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Irak

Washington craint l’exemple espagnol

Le Honduras a emboîté le pas à l’Espagne en annonçant un retour anticipé de ses soldats. 

		(Photo : AFP)
Le Honduras a emboîté le pas à l’Espagne en annonçant un retour anticipé de ses soldats.
(Photo : AFP)
Davantage que le départ de soldats alliés en tant que tels, c’est la contagion politique de la décision du nouveau gouvernement espagnol parmi ses alliés que redoute le président Bush. Car derrière la solidarité de façade, plusieurs membres de la coalition sont saisis par le doute.

Pour l’instant, seul le Honduras a décidé de suivre l’exemple espagnol et de retirer «dans les meilleurs délais possibles» son contingent présent en Irak, 368 hommes basés dans la ville sainte chiite de Najaf. Mais en Amérique centrale, les consultations se sont intensifiées sur l’attitude à tenir après l’annonce par le ministre espagnol de la Défense que le retrait des quelque 1 430 soldats espagnols avait déjà commencé. Le contingent dominicain (300 soldats, également déployés à Najaf) voit son mandat s’achever en juillet et pour l’heure, aucun retour anticipé n’est prévu. Il en va de même au Salvador (374 hommes) mais l’entrée en fonction le 1er juin du nouveau président Tony Saca peut être l’occasion de prendre une décision similaire à celle de Madrid, d’autant que l’opposition de gauche et l’Église ont accentué leur pression.

Ces pays centre-américains, pour être dans l’arrière-cour stratégique des Etats-Unis, sont également fortement influencés par les positions de l’ancienne mère-patrie, l’Espagne. C’était vrai du temps d’Aznar, cela le reste à présent qu’il a été remplacé par Zapatero. José Luis Rodriguez Zapatero a d’ailleurs décroché son téléphone pour annoncer sa décision à George W. Bush. La conversation, glaciale, n’a pas duré plus de cinq minutes et le porte-parole de la Maison Blanche a amplement fait savoir que le président américain avait fait part de son courroux au nouveau premier ministre espagnol. Mais si les lignes téléphoniques entre Madrid et Washington n’ont pas été encombrées trop longtemps, les dirigeants américains ont passé une bonne partie de la journée de lundi pendus au téléphone avec les trente-deux autres membres de la coalition.

De réelles fragilités

Ce n’est évidemment pas l’importance militaire du contingent macédonien (31 soldats) ou le rôle stratégique des soldats du Kazakhstan (ils ne sont que 27) qui sont dans la balance. C’est le signal politique que représenterait cette débandade de la «coalition des volontaires» assemblée par la Maison Blanche et volontiers présentée comme la plus importante de l’Histoire, avant même celle qui a eu raison de l’Allemagne nazie en 1945!

C’est d’ailleurs une crainte ouvertement exprimée par le Japon, dont le ministre de la Défense Shigeru Ishiba a reconnu que «si l’Espagne se retire, il est possible que d’autres pays disent: ‘mon pays aussi’», ou par l’Ukraine, où un porte-parole officiel a déclaré que le départ des troupes espagnoles n’était «pas un exemple à imiter». Pour l’heure, Washington semble avoir contenu les dégâts. De la Pologne à la Corée du Sud, en passant par la Bulgarie, tous les autres alliés des Etats-Unis ont confirmé le maintien de leurs effectifs en Irak.

Mais cette apparente unanimité cache de réelles fragilités. Par exemple, Romano Prodi, président de la commission européenne, mais également futur adversaire de Silvio Berlusconi à l’échelle nationale, a fait l’éloge de la position espagnole. Du coup, soumis à la pression combinée d’une opinion majoritairement hostile à la guerre irakienne, de l’Église catholique et d’une opposition requinquée, le gouvernement doit faire le gros dos. C’est ainsi que l’Italie vient de décliner, officiellement pour des raisons techniques d’ailleurs parfaitement crédibles, de prendre en charge le secteur laissé vacant par le contingent espagnol d’ici quelques semaines. Plusieurs pays dont la présence prend officiellement fin en juillet se sont bien gardés de s’engager pour la suite.

Presque partout, les opposants à la guerre ont retrouvé une nouvelle vigueur. C’est notamment le cas en Australie dont le Premier ministre conservateur Howard a incarné jusqu’à la caricature l’alignement sur les positions de George W. Bush. Il doit désormais compter avec une opposition travailliste dirigée par un nouveau leader, Mark Latham, âgé de 43 ans (comme Zapatero) qui s’est engagé à retirer les troupes australiennes d’Irak d’ici Noël s’il remportait les élections législatives qui doivent avoir lieu à la fin de l’année.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 20/04/2004 Dernière mise à jour le 20/04/2004 à 12:09 TU