Royaume-Uni
Le départ annoncé de Tony Blair
(Photo : AFP)
De notre correspondante à Londres
Après la journée frénétique de mercredi avec la démission de huit collaborateurs du gouvernement et plusieurs entrevues à couteaux tirés entre Blair et son ministre des Finances Gordon Brown, l’heure est donc désormais à l’apaisement. Brisant un silence de plusieurs mois, le ministre des Finances a ainsi déclaré à la presse qu’il soutiendrait Tony Blair, quelle que soit la décision du Premier ministre sur son avenir. Mais déjà, le doute s'insinue sur la capacité du chef du gouvernement, usé par neuf ans et demie à Downing Street, à endiguer la crise qui menace la fin de son règne, à l'image de Margaret Thatcher. En effet, les partisans de Gordon Brown, accusés par l'entourage de Tony Blair de vouloir provoquer un «coup d'Etat», ont déjà fait savoir que son départ anticipé pour mai était trop tardif. Des partisans à bout de patience, sont échaudés par les tergiversations du Premier ministre: et pour cause, ça fait tout juste deux ans maintenant que Tony Blair répète qu’il va partir.
Le chef du gouvernement avait en effet pris tout le monde de court en septembre 2004 en annonçant que s’il remportait les élections de 2005 ce serait son dernier mandat. Une annonce surprise faite pour calmer les esprits travaillistes déjà très remontés à l’époque contre le Premier ministre à cause de la guerre en Irak et qui devait donc pousser des électeurs rassurés à voter Labour au mois de mai suivant…
Le «pacte de Granita» oublié
Puis une fois la troisième victoire travailliste remportée, Tony Blair avait dans un premier temps affirmé qu’il avait l’intention d’accomplir ce mandat jusqu’au bout, avant de se raviser pour, cette fois, calmer l’impatience de son successeur désigné, le ministre des Finances Gordon Brown, et assurer qu’il laisserait «amplement le temps» à son successeur pour une «transition ordonnée», sans pour autant préciser de date. Jusqu’au week-end dernier, veille de rentrée, lorsque Tony Blair a refusé une nouvelle fois de fixer publiquement un calendrier précis pour son départ, alors que ses opposants le pressaient de donner une date lors du congrès annuel travailliste fin septembre, et c’est apparemment la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
C’en était trop pour ceux qui rappellent sans cesse à Tony Blair le pacte qu’il a conclu avec Gordon Brown, avant même sa première élection en 1994, le fameux «pacte de Granita», du nom d’un restaurant dans le nord de Londres dans lequel les deux hommes ont concocté un plan pour gravir ensemble les marches du pouvoir. Leur pacte incluait une clause qui prévoyait qu'après un premier mandat de quatre ans Tony Blair passerait la main à Gordon Brown; ce que «l’ami» Tony s’est empressé d’oublier, d’où la colère et la frustration de ce dauphin qui sait maintenant qu’il a été dupé et vient clairement d’indiquer via ses partisans qu'il exigeait désormais un engagement public et précis, impossible à renier. Il n’a pas tout à fait obtenu ce qu’il voulait mais l’échéance vague d’un an est un début. D’aucuns disent même déjà que les choses pourraient se précipiter.
Os à ronger
En effet, Tony Blair a tenté ce jeudi un pari risqué: en donnant cet os à ronger aux partisans de Brown, il espère qu’ils vont maintenant cesser de le harceler. Le problème pour le Premier ministre, c’est qu’en faisant cette annonce il a été contraint de faire exactement ce qu’il tentait d’éviter depuis sa promesse qu’il ne se représenterait pas pour un quatrième mandat et ce faisant il a pris le risque de se transformer en canard boîteux sans plus aucune autorité sur son gouvernement ou son parti. Et dans ces conditions, quel serait l’intérêt pour lui de s’accrocher au pouvoir jusqu’en mai ?
D’autant que des élections locales très difficiles se profilent au printemps et que beaucoup de travaillistes préfèreraient avoir un homme neuf à leur tête pour se jeter dans la bataille. C’est pourquoi de nombreux experts politiques se disent désormais persuadés que ses adversaires ne se tairont pas bien longtemps et le pousseront dehors cet hiver, en janvier ou février, ou peut-être même avant Noël. Tous disent attendre notamment le discours de la reine en novembre, qui annonce traditionnellement le programme à venir du gouvernementt pour voir s’il aura des allures «blairistes» ou «brownistes». On peut vraiment dire désormais que les jours de Blair à la tête du pays sont comptés.
par Muriel Delcroix
Article publié le 08/09/2006 Dernière mise à jour le 08/09/2006 à 15:27 TU