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Etats-Unis

Les tribunaux de Guantanamo contestés par la Cour suprême

Les juges de la plus haute juridiction américaine estiment que les tribunaux d’exception créés en 2001 violent les lois militaires américaines et les conventions de Genève sur les prisonniers de guerre. 

		(Photo : AFP)
Les juges de la plus haute juridiction américaine estiment que les tribunaux d’exception créés en 2001 violent les lois militaires américaines et les conventions de Genève sur les prisonniers de guerre.
(Photo : AFP)
La contestation de la légalité des tribunaux de Guantanamo par la Cour suprême des Etats-Unis est un coup sévère pour le président américain qui justifie des programmes d’exception – des détentions sur l’île cubaine aux écoutes clandestines – au nom de la guerre contre le terrorisme.

De notre correspondante aux Etats-Unis

George W. Bush a outrepassé ses pouvoirs en instituant des tribunaux militaires à Guantanamo : le jugement a été rendu par la Cour suprême des Etats-Unis mercredi. Ni criminel, ni prisonnier de guerre, l’administration Bush avait créé le statut particulier de « combattants ennemis » pour les détenus du pénitencier militaire américain à Cuba. Ceux-là devaient être jugés par des tribunaux d’exception. Or, les juges de la plus haute juridiction américaine ont décidé à cinq voix contre trois (le neuvième juge, John Roberts, s’était excusé parce qu’en 2004 alors qu’il était juge d’appel, il avait voté en faveur du gouvernement sur la même question) que ces tribunaux d’exception créés par un décret présidentiel du 13 novembre 2001, sans l'aval du Congrès, violaient les lois militaires américaines et les conventions de Genève sur les prisonniers de guerre.

La loi internationale « tolère de toute évidence une grande flexibilité pour juger les personnes capturées pendant un conflit armé. Ses exigences sont générales, conçues pour s'adapter à une grande variété de systèmes judiciaires. Elles n'en sont pas moins des exigences. La commission [tribunal militaire] que le président a instaurée pour juger [Salim] Hamdan ne satisfait pas à ces exigences », ont estimé les cinq juges à propos du cas de Salim Hadam, ancien chauffeur d'Oussama Ben Laden arrêté en Afghanistan en novembre 2001 et inculpé de complot en juillet 2004. Ce Yéménite de 36 ans devait en décembre 2004 faire partie des dix premiers « ennemis combattants » à comparaître devant les commissions mises en place à Guantanamo. Il contestait la légalité de ces juridictions qui accordent tout pouvoir au gouvernement pour définir le crime, le poursuivre en justice et choisir les juges. La Cour suprême lui a donné raison.

Pas de chèque en blanc

C’est un camouflet d’autant plus significatif pour le président George Bush qu’il lui est infligé par une Cour majoritairement conservatrice qui lui est souvent acquise. Elle donne le ton quant aux autres questions qui pourraient être examinées quant à la répartition des pouvoirs entre le judiciaire et la présidence, et aux prérogatives qu’a pu s’accorder le président au nom de la guerre contre le terrorisme (dans les affaires d’écoute clandestine par exemple). D’autres décisions récentes ont montré ces dernières années que l’instance semblait perdre patience vis-à-vis des mesures d’exception prises au nom de la guerre contre le terrorisme.

Il y a deux ans, la juge Ruth Bader Ginsburg avait déjà déclaré que « l’Etat de guerre » n’était « pas un chèque en blanc » au président. La Cour avait porté un premier coup à l’administration Bush en refusant au gouvernement le droit de garder des suspects en détention indéfinie et en l’obligeant à permettre l'accès des avocats aux détenus. En avril dernier, la Cour avait certes refusé de se saisir du cas de José Padilla, un « ennemi combattant », mais les juges avaient précisé que si Padilla, après deux ans de détention sans raison, n’avait pas été inculpé in extremis, ils se seraient finalement saisis de ce cas.

Bush indique qu’il s’y pliera… doucement

George W. Bush, qui a donné une conférence de presse alors qu’il recevait le Premier ministre japonais Junichiro Koizumi a dit « prendre ces conclusions au sérieux. » Il s’est engagé à les respecter et à chercher une solution en coopération avec le Congrès, -qu’il lui était reproché d’avoir négligé jusque là- et s’est abrité derrière un briefing encore incomplet pour ne pas en dire plus.

La Cour suprême ne se prononce pas quant à la fermeture de Guantanamo mais ses conclusions vont dans le sens des pressions des pays européens et des Nations unies sur le gouvernement américain. Semblant soucieux des dégâts que faisaient la prison d’exception sur l’image des Etats-Unis dans le monde, George Bush avait déclaré le 10 juin dernier qu’il souhaitait « vider Guantanamo.» jeudi, pendant sa conférence de presse, il a été plus réservé, affirmant ne pas vouloir « mettre en péril la sécurité des Américains. »

Quant au détenu Salim Hamdan, il devra être jugé par un tribunal fédéral ou un tribunal militaire. Ses avocats ont indiqué qu’ils n’avaient pas de préférence, tant que l’état de droit était respecté. A ce jour, seuls 10 des quelque 450 détenus restant à Guantanamo ont été inculpés. Environ 300 ont été relâchés sans l’avoir jamais été.



par Guillemette  Faure

Article publié le 30/06/2006Dernière mise à jour le 30/06/2006 à TU

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Anne Toulouse

Journaliste à RFI

«La Cour suprême ne donne pas de contrainte de temps, donc rien n'interdit de laisser les choses en l'état.»

[30/06/2006]

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