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Grande-Bretagne

La mort d'un expert embarrasse Blair

La police britannique a découvert vendredi matin le corps de David Kelly, un expert en armes de destruction massive accusé par Downing Street d’être à l’origine de la polémique qui oppose le gouvernement de Tony Blair à la BBC concernant le dossier des armes irakiennes de destruction massive. Dans un reportage diffusé le 29 mai dernier par la chaîne publique, le journaliste Andrew Gilligan, citant «un informateur crédible et de haut rang», avait affirmé que Londres avait volontairement «rendu plus sexy» la menace que représentait réellement l’arsenal de Saddam Hussein dans le but de convaincre une opinion publique très réticente à l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne. Une violente polémique s’en était alors suivie. Le dernier épisode en date concernait justement David Kelly que l’équipe du Premier ministre a accusé en début de semaine d’être «la principale source» de la BBC, ce que l’expert avait vivement démenti.
David Kelly a quitté son domicile de Harrowdown Hill dans l’Oxfordshire, à 70 kilomètres à l’ouest de Londres, jeudi vers 15h00 (14h00 GMT) après avoir dit à son épouse qu’il allait se promener. L’expert qui était un habitué des longues marches n’est pas réapparu depuis et c’est très inquiète que sa famille a pris contact avec la police dans la soirée. Il a été porté officiellement disparu jeudi à 22h45 heure locale. Vendredi matin les policiers en charge des recherches ont retrouvé le corps d’un homme dans un bois situé à environ 8 kilomètres du domicile de David Kelly. L’identification est en cours mais d’ores et déjà il ne fait pratiquement aucun doute qu’il s’agit bien du corps de l’expert.

Unanimement respecté par ses collègues, David Kelly, un microbiologiste renommé, était un spécialistes des armes de destruction massive. Il a fait partie de l’équipe des experts en désarmement des Nations unies et à ce titre s’était rendu 37 fois en Irak entre 1994 et 1999. «Lorsque l’Irak a envahi le Koweït en 1990, je n’avais pas réalisé que Saddam Hussein dicterait les dix prochaines années de ma vie», avait-il coutume de dire. Chef de service à l’Institut de recherche britannique sur l’environnement, puis directeur du service de microbiologie du centre de recherches sur les armes chimiques de Porton Down, David Kelly a tour à tour conseillé le Foreign office puis le ministère britannique de la Défense où il était chargé de contrôler la prolifération des armements.

Le gouvernement menacé d’une crise majeure

Cet homme discret, expert incontesté, s’est retrouvé la semaine dernière sous le feu des projecteurs, au centre de la polémique qui fait rage depuis des semaines entre le gouvernement britannique et la chaîne publique BBC. Downing Street a en effet accusé David Kelly d’être «la source principale» à l’origine de l’information selon laquelle les services du Premier ministre avaient sciemment «gonflé» le rapport présenté en septembre dernier par Tony Blair dans le but inavoué de convaincre une opinion publique hostile à la guerre. Le scientifique, qui a dû témoigner en début de semaine devant la commission des Affaires étrangères de la Chambre des communes, a démenti être cette source, soulignant notamment qu’il n’avait rencontré qu’à deux reprises le journaliste de la BBC. «A partir de la conversation que nous avons eue et des commentaires que j’ai faits, je ne vois pas comment il pourrait avoir fait les déclarations qu’il a faites», avait-il plaidé.

Lors de sa déposition devant la commission des Affaires étrangères, David Kelly a été soumis à des questions parfois très agressives de la part des membres travaillistes de cette instance chargée d’enquêter sur les conditions d’entrée en guerre de la Grande-Bretagne contre l’Irak. L’expert aurait à cette occasion avoué subir de fortes pression de la part de son actuel employeur, le ministère britannique de la Défense. Richard Ottaway, un membre conservateur de la commission a confirmé vendredi que le scientifique «avait fait allusion au style de pressions qu’il subissait», soulignant que «les gens comme le Dr Kelly ne sont pas habitués à l’exposition qu’il vient de vivre». Un de ces collègues, John Maples, a d’autre part souligné que de nombreux membres de la commission avaient le sentiment que David Kelly était «un bouc émissaire» dans la polémique entre Downing Street et la BBC.

Alors que le gouvernement de Tony Blair est menacé d’une crise politique d’une ampleur exceptionnelle, le ministère de la Défense (MoD) a tenté vendredi de désamorcer la polémique, en affirmant notamment que l’expert n’avait en aucune façon subi de menaces de suspension ou de renvoi après avoir admis s’être entretenu avec le journaliste Andrew Gilligan. Visiblement très embarrassé, le MoD a affirmé avoir l’intention d’ouvrir «une enquête judiciaire indépendante sur les circonstances de la mort de David Kelly».



par Mounia  Daoudi

Article publié le 18/07/2003