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Grande-Bretagne

ADM : le Parlement absout Tony Blair

Une commission parlementaire, chargée d’enquêter sur la façon dont le gouvernement travailliste a conduit la Grande-Bretagne à la guerre en Irak, a blanchi Tony Blair de tout soupçon d’avoir induit les députés en erreur sur la menace réelle du régime de Saddam Hussein. Elle a en revanche vivement critiqué l’utilisation par le Premier ministre, devant la chambre des Communes, d’un dossier publié en févier 2003 et qui s’est avéré n’être que le plagiat des travaux d’un étudiant américain, vieux de 12 ans. Elle a également épinglé le gouvernement concernant un autre rapport, publié en septembre 2002 et à l’origine d’une violente polémique avec la BBC, mettant notamment en doute le fait que ce texte ait bénéficié d’une «telle importance». Malgré ces critiques souvent très virulentes sur l’utilisation de dossiers peu consistants, le gouvernement de Tony Blair ressort blanchi puisque la commission parlementaire, à majorité travailliste, a estimé que le Premier ministre n’était pas au courant de la provenance de ces documents qualifiés de «contre-productifs».
Trois mois après la chute de Bagdad, les forces américano-britanniques ne sont toujours pas parvenues à mettre la main sur les fameuses armes de destruction massive pourtant à l’origine de la guerre contre le régime de Saddam Hussein. Cet échec a largement contribué à alimenter la polémique qui fait rage depuis plusieurs semaines en Grande-Bretagne entre la BBC et le gouvernement de Tony Blair, accusé d’avoir survendu la menace que représentait l’arsenal irakien pour convaincre une opinion publique largement opposée à une offensive militaire en Irak. Au cœur de l’affaire figurent deux dossiers présentés par le cabinet de Tony Blair comme étant des preuves irréfutables justifiant une intervention armée contre l’Irak. Dans le premier, rendu public en septembre 2002, Downing Street affirmait notamment que Saddam Hussein possédait un arsenal d’armes de destruction massive qu’il était capable de déployer en 45 minutes. Le second, publié quelques semaines avant le déclenchement de la guerre, dressait une liste impressionnante de ces armes et avait même été loué pour son sérieux par le secrétaire d’Etat américain Colin Powell dans son rapport devant le Conseil de sécurité des Nations unies. Or ces deux dossiers sont aujourd’hui très largement contestés.

Les problèmes pour le Premier ministre Tony Blair ont en effet commencé lorsqu’il est apparu que les éléments contenus dans le dossier dressant la liste de l’armement présumé de Saddam Hussein avaient en grande partie été prélevés, mot pour mot et fautes d’orthographes comprises, dans la thèse universitaire d’un étudiant américain, vieille de 12 années et traitant de la guerre du Golfe de 1991. L’information révélée par la BBC avait jeté le discrédit sur les services de renseignements britanniques, pourtant réputés être parmi les plus sérieux au monde. La chaîne de service publique avait par la suite enfoncé le clou en révélant le 29 mai dernier que dans le rapport présenté devant la chambre des Communes en septembre 2002, la mention du délai de 45 minutes nécessaire à Saddam Hussein pour déployer ses armes de destruction massive avait été ajoutée à la demande du chef de la communication de Tony Blair, Alastair Campbell. Le journaliste Andrew Gilligan, à l’origine de ce scoop, affirmait également, citant «un informateur crédible et de haut rang», que cet ajout avait été fait contre l’avis des services de renseignement britanniques qui jugeaient l’information «peu crédible» et cela dans l’unique but de «muscler» ce dossier afin d’emporter l’adhésion de l’opinion publique à l’époque très divisée sur la pertinence d’une entrée en guerre du Royaume-Uni.

Alastair Campbell, l’éminence grise

Les informations diffusées par la BBC ont provoqué une très violente polémique en Grande-Bretagne où le Parlement a dû se saisir début juin de l’affaire. Les services de Downing Street, sur la défensive, n’ont pas hésité ces dernières semaines à accuser ouvertement la chaîne publique de «mentir» et de ne pas respecter les règles les plus élémentaires de la déontologie. Plusieurs ministres, dont le chef de la diplomatie Jack Straw, ont âprement défendu la position du gouvernement. Et l’éminence grise de Tony Blair, le très contesté Alastair Campbell, ne s’est pas gêné pour qualifier le spécialiste militaire de la BBC, le très respecté Andrew Gilligan, de menteur. Il a notamment adressé un long questionnaire au directeur de l’information Richard Sambrook en exigeant une réponse rapide ainsi que des excuses.

Mais la chaîne publique a fait bloc derrière son journaliste, dénonçant notamment «des pressions sans précédent de la part de Downing Street». «Je ne crois pas, a ainsi déclaré très perfidement Richard Sambrook, que la BBC ait de leçon à recevoir sur l’utilisation de ses sources de la part d’un service de la communication qui a plagié une thèse vieille de 12 ans et l’a distribué sans en préciser la provenance». Le conseil des gouverneurs, un organisme de surveillance composé de 12 «sages» chargés de veiller au respect des auditeurs et des téléspectateurs, a en outre apporté son soutien à la direction et aux journaliste de la chaîne, estimant notamment que l’information au centre de la polémique avec le gouvernement était «dans l’intérêt du public». «Même si les directives disent que la BBC doit hésiter à diffuser des informations basées sur une source unique, elles autorisent clairement de telles pratiques dans des circonstances exceptionnelles», précise ce conseil des sages qui affirme que la couverture par la chaîne de la guerre en Irak a été «totalement impartiale».

Véritable institution en Grande-Bretagne, la BBC a reçu le soutien de toute la presse du royaume. Et si le Premier ministre et son gouvernement viennent d’être blanchis par le Parlement, les Britanniques se sont déjà faits leur propre opinion. Selon un sondage publié dimanche, 62% des personnes interrogées pensent le chef de la communication de Downing Street, Alastair Campbell a effectivement «rendu plus sexy» le dossier présenté devant la chambre des Communes et 66% déclarent croire en la sincérité de la BBC. Une condamnation sans appel de Tony Blair et de son gouvernement quand on sait que les travaillistes sont en chute libre dans les sondages.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 07/07/2003