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Grande-Bretagne

Tony Blair à l’écoute de Kofi Annan

L'ex-ministre Clare Short vient de provoquer ce jeudi un beau scandale des deux côtés de l'Atlantique en affirmant que des agents britanniques avaient espionné le secrétaire général de l'Onu Kofi Annan avant la guerre en Irak.
Les allégations fracassantes de son ancienne ministre du Développement international plongent à nouveau Tony Blair dans un sérieux embarras. Surtout après l’abandon des poursuites la veille contre une ancienne traductrice des services de renseignements britanniques qui avait elle, divulgué un mémo américain demandant à Londres d’espionner des délégués de l’ONU avant la guerre en Irak...

Depuis, le scandale provoqué par les allégations de Clare Short va d’heure en heure crescendo, tout comme d’ailleurs la colère de Tony Blair. On dit le chef du gouvernement absolument furieux de la sortie de son ancienne ministre. Déjà, lors de sa conférence de presse mensuelle ce jeudi, c’est un Tony Blair au visage fermé qui a catégoriquement refusé de commenter les opérations des services secrets britanniques. Le Premier ministre s’est au contraire borné à estimer que Clare Short s’était comportée de façon «totalement irresponsable», sous-entendant –en rendant un hommage appuyé à ses services de sécurité–, que la députée avait mis en danger la vie et le travail de nombreux employés des renseignements britanniques.

Voici pour la stratégie adoptée du côté du gouvernement qui espère ainsi que l’opinion publique se retournera contre Clare Short. Ce qui est loin de satisfaire les milieux politiques et l’affaire pourrait bien devenir d’état, bien que politiciens et analystes s’accordent à dire que ces méthodes d’espionnage sont somme toute depuis longtemps connues voire courantes et ne gênaient jusqu’alors personne, du moins tant qu’elles restaient dans l’ombre.

Règlement de compte à OK London

En fait les révélations de Clare Short ressemblent fort à un règlement de compte personnel avec Tony Blair, dont elle était jadis très proche, avant que la ministre ne démissionne pour protester contre l'intervention américano-britannique en Irak sans le feu vert de l'Onu. Pour preuve, ces propos évocateurs de la députée travailliste un peu plus tard ce jeudi: Tony Blair «peut affirmer que je ne dis pas la vérité, auquel cas c'est un menteur, ou il peut dire que tout cela est vrai, mais ce serait tout simplement trop énorme. Il peut aussi s'en prendre à moi et c'est ce qu'il a choisi de faire», a-t-elle ajouté. «Pour ma part, je n'ai rien à perdre».

En revanche, pas Tony Blair qui au-delà de ce duel risque gros. Car les propos de la députée n’ont pas manqué de faire l’effet d’une bombe tant leurs implications sont potentiellement désastreuses pour le 10 Downing street. De fait, l'affaire tombe très mal pour Tony Blair qui tente de se réconcilier avec une opinion publique plutôt hostile à la guerre en mettant l'accent sur des thèmes nationaux. Las, la question controversée du conflit en Irak continue à poursuivre le Premier ministre britannique... Après des mois d’un terrible bras de fer avec la BBC à propos d’un reportage d’un des journalistes de la chaîne qui accusait le gouvernement d’avoir sciemment inclus de fausses informations dans un dossier à charge contre l’Irak en septembre 2002, Tony Blair pensait enfin enterrer l’affaire avec la publication du rapport Hutton.

Le magistrat devait en effet départager après de longues auditions le gouvernement et la BBC. Lord Hutton a si bien fait qu’il a totalement blanchi le cabinet Blair et attribué tous les torts à la chaîne publique, provoquant l’effet inverse de celui escompté par le Premier ministre puisque ces conclusions devaient être immédiatement interprétées dans le pays comme une tentative d’étouffer une affaire embarrassante pour l’establishment et attirer un soutien général à la BBC devenue martyre. Sans compter que quelques temps après, Tony Blair se sentait obligé d’ordonner une autre enquête à la suite de son allié américain George Bush, sur l’acuité des informations fournies par les services de renseignement en
l’absence de toute arme de destruction massive en Irak.

Nombre d’hommes politiques et de journalistes avaient répété à l’envi après l’entrée en guerre contre l’Irak, que Tony Blair prenait là un risque décisif pour sa carrière et que la coalition avait vraiment intérêt à trouver le fameux arsenal irakien; l’heure de rendre des comptes à une nation sceptique semble avoir plus que sonné pour le Premier ministre. Même si pour le moment, il fait la sourde oreille.



par Muriel  Delcroix

Article publié le 27/02/2004

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