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Proche-Orient

Des casques bleus turcs pour le Liban

Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan (au centre) et son ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gül (à sa gauche), le 5 septembre, au Parlement d'Ankara.  

		(Photo: AFP)
Le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan (au centre) et son ministre des Affaires étrangères, Abdullah Gül (à sa gauche), le 5 septembre, au Parlement d'Ankara.
(Photo: AFP)
Le Parlement a largement approuvé hier une motion gouvernementale autorisant le déploiement au Liban d’un contingent de soldats turcs, dont le nombre n’est pas précisé, pour servir au sein de la Finul. Face aux critiques de l’opposition et de l’opinion publique, le parti de la Justice et du Développement au pouvoir a rappelé que ces casques bleus ne partaient pas pour combattre.

De notre envoyé spécial à Ankara

«On peut faire bien des choses avec une baïonnette, sauf s’asseoir dessus» : ce bon mot d’un député de l’opposition, inquiet de ce que les soldats turcs aient à se battre au sud Liban, a bien fait rire le Parlement, réuni en session extraordinaire 15 jours avant la fin de ses vacances. Mais il n’a pas entamé la détermination du parti de gouvernement, qui a voté comme un seul homme (7 «dissidents» contre, 340 votes «oui», l’opposition votant massivement «non») derrière l’appel à endosser cette «responsabilité historique» invoquée par le Premier ministre. Certes, il est bien stipulé dans les règles d’engagement des Nations unies que les casques bleus peuvent avoir à se servir d’une baïonnette, mais «nous n’allons pas là-bas pour nous battre», a martelé le Ministre des Affaires étrangères Abdullah Gül, ajoutant : «comme les autres pays participant à la Finul, nous avons refusé d’avoir à désarmer le Hezbollah».

Le terrain de cette mission délicate, la plus proche de ses frontières depuis que la Turquie s’engage dans des opérations de maintien de la paix sous la bannière des Nations unies, avait été soigneusement déminé. Le gouvernement avait trois préoccupations avant de décider de s’engager, rappelle Mehmet Dülger, président de la Commission parlementaire des Affaires étrangères et membre de l’AKP au pouvoir: «la légitimation de cette opération par le Conseil de sécurité des Nations unies, un mandat non pas de rétablissement de la paix mais de maintien de la paix après cessez-le-feu, et enfin que la présence des forces turques soit souhaitée par les deux parties». Abdullah Gül avait donc pris son bâton de pèlerin pour rencontrer Israéliens, Palestiniens et Libanais – «dont les représentatns élus du Hezbollah», avait-il précisé à l’époque, «car ils font partie du gouvernement de ce pays», mais aussi les voisins jordanien, iranien et syrien, tous saluant la venue des militaires à l’étoile et au croissant blancs sur fond rouge, une bannière bien connue dans la région.

Le tour du monde en 88 ans

«C’est la première fois de l’histoire de la République que nous nous retrouvons en position de participer à un conflit dans une région qui fut celle de l’Empire Ottoman !», met en garde cet autre député de l’opposition social-démocrate. Il est certain que plus de 400 ans de présence ottomane ne laissent pas indifférents, «cela éveille un courant de sympathie, et, pour d’autres, d’antipathie», reconnait Mehmet Dülger, en allusion à la population arménienne du Liban qui a récemment manifesté son hostilité à l’égard d’un déploiement turc. C'est en 1918 que les derniers soldats turcs de l’Empire défait avaient quitté l’actuel Liban, aujourd’hui «à trois heures de voiture seulement de la frontière turque», souligne-t-il. Depuis, à partir de l’engagement en Corée en 1950, la Turquie n’a eu de cesse de jouer les soldats de la paix onusienne sur presque tous les points chauds de la planète : 29 engagements, dont les plus récents en Somalie, Bosnie, Afghanistan. Un total de 10 000 soldats et plus de 1 000 civils, principalement des policiers, pour tourner la page d’un passé belliqueux et conquérant et s’inscrire dans la dynamique pacifiste des nations modernes.

Le contingent turc qui sera envoyé au Liban pour une première durée d’un an devrait tourner autour d’un millier d’hommes, confirme Mehmet Dülger, essentiellement des fantassins de marine ainsi que des détachements assurant la sécurité des équipes des ministères des Travaux publics, de l’Equipement ou de l’Energie chargés de missions de génie civil. C’est le volet aide humainitaire, ou plutôt d‘assistance au peuple libanais et d’aide à la reconstruction du sud du pays, sur lequel le gouvernement a beaucoup insisté pour justifier son engagement et dissiper les critiques. L’autre aspect important de la mission réside dans des missions de formation de l’armée Libanaise. Un programme presque «civil», pour ne pas donner l’impression de retour d’une armée en campagne, car cette mission est différente à plus d’un titre et, si elle traduit incontestablement la perte de certains complexes et l’affirmation d’un rôle de puissance régionale, elle peut aussi s’avérer dangereuse.

Car la volonté louable du chef de la diplomatie de prendre en main la stabilité d’une région, la Méditerranée orientale, qui est celle de la Turquie – et à «ne pas la laisser aux seules mains de la France, l’Espagne et l’Italie» – cache mal la réalité d’un conflit long et insoluble. «Vingt-huit ans de Finul n’ont jusque-là servi à rien», «4 guerres israélo-arabes n’ont jamais amené la paix», «le conflit libanais n’est que le prolongement du problème palestinien», ont rappelé les députés d’opposition. Ce dernier argument est sans doute le seul dénominateur commun entre tous les points de vue exprimés lors des débats houleux de mardi au Parlement turc. Abdullah Gül répond qu’à tout le moins, «la Turquie ne peut rester indifférente à la détresse de ses voisins».



par Jérôme  Bastion

Article publié le 06/09/2006 Dernière mise à jour le 06/09/2006 à 12:29 TU

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Le poste de la Finul de Maroun al-Ras,à la frontière libano-israélienne (27 août 2006) 

		(Photo : AFP)