Irak
Bush veut une levée des sanctions
La bataille s’annonce rude pour les semaines à venir au Conseil de sécurité des Nations unies. La Maison Blanche a en effet la ferme intention d’obtenir rapidement une levée des sanctions contre l’Irak afin de permettre notamment la vente sur le marché mondial du pétrole irakien dont la gestion est jusqu’à présent entre les mains des Nations unies. Mais pour que cette levée soit possible il faut d’abord qu’une nouvelle résolution du Conseil de sécurité soit votée. Or Paris et Moscou ont bien l’intention de s’opposer à ce que Washington gère directement les intérêts pétroliers irakiens. D’autant que les sanctions prises contre le régime de Bagdad étaient directement liées au problème des armes de destruction massive dont jusqu’à présent l’administration américaine a du mal à prouver l’existence.
Après avoir demandé il y a une dizaine de jours aux Nations unies de relancer le programme «pétrole contre nourriture», interrompu dès le début de l’offensive militaire contre le régime de Saddam Hussein, le président Bush a appelé mercredi à la levée pure et simple de toutes les sanctions contre l’Irak. «Maintenant que l’Irak a été libéré, les Nations unies devraient lever leurs sanctions contre ce pays», a-t-il ainsi déclaré lors d’un discours qui devait principalement être consacré à l’économie américaine. La nouvelle a surpris de nombreux diplomates à l’ONU surtout lorsqu’un des porte-parole de la Maison Blanche a affirmé que les Etats-Unis allaient «dans un avenir très proche» soumettre une nouvelle résolution dans ce sens à un vote du Conseil de sécurité des Nations unies. Les sanctions qui frappent l’Irak depuis douze ans et dont Washington a été le plus fervent avocat depuis l’invasion du Koweït en 1990 par les forces de Saddam Hussein ne peuvent en effet être levées dans la pratique que par un accord au sein du Conseil de sécurité. Un conseil qui était à l’origine déjà profondément divisé sur l’opportunité ou non d’une guerre contre l’Irak.
Dans l’esprit des Américains, cette levée des sanctions permettrait de libéraliser la production pétrolière irakien, encore soumise à la résolution «pétrole contre nourriture», et par la même occasion de financer la reconstruction du pays pour laquelle ils ont clairement indiquée que les forces de la coalition devaient jouer le rôle central, l’ONU n’ayant pour sa part qu’un «rôle vital», comprendre humanitaire. Depuis 1996, en effet, l’Irak n’avait le droit d’exporter qu’une certaine quantité de son pétrole dont la vente était destinée à l’achat de produits de première nécessité pour les populations civiles. La supervision de cette vente était dévolue aux Nations unies et aujourd’hui les Américains affirment clairement vouloir en prendre le contrôle. En appelant à la levée des sanctions contre l’Irak, le président Bush qui a déjà écarté les Nations unies de la reconstruction du pays veut également écarter l’organisation internationale de la gestion du pétrole irakien. Dans ses projets pour l’après-Saddam, la Maison Blanche n’a d’ailleurs jamais caché son intention de mettre en place à Bagdad une «autorité pétrolière» dirigée par des Américains et des Irakiens et qui aurait notamment en charge l’attribution des contrats d’exploitation.
Tensions en perspective au Conseil de sécurité
La levée des sanctions contre l’Irak pose toute une série de problèmes techniques et juridiques qui vont certainement avoir un écho retentissant lors des prochains débats au sein du Conseil de sécurité. Il y a tout d’abord le fait que jusqu’à présent aucune autorité représentative n’a été mise en place à Bagdad pour gérer la transition politique de la chute du régime de Saddam Hussein et a fortiori pour gérer le pétrole qui selon les propres termes des Américains et des Britanniques «appartient aux Irakiens». On voit donc mal, dans ce contexte, les membres du Conseil de sécurité, qui étaient largement opposés à une guerre en Irak, accepter de lever ces sanctions et mettre entre les mains de Washington la manne pétrolière irakienne. Des pays comme la France ou la Russie, ouvertement écartés de la reconstruction de l’Irak par la Maison Blanche, ont déjà fait savoir qu’ils s’opposeraient à ce que Washington gère directement les intérêts pétroliers irakiens. Paris a même souhaité que le programme «pétrole contre nourriture» soit prolongé de plusieurs mois en attendant que la situation en Irak soit «sécurisée». Et le ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, a insisté jeudi sur le fait que la levée des sanctions contre l'Irak ne pouvait en aucun cas «être automatique», laissant présager des débats houleux au Conseil de sécurité.
Mais outre ces deux pays, nombreux sont également ceux qui défendent un rôle central des Nations unies dans la gestion de l’après-Saddam. S’ils acceptaient une levée des sanctions contre Bagdad, ils perdraient par la même occasion le pouvoir d’influer sur le cours des événements en Irak. Ces pays mettent d’ailleurs en avant le problème posé par les armes de destruction massive que le régime irakien était sensé détenir. Les sanctions imposées au régime de Bagdad l’ont été justement dans le but d’empêcher leur prolifération. Or aujourd’hui l’existence de ses armes prohibées, qui a justifié aux yeux des forces de la coalition la guerre en Irak, est loin d’être prouvée. La majorité des membres du Conseil de sécurité réclament donc aujourd’hui le retour des inspecteurs, arguant notamment que leur mission n’est pas finie et que c’est sur la seule foi de leur rapport que les sanctions contre l’Irak seront levées.
Au delà de ces problèmes sur lesquels le Conseil de sécurité aura à se pencher dans les semaines qui viennent, la levée des sanctions contre l’Irak pose un autre problème de taille, celui de la légitimation a posteriori du conflit. En acceptant de mettre entre les mains de la coalition la gestion de l’après-Saddam, les Nations unies ne vont-elles pas en effet donner du même coup leur bénédiction à une guerre qui s’est faite en dehors de la légalité internationale ?
Dans l’esprit des Américains, cette levée des sanctions permettrait de libéraliser la production pétrolière irakien, encore soumise à la résolution «pétrole contre nourriture», et par la même occasion de financer la reconstruction du pays pour laquelle ils ont clairement indiquée que les forces de la coalition devaient jouer le rôle central, l’ONU n’ayant pour sa part qu’un «rôle vital», comprendre humanitaire. Depuis 1996, en effet, l’Irak n’avait le droit d’exporter qu’une certaine quantité de son pétrole dont la vente était destinée à l’achat de produits de première nécessité pour les populations civiles. La supervision de cette vente était dévolue aux Nations unies et aujourd’hui les Américains affirment clairement vouloir en prendre le contrôle. En appelant à la levée des sanctions contre l’Irak, le président Bush qui a déjà écarté les Nations unies de la reconstruction du pays veut également écarter l’organisation internationale de la gestion du pétrole irakien. Dans ses projets pour l’après-Saddam, la Maison Blanche n’a d’ailleurs jamais caché son intention de mettre en place à Bagdad une «autorité pétrolière» dirigée par des Américains et des Irakiens et qui aurait notamment en charge l’attribution des contrats d’exploitation.
Tensions en perspective au Conseil de sécurité
La levée des sanctions contre l’Irak pose toute une série de problèmes techniques et juridiques qui vont certainement avoir un écho retentissant lors des prochains débats au sein du Conseil de sécurité. Il y a tout d’abord le fait que jusqu’à présent aucune autorité représentative n’a été mise en place à Bagdad pour gérer la transition politique de la chute du régime de Saddam Hussein et a fortiori pour gérer le pétrole qui selon les propres termes des Américains et des Britanniques «appartient aux Irakiens». On voit donc mal, dans ce contexte, les membres du Conseil de sécurité, qui étaient largement opposés à une guerre en Irak, accepter de lever ces sanctions et mettre entre les mains de Washington la manne pétrolière irakienne. Des pays comme la France ou la Russie, ouvertement écartés de la reconstruction de l’Irak par la Maison Blanche, ont déjà fait savoir qu’ils s’opposeraient à ce que Washington gère directement les intérêts pétroliers irakiens. Paris a même souhaité que le programme «pétrole contre nourriture» soit prolongé de plusieurs mois en attendant que la situation en Irak soit «sécurisée». Et le ministre russe des Affaires étrangères, Igor Ivanov, a insisté jeudi sur le fait que la levée des sanctions contre l'Irak ne pouvait en aucun cas «être automatique», laissant présager des débats houleux au Conseil de sécurité.
Mais outre ces deux pays, nombreux sont également ceux qui défendent un rôle central des Nations unies dans la gestion de l’après-Saddam. S’ils acceptaient une levée des sanctions contre Bagdad, ils perdraient par la même occasion le pouvoir d’influer sur le cours des événements en Irak. Ces pays mettent d’ailleurs en avant le problème posé par les armes de destruction massive que le régime irakien était sensé détenir. Les sanctions imposées au régime de Bagdad l’ont été justement dans le but d’empêcher leur prolifération. Or aujourd’hui l’existence de ses armes prohibées, qui a justifié aux yeux des forces de la coalition la guerre en Irak, est loin d’être prouvée. La majorité des membres du Conseil de sécurité réclament donc aujourd’hui le retour des inspecteurs, arguant notamment que leur mission n’est pas finie et que c’est sur la seule foi de leur rapport que les sanctions contre l’Irak seront levées.
Au delà de ces problèmes sur lesquels le Conseil de sécurité aura à se pencher dans les semaines qui viennent, la levée des sanctions contre l’Irak pose un autre problème de taille, celui de la légitimation a posteriori du conflit. En acceptant de mettre entre les mains de la coalition la gestion de l’après-Saddam, les Nations unies ne vont-elles pas en effet donner du même coup leur bénédiction à une guerre qui s’est faite en dehors de la légalité internationale ?
par Mounia Daoudi
Article publié le 17/04/2003