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Etats-Unis

Bush reconnaît et justifie les prisons secrètes

George Bush n’a pas exprimé la moindre intention de fermer ces prisons secrètes et aucune indication n’a été fournie sur les endroits où elles se trouvent. 

		(Photo : AFP)
George Bush n’a pas exprimé la moindre intention de fermer ces prisons secrètes et aucune indication n’a été fournie sur les endroits où elles se trouvent.
(Photo : AFP)
A quelques jours du 5e anniversaire des attentats du 11- Septembre, le président américain George W. Bush reconnaît avoir autorisé la CIA à administrer des prisons secrètes hors des Etats-Unis. Ces lieux de détention ont notamment vu passer 14 présumés terroristes, détenus désormais à Guantanamo, parmi lesquels Khaled Cheikh Mohammed, soupçonné d’être l’instigateur des attentats contre le World Trade Center ainsi que Ramzi Bin al-Shibh et Abou Zoubeïda, deux autres hauts dirigeants d’al-Qaïda.

A chaque jour son discours antiterroriste ! A la veille des cérémonies commémorant le 5e anniversaire des attentats du 11- Septembre, le président Bush est omniprésent, rappelant presque quotidiennement que la guerre contre le terrorisme est plus que jamais sa première préoccupation. Mercredi, il a reconnu pour la première fois que des étrangers, soupçonnés de terrorisme, étaient détenus en dehors des Etats-Unis par des agents de la CIA.

Il n’a cependant pas exprimé la moindre intention de fermer ces lieux, bien qu’il ait affirmé que plus personne n’y était retenu aujourd’hui. Au contraire, George Bush entend maintenir plus que jamais la pression sur ses «ennemis» grâce notamment au programme secret de la CIA, estimant qu’il s’agissait d’une source capitale de renseignements. «Si ce programme n’existait pas, a-t-il ajouté, les services de renseignement pensent qu’al-Qaïda et ses alliés seraient parvenus à organiser de nouveaux attentats contre la patrie américaine». Aucune indication n’a été fournie sur les endroits où se trouvent ces centres secrets. Et selon un responsable du renseignement, moins de 100 prisonniers y auraient séjourné, niant qu’ils aient pu être des milliers.

En Europe aussi

L’existence des prisons secrètes de la CIA avait été révélée l’an dernier par le Washington Post provoquant l’indignation contre l’administration Bush. Cette information s’ajoutait au soupçon selon lequel les Américains s’y livraient à des pratiques condamnables, jusqu’à recourir à la torture. Dès le mois de mai, le Comité de l’Onu contre la torture avait demandé aux Etats-Unis de fermer ces lieux de détention, un appel resté lettre morte. De son côté, le Suisse Dick Marty, président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, rédigeait un rapport en juin dernier, un des premiers à dénoncer les prisons secrètes de la CIA en Europe. 

Le travail d’investigation de Dick Marty a mis en lumière l’implication d’Etats européens, précisément la Suède, la Bosnie, le Royaume-Uni, l’Italie, la Macédoine, l’Allemagne et la Turquie. Tous sont jugés responsables de «violations des droits des personnes» dans le cadre de la lutte antiterroriste menée par Washington. Le rapport pointe encore la Pologne et la Roumanie, soupçonnées fortement par le Suisse d’accueillir des centres de détention secrets. L’Espagne, Chypre, l’Irlande et le Portugal sont également dans le collimateur pour avoir permis les transferts illégaux de prisonniers par la CIA.

La plupart de ces pays contestent les résultats de l’enquête de Dick Marty à une exception près : l’Italie. La justice transalpine a en effet arrêté en juillet 22 agents de la CIA intervenus à Milan pour enlever l’imam Abou Amar, transféré en Egypte où il a été torturé. La magistrature italienne a aussi incarcéré lors de la même procédure un des chefs responsables de l’espionnage. 

Pour la Cour suprême, Bush a outrepassé ses pouvoirs

En reconnaissant l’existence des prisons secrètes et surtout en les justifiant,  George Bush espère obtenir rapidement du Congrès la légalisation du programme de détention de la CIA et l’approbation de tribunaux militaires pour juger les détenus de Guantanamo. Ce vote est rendu nécessaire après que la Cour suprême ait invalidé fin juin les tribunaux d’exception de Guantanamo estimant que l’administration Bush «avait outrepassé ses pouvoirs en instaurant des tribunaux d’exception pour juger ces détenus».

Dans la même veine, le Pentagone a publié mercredi de nouvelles directives pour le traitement des prisonniers de «la guerre contre le terrorisme», affirmant que l’armée américaine devait respecter l’article 3 des Conventions de Genève qui interdit la torture. Une affirmation qui vient tardivement contredire George Bush, qui soutenait en 2002 que ces prisonniers étaient des «ennemis combattants» ne bénéficiant pas de la protection des Conventions de Genève. Les Etats-Unis détiennent actuellement environ 450 prisonniers sur la base militaire de Guantanamo, sur l’île de Cuba. Seuls 10 d’entre eux ont été inculpés.

Bien qu’il multiplie ses interventions sur la lutte antiterroriste (quatre en moins d’une semaine), George Bush est loin d’avoir la même marge de manœuvre qu’en 2001. Non seulement 53% des Américains pensent que faire la guerre en Irak était une erreur, mais 51% ne voient pas le rapport entre cette guerre et celle contre le terrorisme, selon une enquête d'opinion pour le New York Times et la chaîne CBS réalisée fin août.



par Claire  Arsenault

Article publié le 07/09/2006 Dernière mise à jour le 07/09/2006 à 16:36 TU

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Vincent Michelot

Professeur d'études américaines à l'IEP de Lyon

«D'une certaine façon, cette annonce de George Bush va sans doute mener à une réhabilitation partielle de Guantanamo dans la mesure où on n'était pas persuadé du danger extrême que représentaient les prisonniers actuellement détenus. En revanche les 14 prisonniers qui ont été transférés à Guantanamo sont eux assurément des individus qui représentent un danger pour la sécurité des Etats-Unis.»

[07/09/2006]

George W Bush

Président des Etats-Unis

«La décision de la Cour suprême affaiblit notre capacité à juger des terroristes devant une commission militaire, et met en danger le programme de la CIA.»

[07/09/2006]

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