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Armes de destruction massive

L’implacable réquisitoire de Hans Blix

Hans Blix présente son rapport devant le Conseil de sécurité début 2003. 

		(Photo AFP)
Hans Blix présente son rapport devant le Conseil de sécurité début 2003.
(Photo AFP)
L’ancien chef des inspecteurs en désarmement de l’Onu est persuadé que l’année écoulée a donné raison à son équipe. Si on leur avait accordé davantage de temps, on aurait pu parvenir à désarmer l’Irak et contenir Saddam Hussein sans le chaos et les drames provoqués par la guerre déclenchée par George Bush.

Parce qu’il a le verbe mesuré, son implacable réquisitoire fait mouche. La guerre, déclenchée voici un an par George Bush et Tony Blair au nom des armes de destruction massive (ADM) qu’était censé détenir Saddam Hussein n’était pas justifiée. Pourtant, l’ancien chef des inspecteurs en armement de l’Onu, venu présenter à Paris son livre Irak, les armes introuvables, ne veut pas croire que le président américain et le Premier ministre britannique ont délibérément menti. Pour le diplomate suédois qui se défend d’avoir écrit un J’accuse!, ils étaient tellement persuadés de leur cause que l’esprit critique dont devraient faire preuve les responsables politiques leur a fait défaut. On ne saurait être plus féroce.

Toutefois, ajoute Hans Blix, il serait injuste de les juger avec la connaissance que nous avons aujourd’hui pour les décisions prises un an plus tard. Le diplomate suédois reconnaît lui-même que jusqu’au mois de mai 2003, il pensait que l’Irak pouvait cacher des ADM. Méticuleusement, avec le soin qu’il apportait naguère à la présentation de ses rapports au Conseil de sécurité, il égrène la chronologie qui va le faire changer d’avis.

La «faiblesse» des renseignements américains

«Les Irakiens avaient eu des armes de destruction massive, ils les avaient utilisées, ils avaient délibérément menti au Conseil de sécurité à de nombreuses reprises, rappelle Blix. La plupart des gens, moi y compris, pensaient qu’ils en avaient toujours». Mais le juriste international qu’a été Blix dans une carrière antérieure reste prudent. Il veut des preuves. Or, les renseignements communiqués par les services secrets américains et britanniques sont «faibles». Il y a d’abord eu l’affaire des tubes d’aluminium, puis le prétendu contrat de livraison par le Niger d’uranium (yellow cake). «Un faux grossier», rappelle Blix qui s’étonne de le voir mentionné en janvier 2003 par le président Bush dans son message sur l’état de l’Union, d’autant qu’il y a loin de la possession de yellow cake à la fabrication d’une bombe atomique. Mais c’est en janvier 2003 que les doutes s’installent. À cette date, sous la pression, l’Irak a permis aux inspecteurs d’accéder à des sites indiqués par les renseignements américains comme des emplacements où l’on fabrique ou stocke des ADM. Les inspecteurs ne trouvent rien, les renseignements ne sont donc pas si bons que cela. Mais c’est en mai, après la guerre, que Blix a véritablement changé d’avis: l’interrogatoire des scientifiques irakiens par les Américains n’a rien donné. Or, à cette date, ils ne redoutaient plus, pour la plupart, les pressions que pouvait auparavant exercer le régime de Saddam Hussein.

Au total, estime l’ancien chef des inspecteurs de l’Onu, les renseignements obtenus par son équipe étaient plus proches de la vérité que ceux des services occidentaux, intoxiqués par des exilés irakiens. Que se serait-il passé si Bush n’était pas passé outre l’opposition du Conseil de sécurité à cette guerre au printemps 2003 ? Hans Blix, qui se défend d’être un pacifiste, répond que ses inspecteurs auraient pu vérifier tous les sites dont les Américains disaient être sûrs qu’ils abritaient des ADM. Les services américains auraient fini par partager les doutes et les réserves des inspecteurs et les dirigeants américains auraient dû se résoudre à reconnaître l’évidence. Les inspecteurs auraient pu interroger davantage de scientifiques irakiens comme l’ont fait les Américains après la guerre, en s’épargnant les malheurs de celle-ci. Et si, malgré tout, Saddam Hussein s’était obstiné à refuser l’accès des sites aux inspecteurs de l’Onu ? Hans Blix, en ce cas, se déclare persuadé que le Conseil de sécurité, France et Allemagne compris, aurait fini par adopter à l’unanimité le recours à la force, ce qui aurait donné une légitimité incontestable à l’action militaire. Cette absence de légitimité a coûté très cher aux Etats-Unis.

Hans Blix, qui estime très vraisemblable que son téléphone ait été mis sur écoute par les Américains et les Britanniques, tout comme son patron Kofi Annan, dit qu’il a eu une réaction en deux temps: «dans un premier mouvement, j’ai trouvé cela très désagréable. Mais dans un deuxième temps, je me suis dit que si c’était vrai, ils auraient dû mieux m’écouter!».

par Olivier  Da Lage

Article publié le 08/04/2004 Dernière mise à jour le 08/04/2004 à 14:55 TU