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Tony Blair rattrapé par les ADM irakiennes

Tony Blair a reçu, 24 heures avant sa publication, le rapport de Lord Butler sur les erreurs du renseignement britannique concernant l'arsenal présumé de Saddam Hussein. 

		Photo : AFP
Tony Blair a reçu, 24 heures avant sa publication, le rapport de Lord Butler sur les erreurs du renseignement britannique concernant l'arsenal présumé de Saddam Hussein.
Photo : AFP
Après avoir défendu pendant des mois bec et ongles la thèse selon laquelle Saddam Hussein possédait un arsenal d’armes prohibées susceptibles de représenter un danger pour la Grande-Bretagne, Tony Blair a dû reconnaître la semaine dernière -contraint et forcé- qu’il n’y avait sans doute pas d’armes de destruction massive en Irak. Cet aveu du Premier ministre est intervenu sept jours avant la publication d’un rapport très attendu sur les informations fournies à ce sujet par les services secrets britanniques et qui ont servi à justifier la guerre contre l’ancien régime irakien. Ce rapport, potentiellement embarrassant pour le locataire du 10 Downing Street, n’épargne pas certains de ses proches collaborateurs à en croire la presse britannique qui spécule déjà sur leur maintien en poste.

A l’instar de la commission sénatoriale américaine qui a publié, la semaine dernière, un rapport accusant la CIA d’avoir notamment exagéré la menace représentée par les prétendues armes de destruction massive irakiennes, la commission présidée par Lord Robin Butler devrait être particulièrement sévère avec les services secrets britanniques. Ce haut fonctionnaire, aujourd’hui à la retraite, avait été chargé en février dernier par Tony Blair d’«enquêter sur toute éventuelle contradiction entre les informations des services de renseignement collectées, évaluées et utilisées par le gouvernement avant la guerre et ce qui a été découvert sur le terrain par le Groupe d’inspections en Irak» chargé de mettre à jour l’arsenal de Saddam Hussein depuis la fin du conflit. Plusieurs médias britanniques ont d’ores et déjà estimé que le rapport de Lord Butler devrait critiquer le rôle des services secrets, coupables d’avoir fourni aux politiques des données peu fiables comme notamment celle affirmant que l’ancien dictateur pouvait déployer en 45 minutes des armes de destructions massives dont certaines pouvaient atteindre des objectifs aussi éloignés que les bases britanniques de Chypre.  

Le document devrait également épingler plusieurs proches collaborateurs du Premier ministre accusés d’avoir privilégié les informations les plus alarmistes dans le seul but de retourner une opinion publique majoritairement hostile à une guerre en Irak. Même si le rapport ne met pas directement en cause Tony Blair, le chef du gouvernement, dont la popularité est au plus bas dans les sondages –53% des Britanniques estiment notamment qu’il devrait démissionner si l’enquête de Lord Butler s’avérait négative– ne devrait pas en sortir indemne. Une ancienne dirigeante du comité conjoint des services de renseignement britannique (JIC), Pauline Neville-Jones, a ainsi estimé que Tony Blair devait assumer la responsabilité des éventuelles erreurs commises par les services secrets. «En dernier ressort, c’est lui le responsable et, quel que soit le pays, je ne crois pas que la classe politique puisse échapper aux conséquences d’un échec systémique», a-t-elle notamment affirmé.

Deux hommes dans le collimateur

La majorité des experts britanniques estimaient par ailleurs que les critiques de Lord Butler devraient se concentrer essentiellement sur deux proches collaborateurs de Tony Blair. L’ancien chef du CIJ, John Scarlett, promu depuis patron du MI6 (les services de renseignement extérieur), avait été chargé de superviser la rédaction du très controversé dossier gouvernemental sur les armes de destruction massive présenté par le Premier ministre à la Chambre des Communes. En endossant l’entière responsabilité de ce document, il s’est de fait placé dans une position délicate. Le rapport de Lord Butler ne devrait toutefois pas exiger sa démission. Plus gênant pour le Premier ministre, son chef du cabinet, Jonathan Powell, qui a aujourd’hui quitté ses fonctions, ne devrait pas non plus être épargné, l’enquête estimant qu’il aurait dépassé ses fonctions essentiellement consultatives avant la guerre. Or, soulignent certains experts, «on ne peut pas s'approcher davantage du Premier ministre sans le toucher lui-même qu'en visant Jonathan Powell». Ils estiment en outre le Premier ministre et ses collaborateurs devraient également être critiqués pour leurs méthodes et leur façon de «court-circuiter» le gouvernement dans la prise de décision.

La publication du rapport Butler ne pouvait pas tomber plus mal pour Tony Blair dont le parti doit affronter jeudi deux législatives partielles dont l’issue est des plus incertaines. Ces élections qui doivent se dérouler à Birmingham et Leicester, dans le centre de l’Angleterre, devraient fournir un nouveau test de l’impact de la guerre en Irak sur l’électorat. Déjà lors des scrutins local et européen du 13 juin dernier, les travaillistes avaient subi un sérieux revers –ils étaient arrivés en troisième position– et de nombreux observateurs estiment que la sanction pourrait se renouveler. Si tel était le cas, les spéculations sur la longévité politique du Premier ministre seraient relancer.

Plusieurs journaux avaient affirmé la semaine dernière que Tony Blair, dont la crédibilité a été fortement entamée ces derniers mois par l’absence d’armes de destruction massive, avait sérieusement envisagé de démissionner. «Le point critique est arrivé il y a environ six semaines, lorsqu'il était assailli par des problèmes politiques comme les tortures présumées commises par les forces de la coalition sur des prisonniers irakiens et par des problèmes familiaux», avait notamment révélé le Sunday Telegraph. La BBC avait par la suite annoncé que quatre de ses ministres avaient réussi à le dissuader de quitter le pouvoir et la tête du parti. Depuis ses proches se relaient pour affirmer que Tony Blair mènera les travaillistes à la victoire lors des prochaines législatives prévues au plus tard en 2006.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 13/07/2004 Dernière mise à jour le 13/07/2004 à 15:48 TU