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Royaume-Uni

Tony Blair accablé

Malgré la cinglante défaite du «Labour», le maire travailliste de Londres est réélu. Il s'était distingué au sein de son parti par sa campagne anti-guerre. 

		(Photo: AFP)
Malgré la cinglante défaite du «Labour», le maire travailliste de Londres est réélu. Il s'était distingué au sein de son parti par sa campagne anti-guerre.
(Photo: AFP)
Le Parti Travailliste vient de subir une défaite cinglante lors des élections locales qui se sont tenues jeudi, simultanément au scrutin européen. L’alliance avec les Etats-Unis dans la guerre en Irak a lourdement pesé sur le scrutin. Les contestataires au sein du Parti attribuent l’entière responsabilité de la défaite des Travaillistes à M. Blair.

Les résultats des élections locales partielles qui se sont tenues jeudi constituent un très sérieux revers pour le Parti travailliste du Premier ministre Tony Blair. Sur un total de 6 084 sièges de « conseillers locaux » à pourvoir, dans 165 circonscriptions (sur 166), les travaillistes accusent une perte de 477 sièges. Le Parti conservateur en gagne 281, les libéraux démocrates 134 et l’extrême droite du British National Party en obtient 4 de plus. Selon ces résultats quasi définitifs, le Labour perd des villes importantes comme Oxford, Swansea, Cardiff, Newcastle, un bastion travailliste depuis 40 ans, et Leeds qu’il détenait depuis 24 ans.

40% des 44 millions d’électeurs ont participé au scrutin de jeudi. Avec 26% des suffrages exprimés, le Parti travailliste recule pour la première fois à la troisième place dans le palmarès des formations britanniques. Les Conservateurs s’affichent comme le premier parti du pays, suivi par les Libéraux Démocrates. Au sein de l’échiquier politique britannique, ces derniers se sont illustrés au cours de ces derniers mois par une vive campagne contre la participation de Londres à la guerre en Irak. Il est à noter que le turbulent maire travailliste de la capitale Ken Livingstone, surnommé « Ken le rouge » qui avait fait campagne contre l’implication de son pays, a été réélu. Artisan du mouvement refondateur « New Labour », au sein du Parti Travailliste, il s’est présenté contre l’avis de Tony Blair qui avait prédit qu’il serait « un désastre pour Londres » !

Eclabousser les ambitions européennes du Labour

Jeudi, en même qu’ils infligeaient cette cinglante défaite sur le plan local à Tony Blair, les Britanniques votaient simultanément pour leurs députés européens. Le résultat de cette consultation ne seront rendus publics que dimanche soir, en même temps que les résultats dans les autres capitales. Mais, en toute logique, ce désaveu local devrait éclabousser les ambitions européennes du Labour.

C’est à Washington, où il assistait aux obsèques de l’ancien président américain Ronald Reagan, que le Premier ministre britannique a appris l’ampleur de la défaite de son parti. Après les mois difficiles qu’il vient d’endurer, M. Blair n’a pas cherché à dissimuler l’ampleur de la sanction. Avant de s’envoler pour Londres, il s’est déclaré « désolé pour les conseillers municipaux qui ont perdu leur siège ».

Ecarter Tony Blair de la tête du parti

Cet échec s’inscrit dans un calendrier politique national qui se resserre dangereusement pour les travaillistes qui affronteront dans moins d’un an des élections législatives. Tony Blair a tenu à dissocier les scrutins en affirmant que « le fait que le gouvernement perde les élections locales ne peut guère donner d’indications sur les élections législatives ». Néanmoins, cette nouvelle épreuve fragilise le leadership d’un parti au pouvoir qui, depuis le début de la crise irakienne, multiplie les signes de rébellion interne.

Après la démission tonitruante et les propos sans concession de l’ancien secrétaire au Foreign Office Robin Cook, pour protester contre la guerre, l’ancienne secrétaire au Développement international Clare Short a appelé à écarter Tony Blair de la tête du parti. Mme Short a estimé que les électeurs avait puni le Premier ministre en raison de l’incapacité du Labour à le faire. « La seule façon de corriger les choses est qu’il s’efface de la direction (du parti) », a déclaré Clare Short. Indépendamment des manifestations toujours plausibles d’ambitions personnelles, surtout à quelques mois des élections, ces déclarations indiquent clairement que c’est désormais la personne même du Premier ministre et sa capacité à incarner le Parti travailliste qui sont attaquées.

Aznar, Blair… Berlusconi ?

L’argument de la conduite de la politique étrangère britannique, alliée de Washington, est avancé de toutes parts pour expliquer l’ampleur de la défaite. Pourtant Tony Blair n’en démord pas : « nous allons faire de l’Irak un pays meilleur et différent », a-t-il déclaré. Selon lui le poids du dossier va s’alléger au fur et  mesure que des progrès seront enregistrés sous l’impulsion du nouveau plan approuvé mardi à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU.

Après la défaite de Jose Maria Aznar en Espagne, au mois de mars, ce désaveu de Tony Blair laisse présager un réveil difficile, lundi matin au lendemain des élections européennes, pour les partis de gouvernement sortant, et plus précisément pour ceux qui ont choisi d’engager leur pays aux côtés des forces américaines en Irak. A la veille de l’échéance, les regards se tournent vers Rome.

Si la tendance se confirme, elle marquera le signe que la conduite des affaires étrangère d’un pays européen ne peut plus faire l’économie d’une adhésion de son opinion publique.



par Georges  Abou

Article publié le 12/06/2004 Dernière mise à jour le 12/06/2004 à 16:32 TU