les résoudre. Celle d’une femme de conviction aussi, féministe avant tout, mais femme jusqu’au bout et mère plus que tout. Elle n’a renoncé à rien, sauf au mariage. Depuis presque trente ans, elle partage la vie d’un homme… politique lui aussi, François Hollande, mais ils n’ont jamais scellé leur union devant Monsieur le maire. Avide de liberté après une enfance trop stricte pour ne pas laisser de trace, Ségolène, en amour comme en politique, ne veut en faire qu’à sa tête.

Et si c’était elle? Le messie socialiste serait une femme et elle porterait un nom d’altesse… Royal. L’hypothèse est de moins en moins saugrenue. A force d’être en tête des sondages qui en ont fait la socialiste préférée des Français, ses adversaires au sein du parti sont obligés de la prendre en compte. Les poids lourds, Lang, Strauss-Kahn, Fabius, Jospin, qui croyaient pouvoir se battre entre eux pour devenir porte-drapeau du Parti socialiste à la prochaine présidentielle se trouvent contraints de courir après Ségolène, de se positionner par rapport à Ségolène, de contrer Ségolène.

Et ça n’est pas si simple. Car elle ne joue pas sur le même terrain que ses concurrents. Pas de piques directes sur ses adversaires, pas de réelle confrontation d’idées, pas de recherche d’alliances avec les éléphants. Non, Ségolène Royal ne respecte pas les règles habituelles de la course à la candidature, elle en crée de nouvelles qui lui conviennent mieux. Elle se place en position de répondre à une attente, elle se tient prête mais ne demande rien, elle s’adresse aux militants, aux élus locaux pas aux responsables nationaux, elle fait parler ses proches. Elle avance par cercles périphériques au sein de l’appareil socialiste pour mettre ses concurrents devant le fait accompli. Elle fonctionne en autonomie et recharge sa batterie sur sa côte de popularité. Cela lui permet de défier tout le monde et de jouer sa carte «perso». Qui l’aime la suive.

Une femme en son bastion

Et ces dernières années, elle a réussi à mobiliser de plus en plus de monde derrière elle. La petite entreprise Royal marche bien. Car Ségolène a su se constituer des réseaux de proches et d’alliés politiques (Montebourg, Ayrault, Rebsamen, Collomb…) qui se sont élargis peu à peu. Notamment grâce à son implantation dans la région Poitou-Charentes, son bastion, qu’elle défend bec et ongles depuis son élection comme députée des Deux-Sèvres en 1988. Elle en a fait le terrain d’expérimentation de sa méthode -la démocratie participative, ou donnez-moi vos idées, je les porterai- et de ses ambitions –Moi, Ségolène, présidente. Elle y a sa permanence, à Melle. Elle y a mené des combats: pour que le fromage de chèvre Chabichou, produit du terroir menacé, obtienne le label AOC (appellation d’origine contrôlée) ou pour sauver le Marais poitevin. Du coup, elle a réussi à s’y maintenir même quand la débâcle électorale a, en 1993, coûté leur siège à de nombreux socialistes dont son concubin, l’actuel premier secrétaire du PS, François Hollande. Certes, elle y a aussi connu quelques échecs comme lorsqu’elle s’est présentée à la mairie de Niort, en 1995. Mais elle y a remporté l’une de ses plus belles victoires en subtilisant à l’UMP Elisabeth Morin la présidence du conseil régional en 2004. Le fief de Jean-Pierre Raffarin est tombé aux mains de la «Zapatera» (surnom que donnent certains détracteurs à Ségolène Royal en référence au nouveau Premier ministre espagnol, le socialiste Zapatero), qui a démontré qu’elle avait la carrure pour relever les défis électoraux, même les plus difficiles.

Que de chemin parcouru depuis le temps où la jeune Ségolène Royal, fraîchement sortie de l’ENA (Ecole nationale d’administration), vivier des grands commis de l’Etat où elle a côtoyé dans la promotion Voltaire François Hollande mais aussi Dominique de Villepin, faisait, grâce à Jacques Attali, son entrée dans l’équipe des conseillers de François Mitterrand. Le dirigeant du Parti socialiste préparait sa campagne pour l’élection présidentielle de 1981. Elle est arrivée au bon moment : celui des opportunités. Elle a suivi à l’Elysée le nouveau président et s’est vue attribuer les dossiers de la jeunesse, la santé, l’environnement. Après quelques années formatrices en tant que chargée de mission, elle a eu envie de sauter le pas et de se lancer dans le vrai bain de la politique. Elle s’est faite élire sur la liste socialiste comme conseillère municipale de Trouville, en Normandie, avant que le président Mitterrand ne lui offre de tenter sa chance dans les Deux-Sèvres en 1988, où contre toute attente elle a obtenu un mandat de députée du premier coup.

Elue, introduite dans les cercles du pouvoir -à tel point que la rumeur en a fait tour à tour la fille cachée de François Mitterrand puis sa maîtresse-, ambitieuse et prometteuse, il n’y avait donc rien d’étonnant à ce qu’elle soit sollicitée pour participer à un gouvernement. Ce qui advint. Ségolène Royal est nommée ministre de l’Environnement en 1992, l’année où elle devient aussi membre du conseil général des Deux-Sèvres. Sa carrière ministérielle ne s’arrête pas là. Durant l’ère mitterrandienne, Ségolène Royal obtient deux autres portefeuilles: l’enseignement scolaire comme ministre déléguée auprès du ministre de l’Education nationale (Claude allègre), puis la famille et l’enfance comme ministre déléguée auprès du ministre de l’Emploi (Martine Aubry puis Elisabeth Guigou).

Non au string

Mais ces ministères ne sont pas à la hauteur de ses ambitions. Ségolène se voyait à la Justice ou au perchoir (présidence de l’Assemblée nationale). Elle se trouve donc un peu à l’étroit. En même temps, elle ne se laisse pas abattre par la déception. Elle s’empare de ces sujets pour en faire son fonds de commerce et mettre au point autour d’eux sa stratégie politique. Femmes, enfants, famille, vie quotidienne, environnement, elle intervient sur chacun de ces thèmes dès que l’occasion se présente. Non au string qui dépasse du pantalon, non à la pornographie dans la publicité, non au bizutage… Elle construit son image entre justice et morale.

Le paroxysme est atteint lorsqu’elle se rend, en 1992, au Sommet de la Terre à Rio, enceinte de son quatrième enfant et accompagnée d’une infirmière militaire. C’est pour cette féministe convaincue le comble du militantisme: tout mener de front sans défaillir, refuser la discrimination qui renvoie les femmes enceintes à la layette et les mères de famille au fourneau. Elle est femme et ministre, ça n’est pas incompatible. Elle est mère et rentre pour les devoirs, mais repart au bureau une fois les enfants couchés. Flora vient au monde peu après le Sommet de la Terre et sa maman se laisse photographier dans Paris-Match avec son bébé dans les bras. Ségolène Royal est entrée dans le jeu de la médiatisation.

Elle n’y a pas perdu son âme, elle s’y est forgée une nouvelle image: plus moderne, plus percutante, plus séduisante. Le temps des longues jupes à fleur, des amples corsages, des queues de cheval basses et des sages lunettes n’est plus. Fini la mine réservée de la bonne élève qui dissimule un physique plutôt avantageux derrière des vêtements sans forme. Ségolène Royal a compris que l’allure aussi fait la femme politique. Elle a cherché son look. Aujourd’hui, elle se targue de ne pas avoir de conseiller vestimentaire mais quel changement ! Des robes près du corps, des vestes cintrées assorties, des talons et des bottes, des bijoux fantaisie, un carré raccourci et un sourire éclatant. Car Ségolène Royal a fait comme Mitterrand, elle a refait ses dents.

La chenille s’est métamorphosée en papillon. Et elle est passée maîtresse en l’art de le montrer, notamment en choisissant d’apparaître là où on ne l’attend pas. Elle devient un tantinet people et participe à des émissions plus paillettes que politique comme le «Grand Journal» sur Canal Plus aux côtés de l’acteur Djamel Debouze qui, conquis, lui apporte depuis un soutien médiatique. Ou encore, elle va affronter les questions qui égratignent dans l’émission en prime time de Marc-Olivier Fogiel «On ne peut plaire à tous le monde», sur France 3. Désormais les paparazzis la suivent, la guettent et la photographient même en bikini sur un bateau aux côtés de François Hollande et de Flora.

Elle jette Marie aux orties

Elle est loin cette enfance triste et morne sous la coupe d’un père autoritaire et rigide, Jacques Royal, pour lequel les filles n’existaient pas. Elle en parle peu mais on en sait des bribes. Ségolène Royal est née à Dakar au Sénégal, en 1953. Elle connaît quelques années de voyages en Afrique et aux Antilles au gré des affectations de son père, militaire. Puis elle revient en France, à Chamagne, un petit village lorrain, d’où la famille paternelle est originaire. Triste et stricte, sa vie comme celle de ses sept frères et sœurs s’écoule au rythme des messes et des interdits. Lorsque ses parents se séparent, tous les enfants prennent le parti de leur mère. Jacques Royal leur coupe les vivres. Marie-Ségolène (c’est son vrai prénom), brillante élève, doit se débrouiller seule pour payer ses études à la faculté de Sciences économiques à Nancy puis à Science Po et l’ENA à Paris. Ce n’est donc pas dans sa famille qu’elle a puisé ses idées féministes d’abord, socialistes ensuite. Son père est proche de l’extrême-droite, sa mère effacée. C’est peut-être plutôt par rejet de cette morale étriquée qui a pesé sur son enfance et son adolescence qu’elle s’est construite.

Reste qu’on ne renie pas tout. Comme un moine défroqué, elle a jeté Marie, la partie la plus «Vierge» de son prénom, aux orties. Elle a opté pour le concubinage plutôt que le mariage. Elle a choisi le socialisme plutôt que le conservatisme. Mais son éducation a vraisemblablement participé à lui forger ce caractère bien trempé, autoritaire et parfois inflexible qui la caractérise. Car malgré son nouveau look, Ségolène Royal a un côté austère, parfois guindé. Elle a longtemps proscrit toute blague un peu grivoise parmi ses collaborateurs. Elle en a fait craquer certains par ses réflexions cassantes ou ses exigences incessantes. Ses adversaires de droite essaient d’ailleurs de dépeindre cette ambivalence entre la madone des sondages et la terreur des coulisses. Ses concurrents à gauche critiquent ses dérapages droitiers lorsqu’elle propose, par exemple, un encadrement militaire pour les jeunes délinquants.

Les Français, quant à eux, reçoivent son message avec bienveillance. Ségolène Royal ne semble pas susciter de peurs. Elle prône l’ordre mais on ne la soupçonne pas de vouloir provoquer une dérive sécuritaire. Elle demande la justice sociale mais on ne craint pas qu’elle remette en cause la libre entreprise. Pour ses adversaires, la raison est simple. Elle occupe le terrain médiatique, elle emprunte aux autres et se réapproprie les idées mais elle ne propose rien et évite les terrains glissants sur lesquels elle pourrait être prise en défaut de crédibilité. La preuve: parlez-lui de politique internationale, et elle esquivera. L’anecdote est connue, à un journaliste New York Times Magazine qui l’interrogeait sur sa position concernant l’Irak et le terrorisme, elle a répondu: «Poseriez-vous la même question à un homme ?»

Ségolène Royal est une femme. Et dans son cas, c’est plus qu’une évidence, c’est une nécessité, c’est une conviction, c’est un combat et c’est un label… politique. Est-ce que cela sera suffisant pour lui permettre de se lancer à la conquête de l’Elysée et de faire entrer les éléphants au musée des animaux préhistoriques ?



par Valérie  Gas

Article publié le 25/08/2006 Dernière mise à jour le 25/08/2006 à 14:39 TU

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Dossier - France 2007 : élection présidentielle 

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