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Peinture

Le mystère du «Cri» et de la «Madone» reste entier

Le tableau <i>La Madone</i> de Munch (photo) avait été dérobé dix ans avant le vol de l'un des exemplaires du fameux <i>Cri</i>. 

		(Photo: AFP)
Le tableau La Madone de Munch (photo) avait été dérobé dix ans avant le vol de l'un des exemplaires du fameux Cri.
(Photo: AFP)
Dérobés en plein jour, l'un en 1994, l'autre le 22 août 2004 dans un musée d’Oslo par des hommes masqués, deux tableaux, la Madone et le Cri ont été retrouvés jeudi dernier en Norvège. Ces deux œuvres majeures du maître norvégien de l’Expressionnisme Edvard Munch étaient trop connues pour pouvoir être écoulées sur le marché de l’art. En mai dernier, trois hommes suspectés d’avoir effectué ce vol pour un collectionneur avaient été arrêtés et jugés. Aujourd’hui la police affirme que «les trois hommes condamnés en mai dernier à Oslo n’ont pas contribué au vol. Aucune rançon ou récompense n’a été versée. L’enquête s’est construite pierre par pierre». Elle refuse pour autant de livrer tout commentaire sur les théories élaborées par la presse norvégienne. Selon plusieurs journaux, un caïd actuellement sous les verrous aurait révélé le lieu où étaient recélés les tableaux, en échange de meilleures conditions de détention.

Il aura fallu deux ans et neuf jours de traque à la police norvégienne pour retrouver les deux célèbres toiles d’Edvard Munch le Cri et la Madone volées respectivement en 2004 et 1994. On ignore encore cependant  dans quelles conditions. Les deux chefs d’œuvre, dont il existe plusieurs exemplaires, étaient restés jusqu'alors introuvables malgré la récompense de 2 millions de couronnes (soit environ 250 000 euros) promises par la municipalité d'Oslo, propriétaire de la collection Munch. Œuvre fondatrice du mouvement expressionniste, considérée comme une pièce essentielle de l’art européen, l’une des quatre versions du Cri, datant de 1893, avait été dérobée en août 2004, soit dix ans après le vol de la Madone du même peintre. Qui a organisé leur vol et pour quels motifs ? Où les toiles se trouvaient-elles entreposées ? Aucune information ne filtre, pour l'heure, des rangs de la police chargée de la lutte contre le crime organisé.

Effectué en plein après-midi sous les yeux éberlués des visiteurs par deux hommes armés et cagoulés, le vol faisait figure d’acte rocambolesque commis par des amateurs. Les enquêteurs ont travaillé sur plusieurs hypothèses sans que l’on connaisse aujourd’hui la piste qui a été privilégiée : vol d’objet d’art organisé pour le bénéfice d’un collectionneur, vol exécuté dans la perspective de se faire remarquer et de proposer une restitution moyennant une rançon, ou bien encore une manœuvre de diversion pour obliger la police à disperser ses moyens. A l’époque, en effet, celle-ci était tout absorbée par une enquête sur un hold-up violent à la banque Norsk Kontantsevice (Nokas), effectué quatre mois plus tôt, au cours duquel un policier avait été tué.

Les deux hommes masqués ayant dérobé les toiles courent toujours. Cependant, en mai dernier, les enquêteurs pensaient avoir arrêté trois malfaiteurs impliqués dans l’affaire. Les accusés ont écopé de huit ans de prison et deux d’entre eux ont été condamnés à verser 95 millions d’euros de compensation au musée si les toiles n’étaient pas rapidement retrouvées. Petter Theralden a été condamné pour avoir conduit le véhicule ayant servi aux voleurs à s’enfuir. Jugés complices, Bjorn Hoen et Petter Rosenvinge, ont été condamnés pour avoir fourni et préparé le véhicule. Quatre mois après ces condamnations, la police déclare que «les trois hommes condamnés en mai dernier à Oslo n’ont pas contribué au vol». Iver Stensrud, responsable de l’enquête, souligne par ailleurs que «aucune rançon ou récompense n’a été versée». Le mystère reste donc entier.

Un lien possible avec le braquage de la Nokas

Il y a deux semaines, la presse norvégienne évoquait une relation entre ce vol et l’incarcération de David Toska, un caïd impliqué dans le braquage meurtrier de la Nokas. Selon la presse norvégienne, Toska aurait demandé à un autre malfaiteur, aujourd’hui mort, d’organiser le vol du musée Munch pour contraindre la police à relâcher son enquête sur le hold-up et mobiliser ses forces pour retrouver les deux chefs d’oeuvre. Toujours selon la presse norvégienne, David Toska, condamné à 21 ans de prison, aurait négocié la restitution de tableaux en échange de meilleures conditions de détention. Les spéculations vont bon train mais la police s’est refusée à tout commentaire.

L’authentification des deux œuvres, d’une valeur estimée à quelque 83 millions d’euros, a été confirmée par des experts du musée Munch. Les œuvres ont subi des dégâts mineurs. «L’état des toiles est bien meilleur que ce que nous attendions», s’est réjoui Ingebjoerg Ydstie, la directrice du musée. Le Cri, qui représente un visage terrifié sous un ciel rouge sang, et La Madone, une femme à la longue chevelure sombre et à la poitrine dénudée, ont été peints en 1893. Selon le quotidien norvégien Aftenposten, un coin du Cri serait un peu enfoncé ; quant à La Madone, il «a subi quelques dommages, de petits trous sur la toile et des griffures», mais les responsables du musée ont bon espoir de restaurer parfaitement les œuvres.



par Dominique  Raizon

Article publié le 04/09/2006 Dernière mise à jour le 04/09/2006 à 17:18 TU

Audio

Vincent Noce

Journaliste au quotidien «Libération»

«Des braqueurs de banques sont soupçonnés du vol des deux tableaux de Munch, Le Cri et La Madone. Le vol d'objets d'art est la nouvelle tendance du gangstérisme organisé. Le vol est plus facile et la répression est faible.»

[01/09/2006]

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