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Irak

Réserves sur la résolution américano-britannique

Adnane Pachachi a émis de nombreuses réserves sur le projet de résolution américano-britannique. 

		(Photo : AFP)
Adnane Pachachi a émis de nombreuses réserves sur le projet de résolution américano-britannique.
(Photo : AFP)
A cinq semaines du transfert de la souveraineté aux Irakiens, les Etats-Unis et leur allié britannique ont présenté lundi un projet de résolution destiné à entériner la fin de l’occupation en Irak. Les pays, comme la France, l’Allemagne ou la Russie, qui s’étaient vivement opposés à la guerre contre le régime de Saddam Hussein ont une nouvelle fois plaidé pour que ce transfert soit réel. Et même si leurs relations semblent aujourd’hui plus apaisées avec Washington, ils n’ont vraisemblablement pas l’intention de signer un chèque en blanc à l’administration Bush.

Alors qu’il y a quelques mois encore Washington –fort de sa victoire rapide contre le régime de Saddam Hussein– écartait sans état d’âme la communauté internationale de la reconstruction de l’Irak, le bourbier dans lequel se trouve aujourd’hui les forces de la coalition semble avoir véritablement changé les dispositions de l’administration Bush. Pour la première fois depuis le début de la crise irakienne, le président américain a en effet adopté un ton plus conciliant envers Paris, pourtant pilier des opposants à la guerre, en affirmant partager les mêmes objectifs que son homologue français. «J’ai eu une excellente discussionavec Jacques Chirac. Nous partageons le même but, un Irak libre, stable et pacifique», a-t-il ainsi affirmé. A l’Elysée, on a tenu cependant à préciser que c’était le président américain qui avait téléphoné à M. Chirac pour lui faire part du «souhait des Etats-Unis de travailler avec la France sur l’Irak».

Rapportant les propos échangés par les deux hommes, la porte-parole de la présidence française, Catherine Colonna, a en outre ajouté que Jacques Chirac avait émis quelques réserves quant au projet de résolution présenté en début de semaine par Washington et Londres au Conseil de sécurité des Nations unies. Il a notamment affirmé à son homologue que ce texte était «une bonne base de discussion». Selon lui, ce document «comporte des points positifs et d’autres sur lesquels les échanges méritent d’être poursuivis, de façon à ce que la résolution aide à faire apparaître très clairement une perspective politique en Irak». Paris insiste en effet pour que le nouveau gouvernement irakien à qui doit être transféré le pouvoir le 30 juin prochain ait le contrôle des ressources pétrolières, de la police, de la gendarmerie et de l’armée irakiennes et qu’il soit au minimum consulté sur les actions des forces américaines et britanniques. Autant de points sur lesquels le projet de résolution n’est véritablement pas explicite puisqu’il stipule notamment qu'une force multinationale sous commandement américain «aura autorité pour prendre toutes mesures nécessaires au maintien de la sécurité et de la stabilité en Irak». Autre point contesté : le délai «de douze mois» envisagé avant de revoir le mandat de cette force et que Paris comme d’autres capitales jugent beaucoup trop long.

La France n’est d’ailleurs pas la seule à émettre des réserves quant au texte présenté par Washington et Londres. L’Allemagne, autre pays opposé à la guerre en Irak, a ainsi jugé que ce document était «unetrès bonne base pour tenter de trouver un consensus», une façon très diplomatique d’insinuer que le document devra encore être travaillé avant d’être avaliser par la communauté internationale. Plus directe, la Russie a fait mine d’ignorer le texte en reportant sa réaction à la présentation par l’émissaire des Nations unies en Irak, Lakhdar Brahimi, de la liste des personnalités devant composer le nouvel exécutif irakien. Moscou conditionne en effet son aval à leur «légitimité auprès des Irakiens et de leurs voisins».

Premières fissures dans l’alliance Washington-Londres ?

Même le Conseil de gouvernement transitoire irakien, mis en place par la coalition après la chute du régime de Saddam Hussein, a émis des réserves sur le projet de résolution américano-britannique. «C’est moins que ce que à quoi nous aspirions. Nous espérons, parce que c’est un projet, que la résolution prendra en compte les avis du conseil de gouvernement», a ainsi déclaré Ghazi al-Yaouar, le président en exercice de cette instance, il y a encore peu tout acquise à Washington. Plus direct, Adnane Pachachi, membre très respecté de ce Conseil a pour sa part réclamé ouvertement plus de pouvoir pour la nouvelle équipe dirigeante. «Par exemple, a-t-il ainsi déclaré au quotidien italien la Repubblica, à propos du rôle que le nouveau gouvernement devra jouer par rapport aux forces multinationales, il est écrit que le gouvernement sera consulté. Nous voulons que l'avis du gouvernement soit nécessaire et contraignant. En d'autres termes, nous demanderons qu'il soit fait en sorte que la force multinationale vienne en Irak avec la permission du gouvernement irakien et que ses mouvements à l'intérieur du pays soient autorisés par notre exécutif». Concernant les richesses de l’Irak, Adnane Pachachi a également réclamé «un contrôle autonome des revenus du pétrole».

Ces réserves du Conseil de gouvernement transitoire ne pouvaient plus mal tomber pour Washington et Londres plus que jamais soucieux de faire entériner par la communauté internationale la fin de l’occupation en Irak. Répondant à certaines attentes des Irakiens, le Premier ministre britannique a créé la surprise en assurant que le nouveau gouvernement disposerait d’un droit de veto sur les opérations militaires, semblant ainsi contredire les termes du projet de résolution. Interrogé sur un éventuel droit de veto dont pourraient user les Irakiens, Tony Blair a en effet répondu: «Oui, c'est une question difficile. S'il doit y avoir une décision politique pour savoir si on doit intervenir de façon particulière dans un lieu comme Falloujah, cela doit être fait avec le consentement du futur gouvernement irakien. Et la décision politique finale doit rester celle du gouvernement irakien. C'est ce que signifie transfert de souveraineté».

Ces déclarations de Tony Blair ont laissé cours aux spéculations les plus folles sur un début de mésentente entre les deux alliés au point où le Premier ministre britannique a dû fermement nier tout désaccord entre Londres et Washington. «Nous sommes absolument d'accord sur le fait qu'il faut un transfert de souveraineté complet au peuple irakien mais que la force multinationale doit rester sous commandement américain», a-t-il plaidé à la chambre des Communes, tentant de désamorcer la polémique naissante entre les deux capitales. «Il est absolument clair que les décisions finales en matière stratégique ou politique seront du ressort du nouveau gouvernement irakien, après le 30 juin, mais une fois ces décisions prises, la gestion à proprement parler de toute opération sera du ressort de la force multinationale et des commandants de cette force», a même précisé Tony Blair. Une mise au point visiblement nécessaire pour mettre fin à une brouille présumée que le vice-Premier ministre britannique, John Prescott, avait qualifié un peu plus tôt de «foutaises totales».

par Mounia  Daoudi

Article publié le 26/05/2004 Dernière mise à jour le 26/05/2004 à 15:03 TU

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Michel Barnier

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