Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Grande Bretagne

52 diplomates dénoncent l’alignement de Blair sur Washington

La politique de Tony Blair sévèrement critiquée par les anciens diplomates britanniques 

		(Photo : AFP)
La politique de Tony Blair sévèrement critiquée par les anciens diplomates britanniques
(Photo : AFP)
Dans une initiative sans précédent, cinquante-deux anciens diplomates britanniques viennent de critiquer sévèrement le Premier ministre Tony Blair et l'appellent à tenter d'infléchir la politique «vouée à l'échec» des Etats-Unis au Proche et au Moyen-Orient ou alors à cesser de la soutenir.
De notre correspondante à Londres

L’attaque  prend la forme d’une lettre envoyée au 10 Downing Street que plusieurs journaux ont reproduit dans leurs colonnes et qui s´étale même sur toute la Une de The Independent, quotidien farouchement opposé à la guerre en Irak. La missive est, il faut dire exceptionnelle, spectaculaire et potentiellement désastreuse pour Tony Blair. Les 52 anciens ambassadeurs, dont beaucoup ont servi en Irak, en Israël, en Arabie Saoudite et ailleurs dans la région, y déplorent l´alliance trop étroite entretenue par le chef du gouvernement britannique avec le président américain George W. Bush et écrivent «avoir observé avec une préoccupation croissante la Grande-Bretagne s´aligner sur les États-Unis à propos de l´Irak et d´Israël». Des diplomates visiblement excédés qui condamnent une stratégie américaine en Irak trop souvent fondée sur des rapports de force:

«Les armes lourdes inadaptées aux missions en cours, le langage enflammé, les confrontations actuelles à Najaf et Falloujah, tout cela a renforcé l'opposition au lieu de l'isoler». Et les critiques ne s´arrêtent pas là, puisqu´ils accusent également la coalition menée par les États-Unis de n´avoir rien prévu pour l´Irak après la guerre: «La conduite de la guerre en Irak a clairement montré qu'il n'y avait aucun plan effectif de règlement de la période post-Saddam Hussein. Tous ceux avec une expérience de la région ont prédit que l'occupation de l'Irak par les forces de la coalition se heurterait à une résistance sérieuse et obstinée, comme cela est le cas», estiment les diplomates, qui ajoutent que «décrire la résistance comme conduite par des terroristes, des fanatiques et des étrangers n'est ni convaincant ni utile».

Les 52 signataires attaquent par ailleurs la décision du président américain George W. Bush de soutenir le plan israélien «à sens unique et illégal» de conserver des colonies en Cisjordanie et reprochent amèrement le soutien apporté par Tony Blair à cette politique. «Notre consternation à l'égard de ce pas en arrière est d'autant plus grande que vous l'avez vous-même endossé», regrettent les signataires de la lettre. Selon eux, il s'agit de l'«abandon» de principes ayant soutenu les efforts de la communauté internationale pour résoudre ce conflit pendant plus de 40 ans.

Débat au Parlement

«Cet abandon de principes survient à une période où, à tort ou à raison, nous sommes décrits à travers l'ensemble du monde arabe et musulman comme les complices d'une occupation illégale et brutale de l'Irak»... En conséquence les diplomates qui parlent d´une situation d´extrême urgence, demandent que la Grande-Bretagne exerce en qualité d´alliée loyale son influence auprès de Washington et réclament au plus vite un débat au parlement de Westminster.

Un langage bien peu diplomatique pour ses officiels de haut rang dont –et c´est même plus grave pour Tony Blair– les critiques semblent généralement partagées par leurs collègues encore en activité. C´est ce qu´a d´ailleurs sous-entendu l´un des signataires, l´ancien ambassadeur en Irak Harold Walker. Interrogé sur la chaîne de télévision privée Sky News, il a estimé que nombre de personnels au ministère des Affaires étrangères étaient mécontents de la manière très «présidentielle» de Tony Blair de mener la politique étrangère depuis Downing Street sans assez déléguer.

Sans compter qu´en faisant entendre leur voix plus que discordante au moment même où Londres s´apprête à envoyer des centaines de troupes en renfort dans un Irak enflammé, ces 52 ambassadeurs en colère, qui affirment pourtant ne pas chercher à porter préjudice à la politique de Tony Blair, risquent fort d´atteindre le Premier ministre et son gouvernement de plein fouet.

par Muriel  Delcroix

Article publié le 27/04/2004 Dernière mise à jour le 27/04/2004 à 15:21 TU