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Irak

L'Espagne prépare le retrait anticipé de ses troupes

Le Premier Ministre, José Luis Rodriguez Zapatero, lors de l'annonce du futur retrait des troupes espagnoles. 

		(Photo AFP)
Le Premier Ministre, José Luis Rodriguez Zapatero, lors de l'annonce du futur retrait des troupes espagnoles.
(Photo AFP)
Depuis le palais de la Moncloa , quelques heures après l’investiture du nouveau gouvernement, José Luis Rodriguez Zapatero, chef de l’exécutif socialiste, vainqueur des législatives du 14 mars dernier, a déclaré - fidèle aux engagements pris pendant sa campagne électorale- son intention de retirer les troupes espagnoles stationnées en Irak. Il a demandé à son ministre de la Défense de «faire le nécessaire pour [qu’elles] rentrent au pays dans les plus brefs délais possibles, et avec une sécurité maximum».

Les élections législatives en Espagne, rappelons-le, se sont déroulées dans un climat de tension extrême, trois jours seulement après l’attentat qui a fait 191 morts en gare de Madrid, attentat que l’ensemble de la population a interprété sur le champ comme une sanction de l’intervention de l’Espagne dans la guerre d’Irak. Pour autant, le nouveau chef de la diplomatie espagnole, Miguel Angel Moratinos, dénonce fermement comme étant «fallacieux» tout commentaire qui laisserait entendre que, en voulant se désengager de la guerre en Irak, l’Espagne cèderait au terrorisme: «Plus que jamais, cette décision reflète mon souhait de respecter l’engagement que j’ai pris devant le peuple espagnol il y a plus d’un an» a déclaré Zapatero. La décision de rapatrier le contingent espagnol déployé en Irak par son prédécesseur, José Maria Aznaz, était bien antérieur aux élections. «Je veux sortir l’Espagne de la photo des Açores, sortir l’Espagne d’une guerre illégale» a-il déclaré, faisant référence au sommet tripartite des Açores de Mars 2003, auquel avait participé José Maria Aznar, -et qui fut le prélude du déclenchement du conflit.

Miguel Angel Moratinos a souligné que: «lorsque le gouvernement espagnol antérieur nous a indiqué que l’on allait en Irak, c’était pour d’autres raisons [que le terrorisme], c’était pour découvrir et démanteler des armes de destruction massive. Il y a du terrorisme en Irak, mais c’est un terrorisme qui affecte la société irakienne. Nous, nous devons nous engager à renforcer la lutte internationale contre le terrorisme dans les zones que nous considérons prioritaires, et c’est là où l’Espagne assumera ses engagements avec fermeté et surtout avec une énorme détermination». Il a ajouté «Continuer [en Irak]avec un modèle qui n’apporte aucune solution à cette crise qui dure depuis longtemps serait de notre part une irresponsabilité et surtout un manquement envers l’électorat espagnol». Or, d’après le gouvernement désormaisen place en Espagne, il est peu probable que soit adoptée une résolution de l’ONU répondant aux conditions fixées par Madrid pour maintenir la présence de ses militaires, à savoir le contrôle de la sécurité dans le pays d’ici le 30 juin -date prévue par les Américains pour le transfert de la souveraineté aux Irakiens.

La décision de l’Espagne n’attend pas la date-butoir: «pour mettre un point final aux incertitudes, aux doutes et aux inquiétudes. Il fallait commencer avec un message clair montrant que l’on fait ce que l’on promet, que l’on respecte le mandat de l’électorat espagnol».

Réunis au sein de la brigade «Plus Ultra», formée avec des contingents sud-américains, ce sont donc 1 432 militaires espagnols (sous commandement polonais), qui seront rapatriés dans les semaines à venir, un effectif qui vient en sixième position par ordre d’importance au sein de la coalition multinationale. Ces forces, responsables d’une partie du centre et du sud de l’Irak, ont subi des attaques sporadiques, et ont enregistré la mort de dix militaires ainsi que plusieurs blessés depuis le début de la guerre.

Aux Etats-Unis les réactions sont partagées

Condoleezza Rice, conseillère à la sécurité nationale à la Maison Blanche, a dit s’attendre à ce que d’autres pays disposant de troupes en Irak soient inspirées par la décision espagnole: «Nous savons que d’autres vont devoir réexaminer leur perception du risque. Nous avons 34 pays disposant de forces sur le terrain. Je crois qu’il y aura certaines modifications».

A l’heure où la coalition se heurte à une résistance sans précédent depuis la chute de Saddam Hussein il y a un an, et où les pertes humaines s’élèvent à plus de 500 morts dans les rangs américains depuis le début de la guerre, Paul Bremer, l’administrateur civil américain en Irak, redoute un manque d’effectif, déclarant que «les forces de sécurité irakiennes entraînées par Washington ne seraient pas capables de faire face seules à la situation après le 30 juin» ajoutant «Les évènements de ces deux dernières semaines montrent que l’Irak reste confronté à des menaces en matière de sécurité et a besoin d’une aide extérieure pour y faire face».

De son côté, sous couvert de l’anonymat, et sans donner de détail sur les deux pays, le responsable de la coalition dirigée par les Etats-Unis a déclaré au lendemain de la déclaration d’ordre de retrait des troupes espagnoles «Assurément nous avons assez de moyens, et nous aurons sans aucun doute d’autres pays qui contribueront ici» en Irak, aux forces de coalition, «le retrait des soldats espagnols ne pose pas un grand problème du point de vue militaire» a-t-il estimé, ajoutant «les Espagnols ont fait un superbe travail» en Irak.

Le sénateur John Kerry, candidat démocrate à la Maison Blanche -adversaire du président George W. Bush à la présidentielle de novembre prochain- a vivement regretté, quant à lui, la décision de l’Espagne, déclarant qu’il était «crucial de trouver de nouveaux partenaires au sein de la coalition afin de partager le fardeau en Irak». «Je regrette la décision du premier ministre Zapatero, avait il déclaré dimanche. L’Espagne et le monde entier ont un intérêt à reconstruire un Irak qui ne soit pas un refuge pour les terroristes, et un état raté».

Ken Lisaius, porte-parole de la Maison Blanche a demandé, sans autre commentaire, que le retrait des troupes espagnoles se fasse «de manière coordonnée, responsable et en bon ordre».

Un retrait qui n’a rien de contradictoire avec la lutte contre le terrorisme

Certes, ce retrait ne constituait pas réellement une surprise pour Washington: «nous savions après les récentes élections espagnoles qu’il était dans l’intention du nouveau Premier ministre de retirer les troupes espagnoles de la coalition» a noté un porte-parole de la présidence américaine, Ken Lisaius. Interrogé toutefois sur les nouvelles relations diplomatiques de l’Espagne avec les Etats-Unis, Miguel Angel Moratinos, après avoir indiqué une conversation téléphonique avec le secrétaire d’Etat américain Colin Powell, a reconnu «une certaine déception chez le secrétaire d’Etat». ajoutant toutefois «il m’a dit aussi qu’il comprenait le caractère politique de la décision et [qu’]évidemment il voulait maintenir avec moi et avec tout le gouvernement espagnol le meilleur niveau de relations».

Loin de céder aux pressions terroristes, Miguel Angel Moratinos s’est montré déterminé à lutter contre la «fureur homicide». Il a réaffirmé «l’objectif prioritaire» de «lutte sans merci contre le terrorisme»: «nous allons poursuivre notre ligne ferme de lutte internationale contre toute forme de terrorisme pour contribuer à la paix et à la stabilité mondiale» , prônant «une ample coopération internationale» mais qui devra toutefois «respecter les règles et les valeurs de notre démocratie et ne pas restreindre notre système de liberté».

Par ailleurs, «le gouvernement espagnol, a assuré Miguel Angel Zapatero, continuera de promouvoir tous les efforts des Nations unies et de l’Union européenne en vue de permettre aux Irakiens de retrouver leur souveraineté et leur capacité à organiser des élections libres et démocratiques, afin de bâtir leur propre avenir dans la paix, l’indépendance et la sécurité». Mais «dans tous les cas, la participation des Forces armées espagnoles dans les missions à l’extérieur sera décidée avec la participation du Parlement», marquant une rupture par rapport à son prédécesseur, José Aznar, qui avait soutenu la guerre en Irak et envoyé des troupes à l’issue du conflit, sans débat préalable au Parlement.



par Dominique  Raizon

Article publié le 19/04/2004 Dernière mise à jour le 20/04/2004 à 09:32 TU

Audio

Farida Ayari

Journaliste à RFI

«Moqtada al-Sadr a demandé à ce qu'on ne tire plus sur les troupes espagnoles.»

[19/04/2004]

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