Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Belgique

Complot néonazi dans l’armée

Casernement militaire belge. Dans les années 70 et 80, l’armée du royaume fut souvent montrée du doigt comme un berceau d’activistes d’extrême droite. 

		(Photo: AFP)
Casernement militaire belge. Dans les années 70 et 80, l’armée du royaume fut souvent montrée du doigt comme un berceau d’activistes d’extrême droite.
(Photo: AFP)
Opération inhabituelle s’il en est, les enquêteurs belges ont mené jeudi une vague de perquisitions au sein même de l’armée. Cinq casernes et 18 domiciles privés, tous situés dans le nord du pays, en Flandre, ont été investis dans le cadre d’une enquête sur l’extrême droite. Une bombe artisanale et des armes, ont été saisies.

Le chef de ce réseau, que la Belgique découvre avec stupeur, est identifié par les initiales B.T. Ce militaire de 25 ans, en poste à la caserne Lieutenant-Général Piron de Bourg-Léopold, faisait office d’idéologue, d’entraîneur et de recruteur. B.T. avait été repéré dès 2004 par la police judiciaire fédérale. A l’époque ce  militaire, militant d’extrême droite, est déjà un des dirigeants du BBET, Bloed-Bodem-Eer-Trouw (Sang, sol, honneur et fidélité, en français), une scission flamande du britannique Blood and Honour, autre organisation néonazie. Cette dernière, qui est légale en Belgique, servirait de refuge à des activistes d’extrême droite ou à des néonazis dont les groupes sont interdits dans d’autres pays européens. 

B.T. met sur pied en 2004 sa propre organisation clandestine parallèle. Son but est de traduire en actions terroristes l’idéologie néonazie et négationniste qu’il soutient au sein du BBET. A partir de ce moment, il franchit nettement la ligne rouge. Il ne se contente plus de parler de ses idées, il recrute cette fois activement au sein même de l’armée des hommes prêts à tout. L’enquête est parvenue à ce jour à identifier un élève officier, un sous-officier et sept soldats parmi ses recrues. Son activisme avait aussi réussi à convaincre six civils de rejoindre son groupuscule.

Un commerce d’armes intensif

Pour mener ses actions, il fallait des armes. Les 150 policiers qui ont mené les perquisitions jeudi en ont découvert suffisamment pour inquiéter la Belgique. A côté de la littérature et du matériel de propagande, ils ont mis la main sur des explosifs, des armes d‘alarme, de chasse, de sport, de défense et de guerre, sur des détonateurs de mines terrestres et sur une grande quantité de munitions, sans oublier du haschisch et des… anabolisants. Au domicile d’un des suspects, la police a encore trouvé une bombe artisanale, fabriquée à base de nitrate d’ammonium, dissimulée dans un sac à dos mais non reliée au détonateur. La bombe en question était assez forte pour faire exploser une voiture.

Pour les enquêteurs, ces découvertes montrent que le mystérieux B.T. disposait de quoi mener des actions visant à déstabiliser les structures de bases de l’Etat. «A titre d’exemple, on peut se référer au commerce d’armes, intensif mais très secret, qu’il exerçait avec ses complices, a indiqué la porte-parole du parquet fédéral, Lieve Pellens. Mais jusqu’à présent rien n’indique que ces armes auraient pu être dérobées à l’armée».

Des terrains militaires pour s’entraîner

Selon la Justice belge, rien n’indique non plus au stade actuel de l’enquête, que le groupe d’activistes préparaient un attentat contre une cible précise. «On a toutefois retrouvé un modèle de lettre de revendication» a indiqué Lieve Pellens. D’autre part, B.T. et ses acolytes organisaient des stages d’entraînement paramilitaires, des séances de tirs ou encore des «week-ends de survie». Certains de ces exercices se déroulaient sur des terrains appartenant à l‘armée belge, à son insu, ont cru bon de préciser les autorités militaires.

Ce complot, révélé à un mois des élections municipales, déclenche la colère de l’extrême droite flamande, qui hurle à la manipulation électorale. Alors que les sondages prédisent que le Vlaams Blok-Belang (L’Intérêt flamand) pourrait réunir le quart des voix des électeurs, ce parti n’a de cesse de dénoncer un complot ourdi par ceux qui craignent leur victoire. Des accusations rejetées par les enquêteurs qui affirment que les investigations n’ont pas été davantage provoquées par l’imminence d’un attentat que pour des raisons politiques, mais bien parce que des fuites risquaient de la compromettre.

Ces révélations renvoient les Belges aux années 70 et 80, une période où l’armée fut souvent montrée du doigt comme un berceau d’activistes d’extrême droite, explique Manuel Abramovicz, auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet. «Depuis, constate ce spécialiste, l’armée a changé de cap, elle s’est démocratisée et elle a réorienté ses missions, notamment vers l’humanitaire».

par Claire  Arsenault

Article publié le 08/09/2006 Dernière mise à jour le 08/09/2006 à 15:25 TU

Audio

André Dumoulin

Attaché à l'école royale militaire à Bruxelles, maître de conférence à l'université de Liege et de Bruxelles.

«Aujourd'hui on se rend bien compte qu'il n'y a pas que la lutte contre le terrorisme islamiste, il faut également surveiller les extrêmistes néonazis.»

[08/09/2006]

Articles