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Grande-Bretagne

Affaire Kelly : Tony Blair et son gouvernement disculpés

Ce devait être la semaine de tous les dangers pour Tony Blair. Mais démentant tous les pronostics, le Premier ministre britannique, dont la cote de popularité est au plus bas, a finalement remporté une double victoire sur le plan intérieur. Son projet de loi réformant le financement de l’enseignement supérieur a en effet été voté après plus de six heures de débats à la Chambre des Communes. Mais malgré l’avantage numérique de 161 députés dont dispose son parti, sa réforme n’a bénéficié que d’une très courte majorité de cinq voix. Si cette première victoire avait un goût amer, celle qu’il vient de remporter avec la publication du rapport de Lord Brian Hutton parviendra peut-être à rehausser son image auprès de ses compatriotes. Ce juge indépendant, chargé de déterminer les circonstances de la mort du scientifique David Kelly, a en effet blanchi son gouvernement de toute implication dans le suicide de l’expert britannique.
Après plusieurs mois d’enquête au cours desquels il a auditionné soixante-quatorze témoins, parmi lesquels Tony Blair en personne et ses plus proches collaborateurs mais aussi des responsables du renseignement britannique et des dirigeants de la BBC, Lord Brian Hutton a finalement conclu au suicide de David Kelly. Dans son rapport présenté depuis les Royals Courts of Justice et retransmis par plusieurs télévisions, le juge britannique a ainsi déclaré que le scientifique s’était «suicidé en se coupant son poignet gauche». Sa mort a été, selon lui, accélérée par la prise de comprimés de co-proxamol. «Il n’y avait pas d’implication d’une tierce personne dans la mort du professeur Kelly», a insisté Lord Hutton faisant également valoir que «personne n’avait vu ou n’aurait pu voir que les pressions et les tensions pouvaient le pousser à attenter à sa vie ou contribuer à sa décision de le faire».

Le scientifique était «un homme qu'il n'était pas facile d'aider», a en outre déclaré le magistrat. Soulageant le gouvernement britannique d’un lourd poids, il a également estimé qu’il n’y avait «pas eu de stratégie sournoise» pour que soit divulgué à la presse le nom de David Kelly. L’expert s’était avéré être la source anonyme d’un reportage de la BBC affirmant que le cabinet de Tony Blair avait exagéré la menace des armes de destruction massive irakienne dans le seul but de convaincre une opinion publique réticente à l’entrée en guerre de la Grande-Bretagne. Mais selon Lord Hutton, le ministère britannique de la Défense, pour qui travaillait David Kelly, n’en est pas moins «fautif et doit être critiqué» pour ne pas avoir prévenu David Kelly que son nom allait être confirmé à la presse. Une décision qui a été prise en accord avec le Premier ministre. «Tony Blair et plusieurs membres importants ont été directement impliqués dans les discussions sur les mesures à prendre par le gouvernement» après que le professeur Kelly eu avoué à ses supérieurs avoir parlé à un journaliste de la BBC, a en effet affirmé le magistrat. Tempérant toutefois sa critique, il a également estimé que «l'exposition de David Kelly à l'attention de la presse n'est pas le seul facteur qui l’a placé dans une situation de grand stress».

La BBC très sévèrement épinglée

La BBC, par qui le scandale est arrivé, n’est en revanche pas épargnée par le juge Hutton qui l’accuse d’avoir été «fautive» dans l’affaire Kelly. Le magistrat a en effet estimé que l’accusation relayée par la chaîne publique selon laquelle le gouvernement avait sciemment exagéré la menace de l’arsenal irakien était «très grave» dans la mesure où elle «mettait en cause l’intégrité du gouvernement et des services de renseignement». La jugeant «infondée», il ainsi critiqué la direction de la chaîne pour n’avoir pas mené «une enquête plus approfondie» avant la diffusion de ces informations. Plus sévère encore, le magistrat a qualifié de «déficiente» l’organisation éditoriale de la BBC qui a permis à un journaliste de diffuser des informations «graves» sans un contrôle au préalable par sa hiérarchie.

La publication du rapport Hutton constitue donc un motif de réel soulagement pour Tony Blair, dont la popularité est en chute libre. Réagissant devant les Communes à cette publication, le Premier ministre a ainsi mis en demeure ceux qui l'accusaient de mensonge de retirer leur allégation. «Je demande simplement à ceux qui en sont à l'origine et à ceux qui l'ont répétée durant les derniers mois de la retirer à présent, pleinement, ouvertement et clairement», a-t-il lancé. Mais cette victoire de Tony Blair, qui fait suite au vote in extremis par la Chambre des Communes de sa réforme de l’enseignement supérieur, ne met pas pour autant fin aux difficultés auxquels il doit faire face. Rejeté par la base du parti travailliste, il a récemment vu son autorité sérieusement mise à mal et sa popularité chuter à des niveaux inquiétants. «Il a remporté une bataille, mais la guerre n'est pas finie», a ainsi commenté un de ses détracteurs.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 28/01/2004