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France 2007 – élection présidentielle

Sarkozy: la faim justifie les moyens

Nicolas Sarkozy 

		(Photo: AFP)
Nicolas Sarkozy
(Photo: AFP)
Il faut savoir trahir pour exister en politique. Nicolas Sarkozy l’a très vite compris. Il n’a pas hésité à lâcher tour à tour Charles Pasqua et Jacques Chirac, ses mentors, lorsque le vent des opportunités lui a semblé souffler dans d’autres voiles. Il a parfois gagné son pari… il a aussi connu des revers. Mais au bout du compte, cette capacité à séduire, puis délaisser ses partenaires, à changer ses stratégies, à viser toujours plus haut, ajoutée à une force de travail incomparable et une ambition chevillée au corps, ont certainement participé à faire de lui ce qu’il est aujourd’hui plus que jamais : un homme totalement déterminé à atteindre les objectifs qu’il se fixe et ne renonce à employer aucune arme lorsqu’elle peut l’y aider. Un homme qui assume d’être entier, quitte à exaspérer. Un homme aussi qui sait que son enthousiasme, son énergie, sa verve, son franc-parler, son culot, ne laissent personne indifférent et s’en sert. Un homme encore qui revendique d’être sans complexe et sans états d’âme. Nicolas Sarkozy est un bousculeur de positions établies et il aime ça.

Sarkozy a envie d’avoir envie. Son appétit politique est insatiable. Et il ne s’en cache pas, au contraire il le claironne. Pas question pour lui de minauder et de réprimer son enthousiasme. Depuis trente ans, il a fait tout ce qu’il pouvait pour avoir une part de pouvoir, pour être un «acteur». Aujourd’hui, il espère simplement que cela va lui permettre de convaincre les Français qu’il est l’homme qu’il leur faut pour être le prochain président de la République. Car c’est son rêve à lui: gagner la présidentielle de 2007. Il l’a dit : il n’y pense pas qu’en «se rasant».

Pour en arriver là, Nicolas Sarkozy n’a pas ménagé sa peine. La politique, il l’a vécue comme une révélation. Elève moyen -il a même redoublé sa sixième-, Nicolas Sarkozy n’a pas eu ce parcours linéaire des bons éléments qui terminent à l’ENA et goûtent à la politique dans les cabinets ministériels. Il a fait du droit, obtenu un diplôme d’avocat, entamé Science Po mais sans aller jusqu’au bout. Incontestablement doué, il lui fallait une motivation et de l’action.

Premier mandat à 22 ans

En 1974, la campagne électorale pour l’élection présidentielle le titille. Il se rend à un meeting de Jacques Chaban-Delmas et c’est parti, Nicolas a trouvé sa voix. Il se jette dans le chaudron et adhère à la formation gaulliste. A l’UDR d’abord. Au RPR ensuite, le nouveau parti fondé par Jacques Chirac en 1976. Brillant, il est vite remarqué. Micro en main, délégué national des jeunes de l’UDR, il fait un discours aux assises du parti en 1975. Achille Péretti, le maire de Neuilly, est dans la salle, il décide immédiatement de le prendre dans son équipe. En 1977, Nicolas Sarkozy obtient son premier mandat. Il a 22 ans et devient conseiller municipal. Il commence à côtoyer les barons gaullistes comme Charles Pasqua, lui aussi élu de Neuilly. Il a le pied à l’étrier.

Et le destin vient très vite au secours du jeune ambitieux. En 1983, à peine réélu dans sa mairie, Achille Péretti décède. Contre toute attente, Sarkozy ne se range pas derrière Pasqua, son aîné, celui à qui il avait même demandé, un an seulement auparavant, d’être témoin de son premier mariage tant leurs liens étaient étroits, et qui comptait sur lui pour faire campagne. Il choisit sans hésiter de tenter sa chance, seul. Et ça marche. Il réussit à rallier les membres du conseil municipal et devient, à 28 ans, maire d’une commune de 70 000 habitants, dont beaucoup de célébrités et d’hommes de pouvoir. Certains deviennent ses amis comme l’industriel Martin Bouygues, l’acteur Jean Reno, l’animateur de télévision Jacques Martin, dont il épousera la femme, Cécilia, en deuxième noce. Une histoire passionnée entre deux divorcés qui se sont aimés des années avant de se marier en 1996, assez inhabituelle dans le monde policé et familialement correct de la politique française.

Le «dauphin» devenu le «traître»

Entre-temps, Jacques Chirac n’a pas manqué lui aussi de s’intéresser à Nicolas Sarkozy. Peu à peu, celui-ci se positionne dans le parti gaulliste et intègre la garde rapprochée de son chef incontesté. Il entre même dans l’intimité du président du RPR, côtoie son épouse, Bernadette, et sa fille, Claude, qui l’apprécient. Le tempérament de Nicolas Sarkozy, finalement assez proche du sien, plaît à Jacques Chirac. Lorsqu’il est candidat à la présidentielle, en 1981 puis en 1988, Sarkozy le soutient à fond. Et pourtant, en 1995, quand Edouard Balladur, devenu Premier ministre de cohabitation du socialiste François Mitterrand et qui lui a offert son premier portefeuille (Budget), décide de se présenter contre Jacques Chirac, c’est lui que Sarkozy rejoint dans l’espoir de devenir Premier ministre s’il gagne. La stratégie a eu raison du cœur.

Mauvais calcul. Chirac devient président. Sarkozy va payer sa trahison par quelques années de purgatoire: il est exclu du cercle présidentiel. Le «dauphin» est devenu le «traître». Le coup est dur, son image en souffre. Nicolas Sarkozy connaît une traversée du désert mais il ne désespère pas de revenir au premier plan. Et il y parvient finalement. Il reprend pied au RPR avec Philippe Séguin. Lorsque celui-ci jette l’éponge avant les européennes de 1999, Sarkozy fait front. Il accepte de prendre la présidence par intérim et de conduire la liste aux élections. Ce courage ne paie pas immédiatement puisque l’échec cuisant lors de ce scrutin (moins de 13%) le force à céder la place à Michèle Alliot-Marie à la tête du parti. Qu’à cela ne tienne, il faut attendre encore, il attendra. Après tout, entre la mairie de Neuilly, son mandat de député des Hauts-de-Seine et le conseil général des Hauts-de-Seine, il ne perd pas son temps et travaille pour l’avenir.

Et son avenir a commencé par son retour au gouvernement. Malgré la brouille, Jacques Chirac l’a nommé ministre de l’Intérieur en 2002. Sarkozy est redevenu incontournable à défaut d’être indispensable. Le chef de l’Etat l’admet. Et Jacques Chirac ne réussit pas, non plus, à s’opposer à son retour en force à l’UMP, le parti qu’il avait pourtant créé en 2002 pour le soutenir. Après le départ d’Alain Juppé, Sarkozy en prend la présidence. Pour pouvoir devenir chef du parti majoritaire, il se plie à l’exigence élyséenne et renonce au ministère de l’Economie où il était entré en fonction quelques mois auparavant. Mais il profite du remaniement rendu nécessaire par l’échec du référendum sur la Constitution européenne, en mai 2005, pour forcer la main à Chirac qui est obligé de le réintégrer au gouvernement. Rancunier, le président ne lui propose pas Matignon qui revient à Dominique de Villepin, mais lui offre la place de numéro 2 en tant que ministre de l’Intérieur. La guerre des chefs s’engage dans l’équipe gouvernementale. Sarkozy prend des allures d’opposant alors qu’il dirige le parti majoritaire.

Contre la démagogie et pour le franc-parler

Cette situation fait les délices de l’opposition. Depuis qu’il est aux affaires, Sarkozy est d’ailleurs sa cible privilégiée. Peut-être à cause des dossiers qu’il a en charge, vraisemblablement aussi parce qu’il est devenu le candidat potentiel le plus dangereux à droite. Mais c’est un adversaire difficile à contrer. Dur au mal, habile, orateur hors pair, omniprésent dans les médias. On lui reproche de chasser sur les terres du Front national. Il l’assume: il veut ramener dans le giron de la droite républicaine tous ces électeurs déçus qui veulent qu’on réponde à leurs attentes en matière de sécurité et d’immigration. Nicolas Sarkozy rejette la démagogie qui emprisonne la gauche, et parfois la droite, sur ces thèmes. Il affirme qu’il veut affronter les problèmes de face. Ce langage plaît.

Il prône l’expulsion des sans-papiers et l’immigration «choisie». Mais en même temps, il défend la discrimination positive, crée le Conseil français du culte musulman pour mieux représenter cette communauté religieuse, la deuxième de France, supprime la double peine (qui prévoit l’expulsion d’un étranger condamné pour un crime ou un délit). Il dit même ne pas être opposé au droit de vote des étrangers aux élections municipales. Certains y voient une contradiction. Il s’agit plutôt d’une stratégie: montrer que sa fermeté n’est pas gratuite, qu’elle est assortie d’une réflexion. Lui explique que, pour réussir l’intégration des minorités issues de l’immigration, il faut réguler les flux d’entrée dans le pays et faire respecter les règles par tous. Il défend le désir de France comme une motivation indispensable et une garantie de réussite.

Fils d’un immigré hongrois    

Et il sait de quoi il parle. Certes, son parcours n’a rien à voir avec celui des immigrés au cœur des polémiques actuelles mais il est vrai que Nicolas Sarkozy est en quelque sorte un Français de première génération. Son père, Pal Sarközy de Nagy Bocsa, est un noble hongrois qui a fui le communisme et s’est engagé dans la Légion étrangère pour pouvoir devenir Français. Nicolas est le deuxième des trois enfants nés de son union avec Andrée Mallah, dont le père appartenait à la communauté juive de Salonique. Il est issu d’un milieu cosmopolite mais a tout fait pour n’être que Français.

D’autre part, Nicolas Sarkozy n’a pas toujours connu des jours heureux. Son enfance a été marqué, quand il avait 5 ans, par le départ du foyer de son père qui se remariera trois fois et ne s’occupera de ses enfants que de loin en loin. Il a été élevé par sa mère qui a dû reprendre ses études pour devenir avocate. Il a vécu ses premières années chez son grand-père maternel dans un hôtel particulier du XVIIe arrondissement de Paris, puis à Neuilly quand celui-ci est décédé. Nicolas Sarkozy se plaît à rappeler qu’il n’est pas né avec une cuiller en argent dans la bouche et qu’il a dû s’en sortir tout seul. Il est vrai que son père a perdu les attributs de sa noblesse entre la Hongrie et la France, que sa mère a dû travailler pour vivre et qu’il n’a pas vraiment fait partie d’une bourgeoisie tranquille. Il occupait la mauvaise place dans une famille de trois garçons, celle du milieu. Il a dû s’affirmer, notamment face à son aîné, Guillaume, qui est devenu chef d’entreprise et a été vice-président du Medef (syndicat patronal). Son histoire est marquée d’un certain nombre de ruptures et de manques.

Incontrôlable et sans tabou

L’enfance façonne un homme ? Certainement. Elle participe à créer ses envies ? A coup sûr. Une chose est certaine, le parcours de Nicolas Sarkozy en a fait un personnage pas comme les autres ou plutôt plus que les autres. Plus pugnace, plus énergique, plus déterminé, plus gourmand. Il a les défauts de ses qualités. Il n’est pas formaté et ne répond pas aux canons habituels de la politique. Et du coup, il est incontrôlable et sans tabou. Même physiquement, il est différent. Il est petit -et ses adversaires s’en moquent-, mais on l’oublie car il a une capacité indéniable à regarder les autres de haut. Son sourire est ironique, cynique, sans aucun doute, mais aussi souvent engageant. Son regard est cassant mais son œil pétillant. Son sourire à la fois carnassier et charmeur. Il a ce côté énervant et attirant de ceux qui ont confiance en eux.

Même son couple ne ressemble à aucun autre. Son épouse, Cécilia est une liane brune obligée de porter des talons plats pour ne pas trop le dépasser. On la voit en jeans et en santiags, tenue un brin rock’n’roll, bien peu orthodoxe pour une femme de ministre. Elle partage sa vie et lui a donné un fils, Louis (troisième garçon de Sarkozy), mais participe aussi à ses activités politiques. Elle le conseille et le soutient, quitte à provoquer parfois les grincements de dents de son entourage. Elle détient le mandat du cœur et vit dans l’ombre de son mari depuis des années. Mais elle attire la lumière et les photographes. Nicolas Sarkozy en a joué. Il l’a payé le jour où les médias se sont emparés de leur rupture. Aujourd’hui, le couple est ressoudé. Tout est enfin prêt.



par Valérie  Gas

Article publié le 25/08/2006 Dernière mise à jour le 25/08/2006 à 15:07 TU

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