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Royaume-Uni

Tony Blair butte sur la loi antiterroriste

 Gordon Brown  a été rappelé d'urgence d'Israël par Tony Blair pour participer au vote parlementaire.
(Photo: AFP)
Gordon Brown a été rappelé d'urgence d'Israël par Tony Blair pour participer au vote parlementaire.
(Photo: AFP)
Les députés britanniques ont refusé mercredi de porter à 90 jours la garde à vue pour les suspects de terrorisme, infligeant à Tony Blair sa première défaite aux Communes depuis son élection il y a huit ans. Le revers est cinglant, avec 291 votes pour et 322 contre et une trentaine d'abstentions qui ont fait la différence.

Les parlementaires n’ont pas voté conformément aux vœux de Tony Blair. A la place, soucieux des libertés civiles, ils ont approuvé un projet des conservateurs, soutenu par les députés travaillistes contestataires, portant de 14 à 28 jours la durée maximale de la détention préventive sans inculpation. Le verdict a été accueilli par un Tony Blair sombre et qui, présent dans l’enceinte de la chambre des Communes au moment du résultat, a eu bien du mal à masquer sa colère. Et pour cause, le Premier ministre avait mis tout son poids dans la balance pour arracher aux députés ce vote qu'il jugeait crucial pour assurer la sécurité du pays, faisant valoir que c'était la police qui réclamait la prolongation de cette garde à vue.

Dans un plaidoyer passionné lors de la séance des questions parlementaires, en milieu de journée, le chef du gouvernement avait adjuré les députés de «montrer leur sens des responsabilités»et de «soutenir la police». «Nous ne vivons pas dans un Etat policier, mais nous vivons dans un Etat qui fait face à une menace réelle et grave de terrorisme», avait martelé Tony Blair, ne manquant pas au passage d’affirmer que deux attentats avaient été déjoués au Royaume-Uni depuis ceux du 7 juillet à Londres.

Mais rien n’y a fait, pas même l’intervention de Jack Straw, le chef de la diplomatie ni surtout de Gordon Brown, le ministre des Finances, rappelés en vain, à la dernière minute, sur les lieux du vote, alors qu’ils étaient en déplacement à l’étranger. Tony Blair avait beau paraître confiant, il s’attendait malgré tout à un vote serré et avait battu le rappel des poids lourds de son cabinet - une décision qui a d’ailleurs été interprétée par les observateurs comme un geste de panique et une preuve supplémentaire que le vrai pouvoir est en fait déjà passé aux mains de Gordon Brown, dauphin pressenti du Premier ministre depuis très longtemps.

Quoi qu’il en soit, cette défaite aux Communes révèle que l’affaiblissement du gouvernement et du Premier ministre est pire que prévu. D’autant que l’opinion publique soutenait ce projet. Surtout, cela pose la question de l’avenir de Tony Blair. Depuis sa décision d'engager la Grande-Bretagne dans la guerre en Irak, en mars 2003, l'autorité du chef du gouvernement sur le Parti travailliste semble s'être érodée. Et cela, bien qu’il ait conduit sa formation à une troisième victoire électorale en mai dernier. Pour les politologues britanniques, sa perte d’influence a été aggravée par sa décision de ne pas briguer de quatrième mandat et ce revers humiliant va sans aucun doute inciter ses détracteurs à réclamer un départ plus précoce que ne l'imaginait le Premier ministre.

Le commencement de la fin?

Le chef de file des conservateurs, Michael Howard, a d’ailleurs ouvert le feu en estimant que le vote des députés sonnait comme un avertissement pour le Premier ministre. «L'autorité de M. Blair a été amoindrie presque au point de disparaître. Il n'est plus en mesure de conduire son parti. Il doit à présent examiner sa position.» Plus mesuré mais tout aussi féroce, Charles Kennedy, le leader du troisième grand parti britannique, les Libéraux-Démocrates, a prophétisé que Tony Blair risquait de devenir un «canard boiteux», s’il persistait à agir «d’une façon quasi-dictatoriale».

Le camouflet infligé mercredi pourrait aussi être annonciateur d'autres revers pour Blair. Le député travailliste Paul Flynn a ainsi promis à Tony Blair des jours de plus en plus difficiles, notamment avec ses prochains projets de loi sur l'éducation et la santé. «La rébellion peut devenir une habitude», a estimé ce parlementaire, avant de conclure : «Il y a une grande résistance à ces projets au sein du parti. Ils doivent être amendés». La défaite de Tony Blair souligne en effet son éloignement de plus en plus grand de son parti, au fur et à mesure que le Premier ministre glisse vers le centre-droit.

Pourtant, Tony Blair s’est montré inébranlable face à ces menaces. Le Premier ministre a affirmé sur la chaîne de télévision privée Sky News que son autorité restait intacte et qu'il n'était nullement question pour lui de démissionner. «Ce n'est pas mon autorité qui est en cause», a-t-il répété un peu plus tard sur la BBC. «Bien sûr, j'aurais préféré gagner plutôt que de perdre. Mais il est préférable parfois de perdre en faisant ce qui est bien que de gagner en faisant ce qui est mauvais», a-t-il lancé. Des paroles qui pourraient bien s’avérer prémonitoires.


par Muriel  Delcroix

Article publié le 10/11/2005 Dernière mise à jour le 09/11/2005 à 17:42 TU