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Grande-Bretagne

La mort de David Kelly provoque une crise majeure

La cause de la mort de David Kelly, l’expert britannique en désarmement dont le corps sans vie a été retrouvé vendredi, a été confirmée. Il est décédé des suites d’une hémorragie due à une blessure au poignet. Cette information donnée samedi par la police qui semblerait privilégier la thèse du suicide, relance la polémique autour de l’acharnement dont il a été victime et fragilise le gouvernement de Tony Blair. Le Premier ministre britannique actuellement en Asie a semblé ébranlé par cette «terrible tragédie» lors de la conférence de presse qu’il a donné à l’occasion de son passage à Tokyo. Il a appelé les «hommes politiques et les médias» à faire preuve «de respect et de retenue».
Deux hommes sont aujourd’hui sur la sellette : Alastair Campbell et Geoffrey Hoon. Le premier est directeur de la Communication de Tony Blair, le deuxième est ministre de la Défense. Tous deux sont présentés aujourd’hui par la presse britannique comme les principaux responsables de la polémique au centre de laquelle s’est retrouvé David Kelly. Le Daily Mail n’y va pas par quatre chemins en présentant à la Une les portraits des deux hommes avec un titre sans ambiguïté : «Fiers de vous ?».

D’ailleurs les journalistes présents à Tokyo lors de la Conférence de presse de Tony Blair n’ont pas hésité à questionner le Premier ministre sur l’éventuelle démission de ses deux collaborateurs. Mais ils n’ont obtenu qu’une réponse évasive : «Je ne crois pas que ce soit juste pour quiconque, nous-mêmes ou qui que ce soit, de juger avant de connaître». Autrement dit, avant d’avoir les conclusions de l’enquête judiciaire indépendante qu’il a ordonnée. Quant à savoir s’il «avait du sang sur les mains», comme le lui a demandé une journaliste britannique, Tony Blair a préféré ne pas répondre.

Tout a commencé lorsque le ministère de la Défense a cité le nom de David Kelly comme celui de la source possible du journaliste de la BBC Andrew Gilligan qui avait dénoncé les manœuvres du directeur de la Communication du Premier ministre britannique pour «gonfler» les risques présentés par les armes de destruction massive en Irak et ainsi justifier une intervention militaire dans ce pays. Alastair Campbell aurait ainsi introduit dans un rapport un passage selon lequel Saddam Hussein pouvait déployer de tels armements en moins de 45 minutes.

Kelly était «soumis à un stress énorme»

Ces révélations d’Andrew Gilligan ont provoqué une très vive réaction du côté du gouvernement qui n’a cessé d’affirmer qu’elles étaient inexactes. Dans ce contexte, David Kelly a été entendu par la Commission des Affaires étrangères des Communes. L’entretien a été difficile pour l’expert en arme biologique, soumis à certaines questions posées sur un ton très agressif, même s’il semble, au bout du compte, qu’il ait convaincu les parlementaires de sa bonne foi et du fait qu’il n’était pas à l’origine des fuites dont Andrew Gilligan affirme avoir bénéficié.

Quoi qu’il en soit, David Kelly n’est pas sorti indemne de cette polémique. Sa femme a déclaré samedi, dans un entretien avec le New York Times, qu’elle pensait que son mari s’était suicidé. Et elle a expliqué à quel point il avait été touché par les accusations dont il faisait l’objet et était «soumis à un stress énorme». Le communiqué officiel de la police britannique sur les circonstances du décès publié samedi après-midi va dans le même sens. David Kelly est mort des suites d’une hémorragie. Les veines de son poignet gauche ont été tranchées. Un couteau et un paquet d’analgésiques entamé ont été retrouvés à proximité du corps. Et la police estime qu’«il n’y a aucune indication pour le moment d’une quelconque autre partie impliquée».

Si Geoffrey Hoon et Alastair Campbell sont en première ligne dans cette affaire, Tony Blair lui-même n’est pas loin derrière. D’ores et déjà, il semble confronté à la plus importante crise depuis son arrivée au pouvoir il y a six ans. La mort de David Kelly relance de plus belle les critiques dont il faisait déjà l’objet concernant les manipulations de l’opinion sur la présence réelle d’armes de destruction massive en Irak. Que ce soit dans la classe politique [la députée travailliste Glenda Jackson a, par exemple, demandé la démission de Tony Blair] ou dans l’opinion publique, sa cote de popularité est au plus bas. Et c’est sur lui que risque de rejaillir les conséquences de la mort d’un homme qui semble bien avoir été «un bouc-émissaire». Un sondage réalisé samedi par la chaine Sky News révèle d’ailleurs que pour 60 % des personnes interrogées, c’est Tony Blair qui devrait présenter sa démission.



par Valérie  Gas

Article publié le 19/07/2003