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Royaume-Uni

Elections : après la défaite, le remaniement

Le Premier ministre britannique Tony Blair (G.) et le chancelier Gordon Brown.(Photo : AFP)
Le Premier ministre britannique Tony Blair (G.) et le chancelier Gordon Brown.
(Photo : AFP)
Les travaillistes de Tony Blair ont subi un lourd revers à l’occasion des élections locales partielles qui se sont déroulées le 4 mai. Ils perdent au moins 264 sièges et le contrôle de 16 municipalités. Cette défaite n’est pas une surprise. Les sondages avaient déjà mis en valeur le mécontentement des Britanniques vis-à-vis d’un gouvernement éclaboussé par plusieurs affaires ces derniers temps. Le Premier ministre britannique a immédiatement tiré la leçon de ce scrutin en procédant à un remaniement ministériel. Mais cette tentative pour relancer la machine gouvernementale risque de ne pas suffire pour faire taire les voix qui s’élèvent contre Tony Blair lui-même et demandent son départ anticipé, après neuf ans à la tête de l’exécutif britannique.

Ravalement de façade ou changement profond ? Le remaniement ministériel annoncé par Tony Blair est diversement interprété. Le Premier ministre britannique n’avait de toute manière pas le choix, il devait absolument changer son équipe après le score médiocre de son parti aux élections locales. D’ailleurs, il avait annoncé qu’il procéderait à cette modification dès avant le scrutin. Le recul des travaillistes était en effet prévu. Restait à en mesurer l’ampleur. En perdant plus de 260 sièges de conseillers municipaux et en ne rassemblant que 26% des suffrages, le Labour est durement sanctionné par les électeurs. Il devient le troisième parti du pays derrière les libéraux-démocrates (27%) et surtout les conservateurs (40%).

C’est ce dernier parti qui sort grand vainqueur des élections locales. Il conquiert, en effet, plus de 260 sièges et obtient son meilleur score depuis 1992. Son jeune leader, David Cameron (39 ans), qui est à l’origine de ce renouveau, n’a pas caché sa satisfaction après l’annonce des premiers résultats. «Cela montre que le Parti conservateur élargit son audience, qu’il attire de nouveaux électeurs, et je pense que nous avons affaire à un Parti travailliste qui est dans une sérieuse phase de décomposition», a-t-il déclaré en concluant : «Je suis un homme heureux ce matin».

Les conservateurs progressent à Londres

Il aurait pu l’être encore plus si les Tories avaient réussi à enlever des sièges dans les grandes villes comme Manchester, Newcastle ou Liverpool qui restent des bastions des travaillistes ou des libéraux-démocrates. Mais ils n’y sont pas parvenus. Les conservateurs ont, en revanche, réalisé une avancée très importante à Londres. Ils contrôlent désormais plus de conseils de quartier que les travaillistes -ce qui ne s’était pas produit depuis 1978- et n’ont jamais disposé d’autant d’élus locaux dans la capitale depuis 1985.

L’autre parti qui profite du scrutin est le parti d’extrême-droite, le BNP (Parti national britannique), qui a basé sa campagne électorale sur les thèmes de l’ordre, la sécurité et l’immigration. Il a gagné treize nouveaux sièges (sur 4361 qui étaient à pourvoir). Même s’il reste très minoritaire, sa progression est significative car elle a eu lieu principalement dans des quartiers sensibles de la banlieue londonienne (Barking et Dagenham), à forte population immigrée. Quant aux Libéraux-démocrates, ils remportent 17 nouveaux sièges.

Le changement d’équipe gouvernementale décidé par Tony Blair marque sa volonté de répondre au message envoyé par les électeurs. Car ce scrutin local représentait un test national pour l’équipe du Premier ministre. Un an après avoir obtenu son troisième mandat consécutif à la tête du gouvernement, Tony Blair se trouve en effet dans une situation difficile. Il fait face à une forte opposition populaire sur la guerre en Irak et plusieurs de ses ministres se sont retrouvés au cœur de polémiques. A commencer par l’ancien ministre de l’Intérieur, Charles Clarke. Ce dernier était très vivement critiqué pour avoir relâché, à la fin de leur peine, un millier de prisonniers étrangers jugés pour meurtres, viols ou pédophilie, alors qu’ils auraient dû faire l’objet de procédures d’expulsion. A la suite de cette affaire, l’opposition avait demandé sa démission et il était sur la sellette. Tony Blair l’a sacrifié. Il est remplacé par John Reid, l’ancien ministre de la Défense, dont le précédent poste revient à Des Browne.

John Prescott passe, en revanche, entre les gouttes. Il reste vice-Premier ministre malgré le scandale provoqué par la découverte de sa liaison extra-conjugale avec sa secrétaire. Tony Blair n’a pas cédé à la pression, estimant qu’il s’agissait d’une affaire d’ordre privé. Néanmoins, une partie de ses attributions (Collectivités locales et Fonction publique) sont confiées à l’ancienne ministre de l’Education, Ruth Kelly. Margaret Beckett devient, quant à elle, la première femme ministre des Affaires étrangères. Elle remplace Jack Straw qui passe au poste stratégique de ministre des relations avec les Communes. Une fonction occupée jusqu’à présent par Geoff Hoon, qui prend en charge les Affaires européennes dans la nouvelle équipe. Deux jeunes (moins de 40 ans) secrétaires d’Etat, David Milliband et Douglas Alexander, ont bénéficié de promotions et deviennent respectivement ministre de l’Environnement et des Transports.

Blair poussé vers la sortie ?

Avec ce remaniement très rapide -avant même l’annonce des résultats définitifs du scrutin-, Tony Blair escompte vraisemblablement redonner confiance de manière à relancer la politique gouvernementale et poursuivre les réformes. Reste que dans les rangs des travaillistes, cette stratégie ne fait pas l’unanimité. Frank Dobson, un ancien ministre de la Santé a, par exemple,  comparé le remaniement à une tentative pour «réorganiser les chaises longues sur le pont du Titanic» et a estimé que le Labour avait besoin «d’une nouvelle direction». En d’autres termes, que Tony Blair devait partir sans attendre la fin de son mandat.

Cette question d’un départ anticipé du Premier ministre n’est pas nouvelle. Elle est régulièrement évoquée depuis la dernière législative de 2005. Un sondage publié par la BBC, le 5 mai, montre d’ailleurs que 50% des Britanniques souhaitent que Tony Blair quitte son poste avant la fin de l’année 2006 et que 36% d’entre eux désireraient même qu’il s’en aille immédiatement. Le Chancelier de l’échiquier, Gordon Brown, présenté comme le dauphin du Premier ministre et qui attend depuis plusieurs années de lui succéder, a lui-même estimé que «le renouveau [du Labour] devait être entrepris sans tarder».


par Valérie  Gas

Article publié le 05/05/2006 Dernière mise à jour le 05/05/2006 à 17:01 TU

Audio

Philippe Marlière

Maître de conférence en Sciences politiques à l’Université de Londres

«Le remaniement du gouvernement anglais était attendu. Je pense que Tony Blair l’avait préparé bien avant les élections.»

[05/05/2006]

Muriel Delcroix

Correspondante de RFI à Londres

«Une des ministres de Tony Blair a déjà reconnu que le cabinet portait la responsabilité de ce désastre.»

[05/05/2006]

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