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Exactions en Irak

Londres s’embourbe dans la crise

Geoff Hoon à sa sortie de la Chambre des Communes. 

		(Photo AFP)
Geoff Hoon à sa sortie de la Chambre des Communes.
(Photo AFP)
Dans le sillage du scandale qui éclabousse l’armée américaine depuis maintenant deux semaines, chaque jour qui passe en Grande Bretagne apporte désormais son lot d’allégations de sévices perpétrés par certains membres de l’armée de Sa Majesté sur des prisonniers irakiens, impliquant un peu plus l’établissement militaire et le gouvernement de Tony Blair.

De notre correspondante à Londres

Après dix jours ininterrompus d’une campagne acharnée menée par le tabloïd de gauche et anti-guerre Daily Mirror, qui a entrainé à sa suite l’ensemble de la presse britannique, le ministre de la défense Geoff Hoon a même dû se rendre devant la Chambre des Communes ce lundi, sommé par les députés de s’expliquer une fois pour toutes sur ces accusations. Geoff Hoon a ainsi tenté de convaincre des parlementaires plus que sceptiques que le gouvernement faisait ce qu’il fallait pour mettre un terme aux violences infligées à des détenus irakiens. Faisant notamment référence à un rapport confidentiel remis par le Comité international de la Croix-Rouge dès le mois de février dernier au ministère de la défense, Geoff Hoon a assuré que des poursuites étaient d’ailleurs sur le point d’être engagées contre deux soldats coupables de mauvais traitements.

Mais dans le même temps le ministre a admis qu’il n’avait pas vu ce rapport et a justifié le fait que le gouvernement, y compris le Premier ministre lui-même, n’avaient pas été tenus au courant de ce document, en expliquant qu’à l’époque l’armée avait déjà ouvert plusieurs enquêtes et n’avait donc pas jugé nécessaire d’alerter le gouvernement sur des événements qui n’étaient déjà plus d’actualité... Revenant par ailleurs sur les allégations du Daily Mirror, Geoff Hoon a sérieusement mis en doute l’authenticité des photos publiées par le tabloïd, qui montraient un ou plusieurs militaires britanniques du Régiment royal Lancashire brutalisant un détenu irakien.

Selon la police militaire il y a «de fortes indications» que le camion figurant sur l’un des clichés n’a pas été déployé durant la campagne en Irak. Quoi qu’il en soit, les déclarations laconiques du ministre de la Défense n’auront en tout cas pas suffi à calmer les détracteurs de Tony Blair qui dénoncent une gestion plus que brouillonne de toute l’affaire. «Mais enfin, qui dirige le MoD (Ministère de la Défense) ?» s’est ainsi indigné le responsable des questions de défense au parti conservateur. «Etes-vous vraiment sérieux lorsque vous dites à la Chambre que ni vous ni les secrétaires d'État à la Défense n'étaient au courant du rapport de la Croix-Rouge jusqu'à très récemment parce qu'il a été 'remis au gouvernement britannique de façon confidentielle' ?», a encore demandé Nicholas Soames, avant d’accuser le gouvernement travailliste d’avoir «perdu le contrôle» de sa politique irakienne et les ministres d’avoir agi de façon «inacceptable», faisant preuve de «complaisance» et de «négligence» en ne se tenant pas informés des inquiétudes de la Croix-Rouge.

Tony Blair plus embourbé que jamais

Et la tempête est loin de s’apaiser, car si Geoff Hoon croyait avoir malgré tout réussi à tirer un trait sur ce scandale, c’était sans compter sur un autre rapport, encore plus infamant, rendu public ce mardi par Amnesty International. L’organisation de défense des droits de l’Homme affirme en effet que des soldats britanniques ont cette fois tué des civils irakiens qui ne présentaient pourtant aucune menace, dont une fillette de 8 ans et dans nombre de cas l’armée de Sa Majesté n’a même pas pris la peine d’ouvrir une enquête.

Amnesty affirme que les forces britanniques seraient ainsi impliquées dans la mort de 37 civils en Irak depuis le 1er mai 2003, date officielle de la fin de la guerre. Amnesty International dénonce également «les dizaines, voire centaines de civils exécutés pour des raisons politiques par des groupes armés dans le sud de l'Irak depuis le début de l'occupation, et cela souvent au grand jour», sans que l’armée britannique n’agisse. De nouvelles accusations extrêmement dommageables pour la sécurité et la réputation des troupes en Irak venues justement pour libérer les Irakiens du joug de Saddam Hussein et qui agissent finalement de la même manière.

Mais des allégations aussi dommageables pour le Premier ministre Tony Blair, plus embourbé que jamais dans la crise irakienne et qui pourrait à son grand dam voir des élections municipales et européennes le 10 juin prochain se transformer en véritable référendum sur le bilan de la guerre en Irak.



par Muriel  Delcroix

Article publié le 11/05/2004 Dernière mise à jour le 11/05/2004 à 09:11 TU