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Irak

La chasse aux armes prohibées a commencé

Mais où sont donc passées les armes de destruction massive qu’auraient détenu le régime de Saddam Hussein et qui ont fourni la raison officielle de la nouvelle guerre contre l’Irak ? Comment expliquer l’impossibilité, à ce jour, pour l’armée américaine de trouver ne serait-ce que quelque fut contenant des armes bactériologiques ou biologiques ? Ces questions sans réponse commencent à gêner l’administration de Bush junior qui a décidé d’acheminer une équipe forte de mille gommes, pour les rechercher par tous les moyens. Sans passer par l’ONU et ses fameux inspecteurs.
«Ce n’est pas une chasse au trésor… mais nous trouverons des gens qui nous aideront à trouver» ces armes. Pour le tout-puissant secrétaire d’Etat à la Défense Donald Rumsfeld, la question est des plus brûlantes, car elle commence à provoquer des critiques ouvertes, notamment au sein de la CIA. «Cela va être très gênant quand on verra qu’il n’y a rien à déclarer», a dit Eugene Betit, un ancien de la centrale de renseignement. «J’espère qu’ils seront assez gênés pour demander l’intervention d’un groupe indépendant. Qui d’autre que l’Onu ?» a ajouté un autre ancien espion, Ray Close. Et un troisième de préciser que «certains collègues (de la CIA) sont pratiquement sûrs qu’on trouvera des armes de destruction massive, mais il faudra peut-être qu’on les y mette !… Je suis à peu près sûr qu’on en trouvera quelques-unes, mais absolument pas dans les quantités qui puissent faire croire le moins du monde qu’elles représentaient une menace pour les Etats-Unis ou qui que ce soit d’autre».

Toutes ces critiques émanent d’un groupe d’ancien membres de la CIA, du Département d’Etat ou du Pentagone qui s’était déjà fait connaître avant le début de la guerre, en critiquant ouvertement la présentation des «preuves» américaines contre Bagdad par Colin Powell, à l’ONU le 5 février. Et c’est aussi pour contrer toute critique que le Pentagone a d’ores et déjà commencé à acheminer une équipe de 1 000 hommes pour rechercher, un peu partout, des armes de destruction massive. Selon CNN, ce groupe sera dirigé par un général et constitué de militaires, de scientifiques civils et de contractuels du secteur privé, qui tous travailleront sur la base d’informations des services de renseignement. Donc de la CIA.

Hans Blix est prêt à repartir pour Bagdad

Donald Rumsfeld a reconnu d’avance la difficulté de la tâche confiée à ces «inspecteurs made in USA», en reconnaissant jeudi que son gouvernement risquait d’être accusé de «manipulation» en cas de découverte d’armes de destruction massive; et il ajouté que ces équipes seront accompagnées, dans leurs recherches, «par des gens entraînés dans les chaînes de contrôle». Selon CNN, la décision du Pentagone d’envoyer d’autres «chercheurs» sur place montre bien que l’armée américaine n’est pas en mesure de trouver, seule, ces armes et même qu’elle devra offrir de récompenses aux Irakiens, pour obtenir quelque renseignement sur les sites à fouiller. Bien entendu, sans faire appel aux inspecteurs de l’ONU qui, entre temps, s’est fait un malin plaisir de rappeler, par la voix de l’ineffable Hans Blix, qu’elle est prête à donner une certaine «crédibilité» à la démarche américaine.

Le chef de la Commission de contrôle de l’ONU a en effet dit: «Je crois que le monde aimerait avoir des informations crédibles sur l’absence ou l’éradication du programme d’armes de destruction massive (en Irak) et qu’à un certain stade les Etats-Unis et la Grande-Bretagne aimeraient voir leurs trouvailles vérifiées de façon crédible au niveau international». Et Blix de préciser qu’il «faudrait environ deux semaines avant de pouvoir ramener les inspecteurs (de l’ONU) à Bagdad». Ce que ne souhaite vraiment pas Washington, car, dit-il officiellement, «en ce moment les forces américaines et de la coalition mènent toujours des opérations militaires».

Question: pour combien de temps le bras de fer en cours entre le gouvernement américain et les Nations unies sur cette question épineuse mais centrale va-t-il durer ? La semaine qui s’ouvre s’annonce cruciale, notamment pour le Conseil de sécurité, appelé à se réunir mardi prochain pour entendre à huis clos d’abord Hans Blix et ensuite le directeur supervisant le programme «pétrole contre nourriture»; alors que le rôle exact de l’ONU dans l’après-guerre en Irak n’a pas encore été clarifié et qu’il oppose toujours l’Europe aux Etats-Unis. D’après un diplomate en poste à New York, une majorité au Conseil de sécurité veut que les Nations unies jouent un rôle essentiel, mais la coalition américano-britannique s’y oppose, tout en essayent d’obtenir que le Conseil entérine son intervention militaire et lui donne une sorte de légitimité a posteriori. Ce que le Conseil de sécurité semble refuser.

Cette confrontation porte aussi sur la demande américaine de levée des sanctions frappant l’Irak depuis la première guerre du Golfe. Mais, s’agissant de sanctions imposées par le Conseil de sécurité, elles ne peuvent être levées que par la même instance internationale, ce qui revient à réintroduire l’ONU au centre de l’après-Saddam. Et le Conseil de sécurité aura sans doute besoin de faire certifier -au préalable- que Bagdad ne dispose plus d’armes de destruction massive, une tâche qui ne peut être confiée aux Américains, mais bel et bien aux inspecteurs de l’ONU. Autant dire que les navettes Washington-New York vont sans doute s’intensifier, la semaine prochaine.



par Elio  Comarin

Article publié le 18/04/2003