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Grande-Bretagne

La BBC riposte à Blair

Depuis son retour en Grande-Bretagne, jeudi dernier, après une tournée asiatique, Tony Blair est au cœur d’une grave tempête politique, qui menace son gouvernement mais n’épargne pas non plus la télévision publique, qui une fois de plus a préféré «ouvrir le feu» sur Downing Street.
Tradition médiatique oblige, au Royaume-Uni, c’est par une simple lettre expédiée au quotidien (conservateur) Daily Telegraph que le directeur de la BBC a riposté dimanche 26 juillet aux attaques récentes du gouvernement de Tony Blair, à propos du traitement de «l’affaire Kelly». «Notre intégrité est attaquée et nous sommes châtiés pour avoir adopté une position différente de celle du gouvernement et de ses partisans». Pour Gavyn Davies, Blair veut s’attaquer aux fondements mêmes de l’indépendance de la télévision publique britannique : «Parce que nous avons eu la témérité de faire cela, certains suggèrent qu’un système qui a protégé la BBC pendant 80 ans soit balayé et remplacé par un régulateur extérieur qui mettrait la BBC au pas». L’idée a été émise, ces derniers jours d’enlever le contrôle de la BBC aux huit «gouverneurs» pour le confier soit à un «commissaire» soit à l’OFCOM, l’instance chargée de la régulation en matière de télécommunication et de radio-télédiffusion.

A l’origine de cette brouille, le reportage d’Andrew Gilligan affirmant, à partir du témoignage de l’expert Kelly (qui s’est par la suite suicidé), que le gouvernement de Tony Blair avait «gonflé» la menace irakienne afin d’obtenir un soutien massif à l’entrée en guerre en Irak de la part du Parlement, des médias comme de l’opinion publique. Une fois de plus, la BBC a été aux côtés de son reporter : «Avoir une information d’une importance de premier plan au niveau national, obtenue par une source crédible et sérieuse (le Docteur Kelly), dont nous savons maintenant qu’elle était qualifiée de manière presque incomparable pour parler des armes de destruction massive en Irak, et ne pas la diffuser aurait été une véritable erreur», a écrit le directeur de la BBC.

«Une culture de manipulation»

Toujours à propos du reportage d’Andrew Gilligan, le ministre en charge des relations avec le Parlement, Peter Hain, a été très sévère vis-à-vis de BBC, estimant qu’il «se rangeait dans la meilleure tradition de la presse tabloid, plus que dans celle d’un organisme de presse de service public». Toujours selon Peter Hain, si quelqu’un à «gonflé» quelque chose, c’est plutôt la BBC qui «a gonflé son reportage, basé sur une seule source, afin de le rendre plus intéressant, le niveau de cette source étant lui-même déformé, afin de donner plus de crédibilité à l’histoire». De son côté Tessa Jowell, ministre de la Culture, a publié un communiqué officiel pour dire «qu’il n’était aucunement question» de punir la BBC pour ses reportages sur l’Irak, ni de remettre en cause son statut : «Nous avons toujours été clairs : nous défendrons l’indépendance de la BBC».

Cette polémique a d’ores et déjà coûté très cher au Premier ministre Tony Blair : à moins d’un an de la date prévue des prochaines élections législatives, 37% des personnes interrogées affirment qu’elles voteront pour l’opposition (le parti conservateur), qui porte ainsi son avance sur les travaillistes à trois points, selon un sondage de YouGov. D’après ce même sondage, 68% des Britanniques pensent que règne au gouvernement une «culture de la manipulation».

De son côté l'ancienne ministre travailliste Clare Short dans un entretien publié lundi par l'Independent, a déclaré que le suicide du Dr David Kelly «est le résultat d'un abus de pouvoir» du gouvernement Blair et les personnes responsables doivent rendre des comptes.



par Elio  Comarin

Article publié le 28/07/2003