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Irak

Quand Washington évoque un retrait

Michel Barnier et Colin Powell lors de la conférence de presse du G8. 

		(Photo : AFP)
Michel Barnier et Colin Powell lors de la conférence de presse du G8.
(Photo : AFP)
Plusieurs responsables de l’administration Bush ont ouvertement évoqué ces dernières vingt-quatre heures l’éventualité d’un retrait des troupes américaines d’Irak. Un retrait qu’ils estiment toutefois peu probable dans la mesure où, selon eux, le prochain exécutif irakien a besoin des forces de la coalition pour rétablir la sécurité dans un pays où les affrontements sont encore quotidiens. La situation est ainsi particulièrement tendue dans les villes chiites où les partisans de l’imam radical Moqtada al-Sadr sont engagés dans des combats violents avec les troupes de la coalition.

L’administrateur américain Paul Bremer a le premier évoqué l’éventualité d’un retrait des troupes américaines d’Irak. «Si le gouvernement intérimaire –à qui les Américains doivent transférer la souveraineté de l'Irak le 30 juin prochain– nous demande de partir, nous partirons mais je ne pense pas qu’il le fera», avait-il lancé à Bagdad, ajoutant qu’il «n'était évidemment pas possible de rester dans un pays où nous ne sommes pas les bienvenus». Quelques heures plus tard, le porte-parole de la Maison Blanche, Scott McClellan, confirmait ces propos de Paul Bremer. «Nous ne stationnons des troupes que dans des régions du monde où nous sommes les bienvenus et j’espère vivement que les forces de la coalition resteront en Irak», renchérissait-il.

Réuni à Washington avec ses homologues du G8 –les pays les plus industrialisés–, le chef de la diplomatie américaine a défendu la même ligne tout en mettant sérieusement en doute l’hypothèse d’un tel retrait. «Je ne perds pas le sommeil à me demander si les Irakiens vont nous demander de partir pendant la période intérimaire alors qu’ils seront en train de bâtir leurs propres forces», a notamment ironisé Colin Powell, convaincu que l’Irak a encore besoin des troupes de la coalition. S’alignant sur la position de l’administration Bush, les alliés de Washington en Irak ont eux aussi affirmé être prêt à quitter le pays si le nouvel exécutif irakien leur en faisait la demande. Les ministres des Affaires étrangères britanniques, italiens et japonais l’ont ainsi affirmé lors de la réunion du G8 à Washington.

A un mois et demi du transfert de souveraineté à une autorité irakienne, cet apparent infléchissement du discours de Washington ne laisse toutefois personne dupe. On voit en effet mal l'armée américaine quitter l’Irak avec armes et bagages le 30 juin, sans avoir atteint la majorité de ses objectifs stratégiques, notamment pétroliers, et laissant l'Irak en proie au désordre absolu. Pour de nombreux observateurs, les Etats-Unis, qui cherchent à arracher au Conseil de sécurité une nouvelle résolution entérinant la fin de l’occupation en Irak, voudraient en fait accréditer l'idée que leur présence dans ce pays après le 30 juin répondra à une demande des futures autorités irakiennes, et non à leur seul bon vouloir.

Bush confirme le maintien des troupes

Cette diplomatie de la conciliation a toutefois été très vite démentie par le président américain dans son intervention radiodiffusée hebdomadaire. Après avoir confirmé une nouvelle fois que le transfert de souveraineté aux Irakiens aurait bien loin le 30 juin prochain, George Bush a assuré que les Etats-Unis maintiendraient leurs troupes en Irak. «L’Amérique maintiendra son engagement envers l’indépendance et la dignité nationale du peuple irakien. Mais la mission vitale de nos troupes qui contribuent à la sécurité continuera le 1er juillet et au-delà», a-t-il ainsi déclaré.

Cette mise au point du président américain intervient alors que de plus en plus de pays pressent Washington de procéder à un véritable transfert de souveraineté aux Irakiens le 30 juin prochain, qui ne soit pas symbolique. Présent à Washington pour la rencontre des chefs de la diplomatie du G8, le ministre français, Michel Barnier, a insisté sur le fait que la nouvelle administration irakienne devait disposer des attributs de souveraineté et pas seulement des signes extérieurs, évoquant notamment l’exemple des forces de sécurité irakiennes qui seront après le 30 juin toujours sous commandement américain. Le Russe Sergueï Lavrov a pour sa part insisté sur la nécessité d'avoir à Bagdad un gouvernement qui soit «acceptable pour les Irakiens eux-mêmes et qui ait une légitimité internationale». Il a également rappelé la demande de Moscou d'une conférence internationale sur l'Irak, sur le modèle de ce qui s'était fait pour la transition en Afghanistan, une idée soutenue par son homologue français mais qui n'a pas reçu d'écho côté américain.

De plus en plus critiquée aux Etats-Unis et dans le monde pour sa gestion de l’après-guerre en Irak, l’administration Bush, qui a adopté ces dernières semaines un ton beaucoup plus conciliant, tente de rallier à ses positions la communauté internationale. Le vote d’une nouvelle résolution par le Conseil de sécurité des Nations unies constituerait à ce titre un ballon d’oxygène pour la Maison Blanche. Mais c’est sans compter sur les positions de principe de certains pays comme la France ou la Russie qui n’ont, semble-t-il, pas l’intention de donner carte blanche à Washington pour l’après-30 juin.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 15/05/2004 Dernière mise à jour le 15/05/2004 à 14:08 TU