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Belgique

DHL menace l'unité

Appareils de DHL sur l'aéroport Bruxelles-National de Zaventem. Les Flamands souhaitent que Bruxelles-Capitale absorbe l'essentiel des nouveaux survols de nuit. 

		(Photo: AFP)
Appareils de DHL sur l'aéroport Bruxelles-National de Zaventem. Les Flamands souhaitent que Bruxelles-Capitale absorbe l'essentiel des nouveaux survols de nuit.
(Photo: AFP)
La proposition de DHL de développer son terminal bruxellois ou, sinon, de délocaliser ses activités provoque une crise gouvernementale et ravive les tensions communautaires.

A peine sorti de l’hôpital, et encore convalescent de l’accident de voiture dont il a été victime mardi soir, le Premier ministre belge reprend ses dossiers, en commençant par le plus urgent d’entre eux : l’extension des activités à Bruxelles de la société de messagerie DHL. Il en va de la survie de la coalition gouvernementale que dirige Guy Verhofstadt, a indiqué son porte-parole. Le gouvernement fédéral avait donné jusqu’à mercredi aux régions bruxelloise et flamande pour donner leur accord à une augmentation des vols de nuit de DHL depuis l’aéroport bruxellois de Zaventem, dans la périphérie de la capitale. Sans cette accord, la compagnie pourrait délocaliser ses activités à Leipzig, en Allemagne. Elles ont obtenu un délai de deux jours, en raison des circonstances exceptionnelles, et leur réponse est finalement attendue vendredi.

C’est un dossier qui empoisonne la vie politique belge en raison de ses multiples entrées. Outre les questions économique et politique qu’il soulève, il révèle également la part de communautarisme belge qui divise traditionnellement le pays, entre Flamands (néerlandophones) et francophones. En effet, si l’aéroport de Bruxelles-National se trouve à proximité de la capitale belge, il est en revanche situé en région flamande, à Zaventem. Les emplois de DHL sont donc surtout occupés par des Flamands, tandis que les nuisances sonores et leur développements prévisibles concernent Flamands et Bruxellois qui, eux, sont à plus de 85% des francophones. Le gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale, où l’on compte pourtant jusqu’à 22% de chômeurs, s’oppose au projet tandis que l’exécutif de la Région flamande soutient le maintien et le développement de l’activité. La Région de Bruxelles fait valoir qu’elle supporte une bonne partie des nuisances dues au survol de la capitale tandis que la Flandre exige une répartition équilibrée des nuisances sonores entre les deux parties, en cas d’accord. L’extension de l’activité provoquerait une augmentation de ces vols de nuit jusqu’à 34 000 mouvements par an, contre un plafond actuellement fixé à 25 000.

Dormir en paix ou accéder au travail

Les vols de nuit au-dessus de Bruxelles, depuis l’aéroport flamand de Zaventem, constituent une problème qui encombre l’atmosphère politique belge depuis plusieurs années. D’où l’attentisme des autorités, dans un climat où l’on commence à s’interroger sérieusement sur la solidité de la nation. Déjà, au début de l’année dernière, cette affaire avait entraîné une crise politique et provoqué le départ des écologistes de la coalition fédérale « arc-en-ciel », en place à l’époque. Après les élections de juin, les écologistes avaient décliné l’offre qui leur avait été faite de rejoindre une nouvelle coalition.

Mais cette « affaire d’Etat » revêt un caractère crucial car elle concerne aussi un secteur stratégique en pleine expansion, celui du transport aérien rapide du courrier, et des colis, que se partagent quatre méga-opérateurs, dont DHL (avec TNT, Fedex et UPS). Cette « bande des quatre » se partagent le marché international. DHL a établi sa plate-forme européenne (son « hub ») à Bruxelles, en 1985. L’épisode en cours, s’il se concluait par une délocalisation à Leipzig (sur le territoire de l’ex-Allemagne de l’Est) traduirait donc un glissement progressif de l’activité européenne, et du centre de gravité, vers l’Est où le choix entre dormir en paix et accéder au travail n’est pas (encore) une question à l’ordre du jour.

Le plan de développement des activités de la société de transport rapide par avion sur le site de l’aéroport de Bruxelles prévoit de créer jusqu’à 10 000 emplois supplémentaires (5 400 minimum à l’horizon 2012). En contrepartie, le projet envisage l’augmentation des vols de nuit et, ultime argument, la société brandit la menace de rapatrier son « hub » et les 6 000 emplois qui l’accompagnent en Allemagne si elle n’obtient pas satisfaction. L’affaire est en suspend depuis huit mois. Et plutôt qu’avoir apporté de la sérénité, le temps a joué contre M. Verhofstadt dont la stratégie est aujourd’hui au centre de toute les critiques. Face à l’attentisme fédéral, la tentation communautaire est à l’œuvre et les vieux clivages sont exhumés, les francophones (réputés paresseux) étant soupçonnés d’une volonté de saboter la prospérité des Flamands (réputés travailleurs). Le dossier « travaille » en profondeur la coalition gouvernementale dont les partis constitutifs, en cette période de rentrée politique, commence à réclamer des engagements de réforme visant notamment à atténuer la marge de manœuvre du « centre » (l’Etat fédéral) et à augmenter les transferts de pouvoir vers la « périphérie » (les trois régions de Flandre, Wallonie et Bruxelles).

DHL assigné en justice

Concrètement, des débats fondamentaux pour la vie des gens, mais à l’allure byzantine, planent autour de la gestion du projet. Plusieurs pistes sont explorées visant à un partage équilibrée des nuisances et à mettre en œuvre des mesures de protections. Elles traitent de la répartition des pistes disponibles, de la révision des plans de dispersion (des avions après le décollage), du remplacement des appareils les plus bruyants, de programmes d’isolation des maisons et de la création d’un organe commun de contrôle associant l’Etat fédéral, la Flandre et Bruxelles.

Au nom de la santé des citoyens, 70 familles de la périphérie de Zaventem ont fait part, lundi, de leur décision d’assigner DHL en justice. Ces familles ont entamé une procédure contre l’Etat belge et la société gestionnaire de l’aéroport de Bruxelles visant à interdire tous les vols de nuit, quelle que soit la zone survolée.



par Georges  Abou

Article publié le 23/09/2004 Dernière mise à jour le 23/09/2004 à 14:33 TU