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Royaume-Uni

Tony Blair à nouveau en disgrâce

Les affaires et la controverse sur sa politique au Moyen-Orient promettent à Tony Blair une rentrée difficile. 

		(Photo : AFP)
Les affaires et la controverse sur sa politique au Moyen-Orient promettent à Tony Blair une rentrée difficile.
(Photo : AFP)
Après une dernière épreuve face à la presse, jeudi, lors d’une conférence dominée par la crise au Liban, le Premier ministre est désormais sur le chemin des vacances. Il laisse néanmoins derrière lui une nation largement opposée à sa gestion du conflit au Proche-Orient mais aussi extrêmement mécontente de son leadership après une série de scandales. Un malaise qui augure mal de la rentrée et au-delà de l’avenir de Tony Blair.

Au jour de son départ pour quelques semaines de repos, les commentateurs politiques britanniques n’ont pu s’empêcher de conseiller au chef du gouvernement de bien profiter de ses vacances… Car à les en croire, la rentrée s’annonce encore plus empoisonnée que d’habitude. Le Premier ministre et son entourage ont notamment à craindre le congrès travailliste d’automne qui est généralement l’occasion d’un grand déballage de linge sale en famille… Et du linge sale, il n’en manque pas au Labour entre la descente aux  enfers du ministère de l’Intérieur accusé de graves incompétences, le financement du parti travailliste teinté de corruption et, dans les dernières semaines, la gestion controversée du conflit entre Israël et le Hezbollah libanais…

«Blair, caniche de Bush»

Concernant la crise au Moyen-Orient, l’attitude intangible de Tony Blair - qui a refusé, aux côtés des Etats-Unis, d’appeler à un cessez-le-feu immédiat - a été d’autant plus mal acceptée qu’elle est survenue après l’enregistrement indiscret d’une conversation entre le chef du gouvernement britannique et le président américain George Bush au sommet du G8 en Russie. Leur échange trahissait en effet l’impuissance de Tony Blair à influencer de quelconque manière son allié le plus proche. Depuis, le Premier ministre est confronté à une levée de boucliers quasi-générale contre son alignement sur la position de Washington.

La presse se fait l’écho de ce mécontentement au quotidien avec une délectation non dissimulée. Ainsi les tout derniers sondages publiés dans le quotidien de centre-gauche, le Guardian, mais aussi dans le Daily Telegraph de droite montrent que 63% des Britanniques, toutes opinions politiques confondues, jugent que le Premier ministre britannique est «trop proche» des Etats-Unis et que la relation «privilégiée» entre Londres et Washington souffre de la domination trop pesante du partenaire américain. A tel point que certains journaux, mais aussi d’anciens diplomates n’hésitent pas à dire que la Grande Bretagne est en passe de devenir insignifiante en tant que puissance diplomatique et que le mandat de Tony Blair est décidément entré dans son ère «canine», en référence à l’expression désormais presque consacrée de «Blair, caniche de George Bush»… Le malaise est également croissant dans les rangs du parti travailliste.

Dernière critique en date, la présidente du groupe parlementaire travailliste, Ann Clywd, assure que «la grande majorité» des députés de base exigent «un cessez-le-feu immédiat» au Liban. Un autre député travailliste gallois a, lui, publié une lettre ouverte au Premier ministre lui reprochant sa position «stupide» et «moralement indéfendable» en faveur d'Israël. Auparavant c’est Jack Straw, ancien chef de la diplomatie récemment limogé et relégué au poste de ministre des Relations avec le Parlement qui s’est publiquement démarqué de son patron en dénonçant l’action israélienne comme étant «disproportionnée». Enfin la presse londonienne a révélé cette semaine la montée des mécontentements au sein du cabinet même du Premier ministre. Elle fait état de tensions entre Downing Street et le Foreign Office, qui aurait tenté en vain d'arracher au Premier ministre le feu vert pour demander un cessez-le-feu immédiat au Liban.

Financement douteux

Tony Blair a beau avoir «la peau dure», les  tiraillements au sein de son gouvernement, dont un tiers des ministres auraient exprimé leur désaccord (lors du dernier conseil, le 27 juillet) vis-à-vis de l'alignement de Londres sur les Américains, l'ont sans aucun doute déstabilisé alors qu’une série de scandales l’avaient déjà sérieusement fragilisé. Et, notamment, l’affaire du financement douteux du parti travailliste. En effet le Labour a reçu environ 14 millions de livres (20 millions d'euros) sous forme de prêts de la part de douze hommes d'affaires. Certains d'entre eux se sont vus ensuite proposer un siège à la Chambre des Lords, dont les membres ne sont pas élus. Or la vente d'un siège à la chambre haute du Parlement est illégale depuis une loi de 1925.

Il y a quelques semaines, l'enquête s'est dramatiquement rapprochée de Tony Blair après l'arrestation et l'interrogatoire de Michael Levy, principal collecteur de fonds du parti et ami du Premier ministre britannique. L’affaire a  provoqué un séisme au sein du Labour et à Westminster, où la question est désormais de savoir si et quand les enquêteurs de Scotland Yard  vont venir frapper à la porte du 10 Downing street pour interroger le Premier ministre lui-même. Les affaires et la controverse sur la politique étrangère de Tony Blair ont donc toutes les chances de revenir hanter le leader travailliste lors du Congrès de son parti à l’automne et avec elles les spéculations sur une démission du Premier ministre avant la fin de l'année.



par Muriel  Delcroix

Article publié le 03/08/2006Dernière mise à jour le 03/08/2006 à TU