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Grande-Bretagne

Jubilé au Palais de Buckingham

Le roi est mort, vive la reine! Le 6 février 1952, il y a cinquante ans jour pour jour, et conformément à la tradition, la princesse Elizabeth Alexandra Mary Windsor succède à son père le roi George VI qui vient de s’éteindre. Aujourd’hui, après cinquante ans de règne, la souveraine conserve toujours une part de mystère pour ses sujets. Née le 21 avril 1926, la reine Elizabeth incarne la continuité de la monarchie avec tous les contrastes de la société britannique, du démembrement de l’empire à l’avènement de l’ère punk avec les Sex Pistols, en passant par la presse à scandales relatant les frasques princières.
La monarchie britannique est l’une des plus vieilles du monde. Le règne de la souveraine, célébré par un jubilé d’or, (goldenjubilee.gov.uk), est marqué par les événements qui ont agité la planète pendant un demi-siècle et tout particulièrement par les grands bouleversements qu’a connus la société britannique.

Lorsqu’elle épouse le 20 novembre 1947 le prince Philipp à l’abbaye de Westminster, les cérémonies sont empreintes d’un faste qui tranche nettement avec le climat d’après-guerre et de ses privations. Même si Winston Churchill qualifie cette union « d’éclat de couleur sur une route difficile », le Royaume Uni est marqué par des pénuries : les caisses de l’Etat sont vides, le rationnement octroie aux Britanniques un kilo de pommes de terre et trois onces de bacon par semaine. Le faste du mariage loyal a pour but de redorer le blason de la couronne et de redonner le moral aux sujets de sa Gracieuse majesté. De son mariage avec le prince consort, la reine aura quatre enfants : Charles, Andrew, Anne et Edward.

Pourtant l’Empire britannique est en plein délabrement : quelques mois plus tôt, le 15 août 1947, l’indépendance de l’Inde est proclamée au prix d’une sécession d’une partie du pays qui deviendra le Pakistan. Dans ce contexte d’après deuxième guerre mondiale, l’héritière des Windsor règne sur un pays dont l’influence décline. Peu à peu, l’Empire vacille : les unes après les autres, les colonies accèdent à l’indépendance, jusqu’au Zimbabwe (ancienne Rhodésie) en 1980 ou le Bruneï (1984). Le Royaume maintient toutefois des liens économiques avec ses anciennes colonies dans le cadre du Commonwealth, qui compte 54 Etats membres, de la Jamaïque à la Papouasie Nouvelle-Guinée, en passant par le Canada.

Sex Pistols et famille Simpson

Après la nationalisation du canal de Suez par le président égyptien Nasser en 1956, c’est l’humiliation : les Britanniques qui occupent militairement le nord du canal comme les Français et les Israéliens, doivent évacuer la zone. C’est ensuite le camouflet infligé par le général de Gaulle qui refuse par deux fois à Londres son accession à la Communauté économique européenne. Le Royaume Uni n’avait pas souhaité adhérer à la Communauté européenne en 1957 et lorsque le Premier ministre conservateur Macmillan en fait la demande en 1961, il se heurte au veto de Paris. Il faudra attendre 1972 pour que la Grande Bretagne soit admise dans le club européen, avec l’Irlande et le Danemark.

Les fastes d’antan ne sont qu’un lointain souvenir et Buckingham le temple d’une monarchie désuète. La crise économique contraint le gouvernement à la fermeture des mines de charbon qui ont fait la gloire industrielle des années Victoria au temps où triomphait l’Empire. Viennent ensuite les années Thatcher, la dame de fer qui conduira la guerre des Malouines, un archipel revendiqué par l’Argentine. Le Premier ministre reniera l’Etat providence et brisera les puissants syndicats. En 1997, l’élection de Tony Blair mettra un terme à dix-huit années de prédominance « tory ».

Mais les bouleversements qu’a connus le Royaume Uni au cours des cinquante dernières années ne sont pas uniquement d’ordre politique. Ils sont aussi culturels. Après les gentils Beatles des années 1960, apparaît la vague punk. Toutes crêtes dehors et épingles en nourrice en guise de boucle d’oreille, les Sex Pistols reprennent en parodie l’hymne royal. Le titre « God save the queen » en 1977, à l’occasion des 25 ans de règne d’Elizabeth, bouleverse le monde du rock qui ne s’en relèvera pas.

La société britannique évolue avec ses paradoxes. Le divorce est banalisé. Alors que l’oncle d’Elizabeth avait du abdiquer pour épouser une divorcée, la propre soeur de la souveraine et trois de ses quatre enfants sont divorcés. Le prestige de la monarchie est terni par diverses affaires d’infidélité relayées par la presse à scandale. L’année 1992 est décrétée « annus horribilis » (année horrible) en raison des déboires sentimentaux de l’héritier de la couronne, le prince Charles, avec son épouse Diana. Par ailleurs, la presse publie des photos de Sarah Ferguson, l’épouse d’Andrew, en agréable compagnie, au Maroc. Le couple divorce après ce scandale. Mais l’électrochoc a lieu en 1997 avec la mort «planétaire» de lady Diana qui a provoqué un véritable traumatisme dans la société britannique. On reproche à la reine de ne pas suffisamment pleurer « la princesse du peuple ».

Plusieurs sondages posent la question de la nécessité du maintien de la monarchie, et notamment de son coût exorbitant. Sous la pression publique, la reine accepte en 1992 de réduire le train de vie de Buckingham et pour la première fois dans l’histoire de la royauté, de payer des impôts. Les observateurs accordent à la reine un incontestable sens du devoir, éclairé par un sourire plus poli dit-on que chaleureux. Elle ne serait pas dépourvue de sens de l’humour, n’hésitant pas à imiter les politiciens de son pays. Et gageons que c’est avec un royal humour qu’elle se pencherait sur le dernier sondage publié en Grande Bretagne et selon lequel plus de six adolescents britanniques sur dix trouvent la famille Simpson (héros d’un dessin animé caricatural) plus «fun » que la famille royale.



par Sylvie  Berruet

Article publié le 06/02/2002