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Grande-Bretagne

La découverte d’un poison ravive le spectre d'attentats terroristes

Des «traces de ricine», un poison virulent, ont été découvertes dans la banlieue de Londres dans un appartement habité par des hommes, d’origine algérienne pour la plupart. Les enquêteurs essayent de déterminer s’ils ont des liens avec un groupe terroriste.
De notre correspondante à Londres

Au lendemain de la découverte de ricine, un poison mortel dans un appartement londonien, l’inquiétude est désormais palpable parmi la population britannique. Voilà relancées de plus belle les craintes d’attentats contre l’allié numéro un des Etats Unis dans leur lutte contre le terrorisme et l’Irak. D’autant que la police, qui a beau se montrer rassurante, ignore si une partie du poison -dont elle n’a retrouvé que des traces- se trouve toujours entreposé quelque part dans la capitale ou est déjà en circulation.

D’où la panique que l’on voit poindre aujourd’hui dans les colonnes des quotidiens qui rivalisent de titres alarmistes: la une du Daily Mirror se résume ainsi à une énorme tête de mort au-dessus de la Grande-Bretagne sous le titre It’s here, «c’est là», tandis que le Sun se demande «Où est caché le poison ?» Et en effet la police londonienne et la section anti-terroriste de Scotland Yard cherchent toujours où pourrait se trouver le reste de ricine.

L’opération de police menée dimanche dernier dans le quartier de Wood Green au nord de Londres a permis l’arrestation de six hommes, tous entre 20 et 30 ans, dont quatre au moins sont d’origine algérienne. La presse britannique affirme qu’ils pourraient appartenir au GIA, qui est lui-même lié au réseau Al-Qaïda d’Oussama Ben Laden. L’un d’eux serait un chimiste expérimenté ou un professeur de sciences. Les policiers ont d’ailleurs retrouvé dans l’appartement des suspects, un véritable laboratoire avec quantité de tubes à essais et autres fioles qu’ils se sont empressé de faire analyser.

Les analyses ont confirmé la présence d’une toxine présente dans le ricin. Une plante surtout connue pour son huile laxative mais qui contient une toxine, la ricine, qui inhalée, ingérée ou injectée peut se révéler une arme mortelle. On estime ainsi qu’une graine de ricin suffit à tuer un enfant. Néanmoins ce poison n’a jamais été utilisé jusqu’à présent à grande échelle, mais plutôt lors d’assassinats isolés comme celui de l’opposant bulgare Georgi Markov, poignardé à un arrêt de bus à Londres en 1978. Markov, sur la liste noire du KGB, avait raconté avoir été piqué à la jambe par un homme portant un parapluie. Il était mort trois jours plus tard et les analyses de sang avaient montré des traces de ricine.

Etats-Unis et Grande-Bretagne ont cherché à fabriquer une bombe à la ricine

Des années auparant des recherches pour élaborer une bombe à la ricine avaient été menées pendant la Seconde guerre mondiale aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, le nom de code de l'agent était «Compound W». L'arme biologique avait été testée, mais n'aurait jamais été utilisée. Mais actuellement cet agent fait partie des produits toxiques recherchés par les inspecteurs chargés du désarmement en Irak, accusé par les Etats-Unis et la Grande-Bretagne de développer des armes de destruction massive. Les services de renseignements occidentaux soupçonnent également le réseau Al-Qaïda de vouloir utiliser se produit peu cher et relativement facile à produire. Des traces avaient été retrouvées dans des caves en Afghanistan et le quotidien britannique The Times avait affirmé avoir découvert des notes d'instruction en novembre 2001 dans une maison à Kaboul appartenant à des membres du réseau al-Qaïda, expliquant comment créer cette toxine en vue de tuer.

Malgré tout, la communauté scientifique estime qu’il faudrait de grandes quantités de ricine pour en faire une arme de destruction massive : ainsi pour tuer la moitié de la population sur une surface de 100 km2, il en faudrait quatre tonnes. Il n’empêche la découverte fait froid dans le dos et le manque d’informations donne lieu à toutes sortes de spéculations. Certains journaux penchent pour la thèse de tentatives d’assassinat sur des personnalités britanniques de haut rang avec comme cible privilégiée le Premier ministre, tandis que d’autres quotidiens envisagent des scénarii catastrophe qui verraient le poison répandu sous forme d’aérosol dans le métro londonien ou bien saupoudré sur les poignées de portes de bâtiments publics. L’angoisse est d’autant plus forte qu’il n’existe aucun antidote ou vaccin contre la ricine dont les symptômes s’apparentent à ceux de la grippe et entraîne la mort entre 3 et 14 jours. Du coup tous les hôpitaux et centres médicaux du pays ont été mis en alerte.

De leur côté les autorités multiplient les appels au calme en répétant que le public doit être alerté mais pas alarmé. Malgré tout, cette découverte a été l’occasion pour Tony Blair de rappeler que le danger d’actes terroristes restait présent et bien réel, après plusieurs alertes à l’approche des fêtes de fin d’année. D’autant que la police laisse entendre qu’au moins trois des membres de la cellule découverte ce mardi courent toujours.



par Muriel  Delcroix

Article publié le 08/01/2003