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Grande-Bretagne

Affaire Kelly : Geoffrey Hoon sur la sellette

Pour sa deuxième comparution devant le juge Brian Hutton, chargé de faire la lumière sur les circonstances entourant le suicide du Dr David Kelly, Geoffrey Hoon est apparu plus combatif. Mais si le ministre britannique de la Défense a une nouvelle fois assuré que le gouvernement n’avait rien à se reprocher concernant la mort de ce scientifique, survenue une semaine après que son nom ait été jeté en pâture à la presse, il a pour la première reconnu avoir été informé de la décision prise, selon lui par son entourage, de révéler que cet expert en désarmement était bien la source d’Andrew Gilligan. Ce journaliste de la BBC est l’auteur d’un reportage accusant l’équipe de Tony Blair d’avoir rendu «plus sexy» le rapport sur l’arsenal irakien dans le seul but de convaincre une opinion publique très réticente à l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne. Une violente polémique avait suivi sa diffusion, entraînant la comparution devant une commission des Affaires étrangères du Parlement britannique du Dr Kelly. Le scientifique était retrouvé mort 48 heures après avoir témoigné.
La presse britannique ne donne pas cher de la peau de Geoffrey Hoon et certains éditorialistes ne se gênent plus pour le qualifier de ministre de «l’Autodéfense», tant l’homme est aujourd’hui sur la défensive conscient sans doute que son avenir politique est plus que compromis. Alors qu’il avait pourtant vigoureusement nié, lors de sa première audition le 27 août devant la commission présidé par Lord Hutton, toute responsabilité personnelle dans la publication du nom de David Kelly, il a reconnu lundi, contraint et forcé, avoir été mis au courant de cette décision. Il est vrai que le ministre britannique était soumis à l’interrogatoire particulièrement mordant de l’avocat de la famille Kelly qui accusait «le gouvernement dans son ensemble d’avoir décidé d’une stratégie qui amènerait à laisser filtrer le nom de David Kelly dans l’arène publique».
Le ministre a ainsi dû admettre avoir personnellement approuvé la stratégie consistant à «confirmer» le nom de David Kelly aux journalistes qui auraient deviné son nom. Il a également reconnu avoir lui-même dévoilé le nom du scientifique dans un courrier «personnel» adressé au président de la BBC, Gavyn Davies, tout en assurant que cela ne revenait pas à «rendre public l’identité» de l’expert. D’ailleurs, a-t-il insisté, «toute une série de mesures ont été prises pour protéger l’anonymat de David Kelly». Et de préciser que son identité n’avait été révélée qu’à un petit cercle de personnes et que les documents mentionnant son nom n’avaient été transmis par fax que par le biais de lignes «sécurisées». Mais acculé par l’avocat de la famille Kelly, Geoff Hoon a dû reconnaître qu’un communiqué, élaboré par ses services pour les journalistes à la recherche du nom du scientifique, a pu mettre certains d’entre eux sa piste.

Un journal intime bien embarrassant

Les tentatives du ministre britannique de minimiser son rôle dans la divulgation de l’identité de David Kelly ont été par ailleurs sérieusement mis à mal par la publication de certains extraits du journal personnel d’Alastair Campbell, l’ancien conseiller en communication de Tony Blair. On y découvre ainsi que l’éminence grise du Premier ministre espérait mettre dans l’embarras la BBC en révélant que la source du reportage controversé était bien le scientifique. «GH –comprendre Geoff Hoon– et moi étions d’accord que Gilligan serait baisé si c’était sa source», écrit ainsi Alastair Campbell. Le journaliste avait en effet présenté à l’occasion de l’une des diffusions de son reportage son informateur comme étant «un membre des services de renseignement». «Il n’est ni un espion, ni un employé à plein temps du ministère de la Défense. C’est à double tranchant, mais GH et moi sommes d’accord: nous allons baisé Gilligan», écrit encore Alastair Campbell. En révélant l’identité de David Kelly, les services du 10 Downing Street décrédibilisaient en effet le travail de la BBC et cela d’autant plus que l’expert en désarmement affirmait, selon eux, que le journaliste avait déformé ces propos.

Il semblerait donc, à lire le journal personnel de l’ancien conseiller de Tony Blair, que David Kelly ait bien été la victime de la guerre sans merci que se livraient les services du Premier ministre et la BBC. «GH était presque tout aussi remonté que moi contre la BBC», écrit ainsi Alastair Campbell qui avoue sans détour: «Mon souci était d’obtenir une victoire éclatante contre la BBC car un match nul n’était pas suffisant pour nous». Ces confidences, publiées lundi sur le site de la commission Hutton, risquent donc d’affaiblir considérablement Geoff Hoon. Seul réconfort pour Tony Blair, les écrits de son ancien conseiller le dédouanent partie. «Tout cela rendait TB très nerveux» écrit Alastair Campbell qui rapporte avoir eu de longues discussions avec le Premier ministre qui voulait que David Kelly soit traité avec précaution.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 23/09/2003