Grande-Bretagne
Malaise à Downing Street
Tony Blair a regagné son domicile dimanche soir, cinq heures après un léger malaise cardiaque. Mais à Londres, on s’interroge sur sa capacité à poursuivre sa tâche.
Ce lundi, Tony Blair a allégé son travail et s’est fait représenter à la Chambre des Communes par Jack Straw pour prononcer un discours sur le récent sommet européen de Bruxelles, mais il a maintenu la plupart de ses rendez-vous dans son bureau du 10 Downing Street. Voilà pour le repos de 24 heures prescrit par son médecin. Et dès cette semaine, le Premier ministre britannique envisage de se rendre en Irlande du Nord en compagnie de son collègue irlandais Bertie Ahern pour redonner vie à l’accord du Vendredi Saint, si un compromis était trouvé entre les protagonistes du conflit nord-irlandais pour relancer les institutions autonomes de l’Ulster.
Vingt-quatre heures après le malaise cardiaque qui a frappé le chef du gouvernement britannique, les proches de ce dernier affichent une insouciance qui cadre mal avec la quasi-panique qui les a saisis dimanche après-midi. Les faits, d’abord : ce dimanche, à la mi-journée, Tony Blair a ressenti une violente douleur à la poitrine. Transporté d’urgence à l’hôpital de Hammersmith pour des examens, les médecins l’ont autorisé à regagner son domicile cinq heures plus tard, ayant diagnostiqué une tachycardie pour laquelle il a été traité. Beaucoup de bruit pour rien après une grosse frayeur ? C’est ce que laissent entendre plusieurs cardiologues interrogés par les médias britanniques qui ne voient pas pourquoi Tony Blair renoncer à ses fonctions ou à la pratique du sport, en particulier le tennis dont il est un adepte régulier.
Pourtant, la presse d’outre-Manche semble refuser de se laisser rassurer par de tels propos, d’autant que les communiqués officiels ne sont pas d’une excessive précision sur le résultat des examens subis par le chef du gouvernement. Certes, le malaise de Tony Blair n’était pas un infarctus et un patient normal pourrait tout à fait reprendre une vie habituelle ou presque après un incident de ce genre, moyennant quelques précautions quant à son hygiène de vie. Mais Tony Blair n’est pas un patient normal : il est le Premier ministre de Grande-Bretagne.
La vie d’un chef du gouvernement britannique a toujours été harassante. Mais le rythme que s’impose Tony Blair depuis son arrivée au pouvoir en 1997 semble défier toute comparaison avec ses prédécesseurs. D’ailleurs, aucun d’entre eux n’a occupé la fonction aussi longtemps. La personnalisation du pouvoir est telle que certains le surnomment le «président Blair». Toujours sur la brèche, s’occupant de tous les dossiers dans leur moindre détail, ayant récemment donné une dimension quasi-messianique à sa fonction, Tony Blair ne s’est gère économisé, pas plus qu’il n’a épargné ses collaborateurs qui peinent à suivre son rythme effréné. Ce jeune Premier ministre (le plus jeune qu’ait connu le royaume depuis 1812) a célébré voici quelques mois son cinquantième anniversaire dans la morosité. Il est vrai que 2003 a été pour lui une annus horribilis, pour reprendre la fameuse expression employée par Elisabeth II pour évoquer l’année 1992.
En sursis
Contre la majorité de l’opinion britannique et de son propre parti, il a mené la Grande Bretagne à la guerre en Irak aux côtés de George Bush. La révélation, après la guerre, des mensonges auxquels le gouvernement a recouru pour convaincre les députés d’approuver l’entrée en guerre, le suicide de David Kelly, et l’enquête judiciaire de la commission Hutton qui n’a guère épargné l’entourage de Blair sont d’évidents facteurs de stress. Si l’on y ajoute les vives critiques à l’encontre de sa politique de santé et d’éducation, la mise en cause de son leadership par une minorité de plus en plus importante au sein du parti travailliste, on mesure que les soucis ne manquent pas pour le titulaire d’une charge qui le mobilise en permanence. Il s’apprête à lancer la campagne sur l’euro et la réforme de services publics, ce qui n’est pas une mince tâche. Enfin, la présence à la maison d’enfants en bas-âge, y compris Léo, le nouveau-né apparu dans la famille il y a trois ans alors que celle-ci résidait déjà au 10 Downing Street a dû également réduire son temps de sommeil.
Il est vrai qu’après cette alerte, Tony Blair peut très bien continuer de diriger la Grande-Bretagne, conduire son parti à la victoire pour un troisième mandat et mourir centenaire. Il n’en demeure pas moins que le doute s’est instillé dans l’esprit des Britanniques. Un commandant de bord de British Airways se verrait sans doute retirer sa licence de pilote et offrir un travail au sol afin de ne pas mettre en péril la vie de ses passagers. Tony Blair, pour sa part, pilote la vie de quelque 60 millions de Britanniques. Avant même cet accident de santé, nombreux sont ceux qui, au sein du parti travaillistes comme à l’extérieur de celui-ci, exprimaient le souhait que Tony Blair laisse la place à son ministre des Finances, Gordon Brown, pour mener la prochaine campagne électorale.
Six années durant, Tony Blair a mené la Grande-Bretagne sans montrer de faiblesse, même si les traits du quadragénaire qu’il était se sont creusés et le visage émacié avec l’usure du pouvoir. Six ans sans le moindre ennui de santé significatif. Mais désormais, qu’il le veuille ou non, Tony Blair sera désormais considéré par beaucoup comme un cardiaque en sursis. Il est encore trop tôt pour dire si ce sursis s’étend à la politique. Mais il ne fait guère de doute qu’adversaires et rivaux du Premier ministre y songent désormais sans retenue.
Vingt-quatre heures après le malaise cardiaque qui a frappé le chef du gouvernement britannique, les proches de ce dernier affichent une insouciance qui cadre mal avec la quasi-panique qui les a saisis dimanche après-midi. Les faits, d’abord : ce dimanche, à la mi-journée, Tony Blair a ressenti une violente douleur à la poitrine. Transporté d’urgence à l’hôpital de Hammersmith pour des examens, les médecins l’ont autorisé à regagner son domicile cinq heures plus tard, ayant diagnostiqué une tachycardie pour laquelle il a été traité. Beaucoup de bruit pour rien après une grosse frayeur ? C’est ce que laissent entendre plusieurs cardiologues interrogés par les médias britanniques qui ne voient pas pourquoi Tony Blair renoncer à ses fonctions ou à la pratique du sport, en particulier le tennis dont il est un adepte régulier.
Pourtant, la presse d’outre-Manche semble refuser de se laisser rassurer par de tels propos, d’autant que les communiqués officiels ne sont pas d’une excessive précision sur le résultat des examens subis par le chef du gouvernement. Certes, le malaise de Tony Blair n’était pas un infarctus et un patient normal pourrait tout à fait reprendre une vie habituelle ou presque après un incident de ce genre, moyennant quelques précautions quant à son hygiène de vie. Mais Tony Blair n’est pas un patient normal : il est le Premier ministre de Grande-Bretagne.
La vie d’un chef du gouvernement britannique a toujours été harassante. Mais le rythme que s’impose Tony Blair depuis son arrivée au pouvoir en 1997 semble défier toute comparaison avec ses prédécesseurs. D’ailleurs, aucun d’entre eux n’a occupé la fonction aussi longtemps. La personnalisation du pouvoir est telle que certains le surnomment le «président Blair». Toujours sur la brèche, s’occupant de tous les dossiers dans leur moindre détail, ayant récemment donné une dimension quasi-messianique à sa fonction, Tony Blair ne s’est gère économisé, pas plus qu’il n’a épargné ses collaborateurs qui peinent à suivre son rythme effréné. Ce jeune Premier ministre (le plus jeune qu’ait connu le royaume depuis 1812) a célébré voici quelques mois son cinquantième anniversaire dans la morosité. Il est vrai que 2003 a été pour lui une annus horribilis, pour reprendre la fameuse expression employée par Elisabeth II pour évoquer l’année 1992.
En sursis
Contre la majorité de l’opinion britannique et de son propre parti, il a mené la Grande Bretagne à la guerre en Irak aux côtés de George Bush. La révélation, après la guerre, des mensonges auxquels le gouvernement a recouru pour convaincre les députés d’approuver l’entrée en guerre, le suicide de David Kelly, et l’enquête judiciaire de la commission Hutton qui n’a guère épargné l’entourage de Blair sont d’évidents facteurs de stress. Si l’on y ajoute les vives critiques à l’encontre de sa politique de santé et d’éducation, la mise en cause de son leadership par une minorité de plus en plus importante au sein du parti travailliste, on mesure que les soucis ne manquent pas pour le titulaire d’une charge qui le mobilise en permanence. Il s’apprête à lancer la campagne sur l’euro et la réforme de services publics, ce qui n’est pas une mince tâche. Enfin, la présence à la maison d’enfants en bas-âge, y compris Léo, le nouveau-né apparu dans la famille il y a trois ans alors que celle-ci résidait déjà au 10 Downing Street a dû également réduire son temps de sommeil.
Il est vrai qu’après cette alerte, Tony Blair peut très bien continuer de diriger la Grande-Bretagne, conduire son parti à la victoire pour un troisième mandat et mourir centenaire. Il n’en demeure pas moins que le doute s’est instillé dans l’esprit des Britanniques. Un commandant de bord de British Airways se verrait sans doute retirer sa licence de pilote et offrir un travail au sol afin de ne pas mettre en péril la vie de ses passagers. Tony Blair, pour sa part, pilote la vie de quelque 60 millions de Britanniques. Avant même cet accident de santé, nombreux sont ceux qui, au sein du parti travaillistes comme à l’extérieur de celui-ci, exprimaient le souhait que Tony Blair laisse la place à son ministre des Finances, Gordon Brown, pour mener la prochaine campagne électorale.
Six années durant, Tony Blair a mené la Grande-Bretagne sans montrer de faiblesse, même si les traits du quadragénaire qu’il était se sont creusés et le visage émacié avec l’usure du pouvoir. Six ans sans le moindre ennui de santé significatif. Mais désormais, qu’il le veuille ou non, Tony Blair sera désormais considéré par beaucoup comme un cardiaque en sursis. Il est encore trop tôt pour dire si ce sursis s’étend à la politique. Mais il ne fait guère de doute qu’adversaires et rivaux du Premier ministre y songent désormais sans retenue.
par Olivier Da Lage
Article publié le 20/10/2003