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Grande-Bretagne

Affaire Kelly : La BBC reconnaît des «erreurs»

Après dix jours d’interruption, l’enquête du juge Brian Hutton, chargée de définir les circonstances du décès de l’expert en désarmement britannique, David Kelly, retrouvé mort deux jours après son audition par une commission parlementaire, a repris lundi avec les contre-interrogatoires des personnalités clé dans cette affaire. Le journaliste Andrew Gilligan, l’homme par qui le scandale est arrivé –il avait diffusé un reportage dans lequel il accusait, sur la base des confidences du scientifique britannique, l’équipe de Tony Blair d’avoir sciemment «gonflé» le dossier sur les armes irakiennes de destruction massive pour convaincre les Britanniques du bien-fondé d’une guerre en Irak– a certes reconnu mercredi avoir commis des «erreurs». Mais il a défendu son travail arguant notamment avoir «transmis l’essence» de ce que lui avait confié David Kelly.
«Mon intention était de transmettre l’essence de ce que m’avait dit le Dr Kelly et je crois que je l’ai fait de manière honnête et précise», s’est défendu Andrew Gilligan. Mais poussé dans ses retranchements par les avocats du ministère britannique de la Défense et de la famille de l’expert britannique, le journaliste a reconnu avoir commis «des erreurs». Il a notamment évoqué «un dérapage verbal» et une formulation «loin d’être parfaite» dans la première version de son reportage diffusée le 29 mai. Interrogé sur un courrier électronique envoyé à un député membre de la commission parlementaire chargée d’interroger David Kelly dont le nom avait été révélé par la presse comme étant la source de la BBC, Andrew Gilligan a également reconnu avoir mal agi. Ce message, dans lequel il suggérait des questions à poser au scientifique, était selon lui «complètement malvenu». «Je ne peux que m’excuser, a-t-il déclaré, mais j’étais soumis à une pression énorme et je n’avais tous simplement plus les idées claires».

Mais s’il a reconnu ses torts sur certains points –il a également admis avoir qualifié David Kelly de membre des services secrets au cours d’une des nombreuses diffusions de son reportage–, Andrew Gilligan a défendu bec et ongles son travail. «Le Dr Kelly n’était pas quelqu’un à qui vous pouviez faire dire n’importe quoi», a-t-il déclaré. «Tous les mots que je lui faisais dire, il les avait prononcés», a-t-il même insisté. Concernant la mise en cause d’Alastair Campbell, l’éminence grise de Tony Blair accusé d’être à l’origine de l’ajout dans le dossier sur les armes irakiennes de destruction massive de la mention selon laquelle le régime de Bagdad était capable de déployer son arsenal prohibé dans un délai de 45 minutes, le journaliste de la BBC a maintenu sa déposition. Selon lui en effet, le Dr Kelly a le premier évoqué le nom de l’ancien responsable de la communication du 10 Downing Street. Il a en outre catégoriquement démenti avoir soumis plusieurs noms au scientifique.

Un témoignage surprise

Egalement interrogé, le directeur de l’information de la BBC, Richard Sambrook, a lui aussi admis des erreurs dans l’élaboration du reportage contesté. Il a notamment estimé qu’il aurait été préférable de «notifier à l’avance au 10 Downing Street les allégations contenues dans ce reportage». La chaîne aurait également dû, selon lui, chercher à obtenir un commentaire du bureau de Tony Blair avant de diffuser le sujet de Gilligan. Mais si Richard Sambrook a tenté de couvrir le travail de son journaliste, il ne lui a pas ménagé ses critiques. «C’est un reporter extrêmement bon pour dénicher une information, a-t-il affirmé, mais il manque de nuance et de subtilité».

Lundi lors de la reprise des auditions, le juge Brian Hutton a recueilli le témoignage du très secret chef du MI6, le service du renseignement extérieur britannique. Interrogé par vidéo-conférence, sans que son visage n’apparaisse, Richard Dearlove, est venu défendre le rapport du gouvernement sur l’arsenal irakien. Il a ainsi déclaré que l’information selon laquelle Bagdad pouvait déployer en 45 minutes des armes de destruction massive provenait d’«une source établie et fiable». Il a toutefois admis qu’une importance excessive avait été accordée à cette information étant donné qu’elle ne concernait que «des armes de champ de bataille» et non de longue portée. Elles ne représentaient donc pas une menace immédiate pour le royaume comme le laissait entendre le rapport présenté par Tony Blair aux députés britanniques.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 18/09/2003