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Royaume-Uni

Blair-Brown : un fauteuil pour deux

Le Premier ministre britannique (à dr.) s'est exprimé sur l'économie et les services publics, un domaine censé être celui du chancelier de l'Echiquier, Gordon Brown (à g.).
(Photo: AFP)
Le Premier ministre britannique (à dr.) s'est exprimé sur l'économie et les services publics, un domaine censé être celui du chancelier de l'Echiquier, Gordon Brown (à g.).
(Photo: AFP)
Malgré les sourires de façade et les assurances de vision commune, rien ne va plus entre le Premier ministre britannique et son chancelier de l’Echiquier. A tel point que la presse annonce désormais la séparation imminente d’un des «golden couples» de la planète qu’on avait pourtant pensé indestructible. Mais il est vrai que le duo de choc Tony Blair-Gordon Brown, qui avait conquis la Grande-Bretagne il y a presque 8 ans maintenant, apparaît rongé par la rivalité, le ressentiment voire la haine pure si l’on en croit les analystes du petit monde de Westminster...

De notre correspondante à Londres

Les tensions ne datent pas d’hier, Gordon Brown ronge son frein depuis longtemps dans l’espoir de succéder un jour à Tony Blair. Mais elles ont refait surface ces derniers temps par presse et partisans interposés et ne cessent de s’envenimer. Notamment depuis que le très à droite Sunday Telegraph a publié les bonnes feuilles d'un livre selon lequel Tony Blair aurait promis à Gordon Brown à plusieurs reprises en 2003 de lui céder le fauteuil de Premier ministre à l'automne 2004, avant de changer d'avis. En effet le 30 septembre dernier, l'hôte de Downing Street a annoncé son intention de rempiler pour un troisième mandat de cinq ans. Un revirement qui s’expliquerait par la performance, meilleure que prévue, du New Labour lors des élections européennes, la mauvaise image du chef des tories, Michael Howard, mais aussi le règlement de problèmes familiaux du Premier ministre. «Je ne croirai plus jamais rien de ce que vous pourrez me dire», lui aurait alors déclaré un ministre des Finances blessé, tout cela selon La Grande-Bretagne de Brown, le livre de Robert Peston, un journaliste du Sunday Telegraph.

Un agenda chargé

Depuis, la guerre fait rage entre les deux frères ennemis, chacun cherchant à tirer à soi la couverture médiatique dans la perspective des prochaines élections législatives. Ainsi, à l'heure même où Gordon Brown doit prononcer son grand discours sur son «plan Marshall» concernant l'allégement de la dette des pays pauvres, Tony Blair convoque hâtivement une conférence de presse consacrée partiellement à l’Afrique et lui vole la vedette. Pire les deux hommes sont soupçonnés d’avoir fait de la surenchère dans leur réponse aux tsunamis qui ont touché l’Asie du Sud... Ce qui leur a d’ailleurs valu ce titre assassin de l’éditorial du Times: «Blair et Brown enfin unis... dans une orgie de mauvais goût». Bref la querelle a tant et si bien dégénéré que la base travailliste a fini par rappeler à l’ordre les deux rivaux qui depuis s’efforcent de calmer le jeu, Gordon Brown en réaffirmant «la complète unité de vue» entre les deux hommes et Tony Blair en rendant des hommages appuyés au «chancelier le plus efficace de l’après-guerre».

Il faut dire que le Royaume-Uni a un agenda chargé, difficilement compatible avec une guerre intestine. Il assume la présidence du G8 depuis début janvier et veut faire des progrès significatifs sur l'aide à l'Afrique et sur la question du changement de climat. Il va aussi prendre la prochaine présidence de l'Union européenne à partir du 1er juillet pour six mois. Sans compter les élections législatives, largement attendues en mai prochain. Et c’est ce qui inquiète les députés Labour qui craignent que le parti conservateur ne profite de la situation pour regagner du terrain. Les tories ont d’ailleurs d'ores et déjà promis d'exploiter les révélations du livre dans le cadre de la campagne.

Toutefois la situation n'est pas encore inquiétante puisque de récents sondages montrent que les travaillistes sont loin devant les conservateurs. Ceci dit le dernier en date, publié par le quotidien The Independent de centre-gauche, souligne aussi que le Labour aurait une plus forte avance sur l'opposition aux prochaines élections... si Gordon Brown remplaçait Tony Blair à sa tête. Une tendance qui, n’en déplaise à la base du parti, pourrait bien inciter les partisans du chancelier à rompre le moment venu un cessez-le-feu plus que précaire.


par Muriel  Delcroix

Article publié le 15/01/2005 Dernière mise à jour le 15/01/2005 à 14:52 TU