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Belgique

Le Vlaams Blok condamné pour racisme

Filip Dewinter, le dirigeant du Vlaams Blok. La confirmation de la condamnation du mouvement n'aura pas d'influence sur l'avenir de son parti. 

		(Photo : AFP)
Filip Dewinter, le dirigeant du Vlaams Blok. La confirmation de la condamnation du mouvement n'aura pas d'influence sur l'avenir de son parti.
(Photo : AFP)
Dans un contexte européen défié par le communautarisme, où les incidents se multiplient et dans lequel les opinions publiques sont sollicitées par une offre idéologique décomplexée, la justice belge vient de confirmer la condamnation du Vlaams Blok. Ce parti flamand d’extrême-droite néerlandophone, xénophobe et sécessionniste, avait déjà été condamné en première instance pour son caractère ouvertement raciste. Or il connaît un succès électoral qui inquiète la classe politique traditionnelle. Aujourd’hui il envisage de se « moderniser » en adoptant de nouveaux statuts, plus présentables, pour séduire les électeurs conservateurs déçus par les partis traditionnels.

La Cour de cassation a refusé de casser le jugement prononcé par la cour d’appel de Gand, en avril dernier. En conséquence, la justice belge confirme les amendes infligées au parti de l’extrême-droite nationaliste flamand Vlaams Blok pour « incitation permanente à la ségrégation et au racisme ». Mardi, à l’issue de deux heures et demi de débats devant la cour de cassation, plus haute juridiction du pays, l’avocat général a de nouveau rejeté les arguments du Blok. Ce jugement confirme le caractère raciste du Vlaams Blok.

Cette affaire ne devrait pourtant pas affecter outre mesure les (bonnes) affaires du parti. Celui-ci était, de toute façon déterminé à améliorer son image. Tout d’abord la formation devrait changer de nom pour devenir le Vlaams Belang (« l’Intérêt flamand »). Le second sera l’héritier du premier, mais ne sera pas engagé « par les opinions, publications et déclarations du Vlaams Blok, de ses organes, de ses membres ou de ses représentants ». D’autre part, pour la première fois depuis sa création, en 1977, il vient de décider de renoncer aux aspects les plus brutaux de son programme, et notamment le « renvoi vers leur pays de larges groupes d’immigrés non-européens ». Parmi ces décisions, prises le week-end dernier, figure également l’élection à bulletin secret du parti.

Dans le nouveau projet, qui devrait être adopté dés le week-end prochain, le ton est aussi moins radical. Le nouveau mot d’ordre à l’égard des étrangers est « s’adapter ou s’en aller ». Seuls les immigrés qui « rejettent, nient ou combattent notre culture et certaines valeurs européennes comme la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la liberté d’expression et l’égalité entre les hommes et les femmes » seraient menacés d’expulsion dans la nouvelle version. Dans la nouvelle qu’il s’apprête adopter, le Vlaams Blok plaide pour la suppression de la double nationalité et propose la possibilité de retirer la nationalité belge à un citoyen d’origine étrangère. « Nous le disons clairement : une femme qui se promène (…) avec un voile démontre qu’elle n’est pas intégrée et il faut en tirer les conséquences », explique le leader du Vlaams Blok, Filip Dewinter. « S’il s’agit de nouveaux arrivants, ils ne pourront pas rester. Pour les autres, nous devons penser à des sanctions », précise-t-il.

L’étanchéité douteuse du « cordon sanitaire »

La formation fait feu de tout bois et tire évidemment parti des graves incidents du voisin du nord. Après l’assassinat voici deux ans du leader politique néerlandais d’extrême-droite Pim Fortuyn et, la semaine dernière, du réalisateur Theo Van Gogh par un islamiste présumé, qualifié de « meurtre rituel » par le Blok, ce dernier dénonce « l’erreur multiculturelle ». Par ailleurs, le nationalisme des néerlandophones du Blok ne s’exprime pas uniquement dans le registre raciste. Le parti flamand plaide également pour une Flandre indépendante, avec pour capitale Bruxelles. A cet égard, son slogan est éloquent : « België barst ! » (« Belgique, crève ! »). Selon lui, les francophones de Wallonie, décrits comme paresseux et peu entreprenants, sont des entraves à la prospérité du pays.

Le Vlaams Blok est aujourd’hui l’un des plus puissants parmi les partis européens d’extrême-droite. Jusqu’à présent, son succès grandissant n’a été contenu qu’avec la mise en place d’un « cordon sanitaire » politique, formé par tous les autres partis belges résolus à ne pas céder à la tentation de s’associer avec l’extrême-droite dans le cadre d’une coalition. En raison de son caractère xénophobe, raciste et sécessionniste, jusqu’ici, le parti nationaliste flamand a été maintenu au-delà de la frontière du champ politique traditionnel. Ses tracas judiciaires, ses succès électoraux, sa volonté de recruter plus largement le conduisent à adopter une nouvelle posture, plus policée et de nature à recruter dans la frange d’un électorat conservateur encore hésitant dans la perspectives des communales du 2006.

Les derniers épisodes de la vie politique belge montrent en effet une montée en puissance de ce parti, favori des derniers sondages en Flandre (avec 26,9% d’intentions). Lors du scrutin régional de juin dernier, il avait recueilli 24,2% des suffrages. En 2003, il était arrivé quatrième aux élections législatives avec 17,9% des voix. Anvers, la seconde ville du pays, vote à 33% pour le Blok. Sans une alliance déterminée des formations traditionnelles, la ville serait contrôlée par les « Blokkers ». Aujourd’hui, au niveau national, nombre de décisions consensuelles prises par la fragile coalition au pouvoir à Bruxelles sont adoptées sous la menace d’un Blok en embuscade, attentif au moindre signe de blocage institutionnel qui justifierait qu’on fasse appel à lui. En effet, d’épreuves en déceptions, les compromis politiques rendent le « cordon sanitaire » de moins en moins étanche.



par Georges  Abou

Article publié le 09/11/2004 Dernière mise à jour le 09/11/2004 à 17:08 TU