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Irak

L’ultimatum de Blix à Bagdad

Le chef des inspecteurs en désarmement a donné à l’Irak jusqu’au 1er mars pour entreprendre la destruction des missiles Al Samoud II et de leurs composants.
Depuis près d’une semaine, diplomates britanniques et américains font des heures supplémentaires pour se mettre d’accord sur le texte d’une résolution que pourraient adopter les membres les plus réticents du Conseil de sécurité tout en donnant, en réalité, le feu vert qu’attendent George Bush et Tony Blair pour intervenir en Irak. De ce document virtuel qui tient de la quadrature du cercle, on ne sait pratiquement rien, sinon qu’il devrait être très court et ne contenir aucune date butoir (dixit Colin Powell). Pas d’ultimatum en bonne et due forme, comme c’était le cas de la résolution 678 votée en novembre 1990 qui avait donné à l’Irak jusqu’au 15 janvier 1991 pour se retirer du Koweït. Le 17, la coalition attaquait.

C’est dire si peu d’observateurs s’attendaient à ce que l’ultimatum soit émis par Hans Blix, le chef des inspecteurs en désarmement urbain et policé, qui n’a jamais un mot plus haut que l’autre et qui a réussi ce prodige de parvenir à n’être instrumentalisé ni par les Irakiens, ni par les Américains. Dans une lettre de quatre pages remise au représentant irakien aux Nations unies Mohammed Al Douri, Hans Blix demande aux autorités irakiennes de commencer d’ici au 1er mars à détruire l’ensemble des missiles Al Samoud II, dont la portée dépasse la limite autorisée de 150 kilomètres (certains ont été testés à 183 kilomètres de portée).

Lors de son voyage à Rome, Tarek Aziz avait fait mine de considérer comme négligeable un dépassement de quelques dizaines de kilomètres. Bagdad faisait également valoir que les missiles testés par les inspecteurs ne comportaient pas leur charge utile dont le poids aurait en réalité réduit la portée effective de ces fusées. Interprète rigoureux du Conseil de sécurité, Hans Blix ne veut rien savoir: les Al Samoud II dépassent la portée autorisée, ils doivent donc être détruits. Les exigences du chef des inspecteurs ne se limitent pas là: la destruction devra se faire sous le contrôle des inspecteurs selon les modalités qu’ils choisiront: explosion, compression, ou autre. De plus, l’ensemble des composants permettant leur assemblage, y compris les moteurs à combustion liquide, les machines-outils et les moules servant à les fabriquer, ainsi que les logiciels ayant permis leur élaboration devront subir le même sort.

Un test pour l’utilité des inspections

Voici donc les Irakiens au pied du mur. Il leur sera impossible de biaiser. Ou bien ils commencent à détruire les missiles avant le 1er mars, ou bien ils ne le font pas. Dans les deux cas, cela sera scrupuleusement rapporté par Hans Blix dans son rapport au Conseil de sécurité prévu le 7 mars. S’ils refusent de s’exécuter, les membres du Conseil de sécurité favorables à la poursuite des inspections, à commencer par la France, ne pourront que prendre acte des «violations patentes» dont l’Irak se sera rendu coupable et se résigner à la logique de guerre.

Mais dans le cas contraire, la situation deviendra en revanche extrêmement délicate pour les États-Unis et la Grande-Bretagne. Ces derniers n’ont cessé de répéter que le problème n’était pas celui des inspections ou de la coopération technique de l’Irak, mais du désarmement réel de ce pays. Or, la destruction des missiles interdits sera un argument puissant en faveur de la poursuite des inspections et la preuve de leur utilité. Cela ne suffira sans doute pas à convaincre George Bush ou Tony Blair, mais cela pourrait être suffisant pour que les membres hésitants du Conseil de sécurité résistent aux pressions anglo-américaine. De surcroît, dans cette hypothèse, le coût politique d’une guerre deviendrait intolérable pour Tony Blair, Silvio Berlusconi ou José Maria Aznar et renforcerait le camp des sceptiques au sein de l’opinion américaine.

Au fond, la lettre de quatre pages signée par Hans Blix est un ultimatum à double détente qui vise tout autant Saddam Hussein que George Bush.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 22/02/2003