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Irak

Après Saddam, Assad ?

Les Etats-Unis ont réitéré ce week-end leurs mises en garde à la Syrie, en l’accusant non seulement de faciliter la fuite des dirigeants irakiens mais aussi de posséder des armes chimiques.
Alors que le sort de Saddam Hussein n’est toujours pas clairement établi, c’est une fois de plus Donald Rumsfeld, le secrétaire américain à la Défense, qui a ouvert le feu contre le président syrien Bachar Assad. Dimanche matin il a affirmé que des Syriens combattaient contre les troupes américaines en Irak et accusé une nouvelle fois Damas d’abriter des hauts responsables irakiens en fuite : «Nous voyons des bus remplis de gens venant de Syrie entrant dans ce pays», et «plusieurs ont été tués dans les combats» dans la nuit de samedi à dimanche.

Interrogé sur l’éventualité que le dictateur irakien Saddam Hussein ait trouvé refuge en Syrie, Rumsfeld a ajouté : «alors là, je dirais que la Syrie a fait une erreur encore plus grosse». La veille il avait déjà mis en garde les responsables syriens, dans des termes de plus en plus menaçants : «Nous espérons vraiment que la Syrie ne deviendra pas un havre pour les criminels de guerre et les terroristes».

Ces accusations ont été aussitôt démenties par l’ambassade syrienne aux Etats-Unis, qui a dénoncé «une campagne de fausses informations et de désinformation sur la Syrie qui a commencé avant même le début de la guerre» (en Irak). Selon Damas aucun dirigeant irakien en fuite n’est réfugié en Syrie, et ce d’autant plus que les forces américaines «ont sécurisé les frontières occidentales de l’Irak et contrôlent la situation». Mais, les Etats-Unis, par la voix cette fois-ci du président Bush, ont aussitôt relancé l’offensive anti-syrienne en déclarant qu’il croyait «qu’il y a des armes chimiques en Syrie» ; alors que cette accusation - qui avait été mise en avant par Washington pour justifier sa guerre contre Saddam Hussein - n’a toujours pas été confirmée en ce qui concerne l’Irak.

Bush : «une chose après l’autre»

Cette accusation n’est pas nouvelle. Déjà en mai 2002, lors d’un discours à la Heritage Foundation (une association très conservatrice), le sous-secrétaire d’Etat John Bolton avait affirmé que Damas disposait d’un «stock de gaz neurotoxique sarin» et s’était engagé «dans la recherche-développement de l’agent neurotoxique VX, plus dangereux et plus puissant».

Dimanche soir, c’est au tour de Tommy Franks, le général qui dirige le commandement central des forces américaines (Centcom), d’affirmer : «Des mercenaires venant de Syrie et d’autres pays ont été localisés en Irak. Nous savons qu’il y a des étrangers en Irak qui ont décidé de combattre jusqu’à leur dernier souffle. Nous avons trouvé et identifié les combattants de ces pays. Ils sont venus comme mercenaires et ont été payés par les Irakiens. Ils sont arrivés ces derniers mois en Irak pour mener des opérations-suicide ou entrer dans de petites sections de combat».

Ces informations, en réalité, ne sont guère nouvelles. Les responsables irakiens avaient eux mêmes fait état, dès le début de la guerre, de la présence de milliers de combattants arabes originaires de différents pays, parfois prêts à perpétrer des opérations-suicide.

Toutes ces prises de positions semblent indiquer que Washington a choisi sa prochaine cible, même si le président Bush a précisé que «chaque situation nécessite une réponse différente», avant d’ajouter : «une chose après l’autre». Vendredi dernier, George W. Bush avait demandé aux dirigeants syriens de «faire tout leur possible» pour fermer leur frontière avec l’Irak aux fidèles de Saddam Hussein et de livrer ceux qui s’étaient déjà réfugiés en Syrie, en précisant : «Nous attendons une totale coopération». Dimanche Bush a réitéré les mêmes demandes mais d’un ton bien plus ferme : «Le gouvernement syrien doit coopérer avec les Etats-Unis et nos partenaires de la coalition. Il ne doit pas donner abri aux baassistes et responsables militaires (irakiens), qui devront rendre des comptes pour leurs actes». Et il n’est sans doute pas sans importance que le président Bush déclare désormais qu’il «croit qu’il a des armes chimiques en Syrie».

Répondant à cette dernière accusation à peine voilée, l’ambassade syrienne aux Etats-Unis a affirmé que Damas était prêt à coopérer «pour débarrasser toute la région de toutes» ces armes, en citant notamment les armes nucléaires d’Israël : «Nous accepterons non seulement le régime d’inspection le plus strict, mais nous l’accueillerons de tout cœur. Venez, nous vous en prions, où vous voulez, mais allez partout, dans chaque pays du Proche-Orient».

Une fois encore, ce sont les thèses extrémistes de Donald Rumsfeld qui semblent l’emporter à Washington. Dès jeudi dernier, le secrétaire à la défense a égrené la longue liste des «erreurs» commises par le régime syrien de Bachar Assad, contrôlé par le parti Baas syrien, cousin du défunt parti Baas irakien. Rumsfeld a souligné que la Syrie figure toujours sur la liste noire américaine des pays qui soutiennent le terrorisme international, et «s’est associée au (mouvement extrémiste) Hezbollah en acheminant des terroristes, du matériel terroriste, des équipements et des explosifs à travers la vallée de la Bekaa et occupe son pays voisin, le Liban».

Rumsfeld s’est toutefois abstenu de dire ouvertement quelles seraient les conséquences diplomatiques ou militaires encourues par Damas, en précisant : «Ce n’est pas de mon ressort». En renvoyant ainsi la décision à la Maison Blanche.



par Elio  Comarin

Article publié le 14/04/2003