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Irak

Otages : après les combats, la guerre psychologique

Des images des otages italiens diffusées le 13 avril 2004 sur la chaîne Al-Jazeera. 

		(Photo: AFP)
Des images des otages italiens diffusées le 13 avril 2004 sur la chaîne Al-Jazeera.
(Photo: AFP)
La coalition menée par les Américains a de plus en plus de difficultés à contrôler la situation sur le terrain en Irak. L’embrasement provoqué par la révolte des membres des communautés sunnite et chiite contre les forces d’occupation a provoqué des combats d’une violence jamais atteinte depuis la chute du régime de Saddam Hussein et face à laquelle les troupes alliées ont du mal à réagir. Dans ce climat d’insécurité totale, les Irakiens semblent d’autre part avoir opté pour une nouvelle forme de résistance en procédant à de nombreux enlèvements de civils occidentaux et en menaçant de les exécuter si les troupes des pays concernés ne se retiraient pas du pays dans les meilleurs délais. Les conditions nécessaires à un passage du pouvoir aux Irakiens d’ici le mois de juillet de 2004 sont loin d’être réunies.

En quelques jours, plus d’une quarantaine de civils originaires d’une douzaine de pays différents ont été capturés et retenus prisonniers en Irak. Certains ont été relâchés au bout de quelques heures. Onze employés russes et ukrainiens enlevés dans leur maison de Bagdad le 12 avril, ont ainsi réapparu dès le lendemain. Sept ouvriers chinois ont subi le même sort. Mais d’autres restent aux mains de leurs ravisseurs et sont l’enjeu d’un chantage auprès des autorités de leurs pays. Le sort de trois Japonais, dont deux coopérants (un jeune garçon de 18 ans et une femme de 34 ans) et un photographe indépendant, fait, par exemple, l’objet de nombreuses spéculations depuis leur enlèvement, la semaine dernière, par un groupe qui se présente sous le nom de «La Résistance irakienne». Les ravisseurs qui avaient promis de brûler vif l’un de leurs otages si les autorités japonaises ne retiraient pas leurs troupes d’Irak ont, semble-t-il, renoncé à exécuter leur menace à la fin du premier ultimatum fixé au 12 avril à 17 heures. Mezher Doulaïmi, un chef tribal qui a fait office de médiateur, a annoncé que les otages auraient la vie sauve pour le moment, mais il n’a, par contre, donné aucune information sur les intentions des ravisseurs concernant leur avenir dans les prochains jours.

Sans que l’on puisse actuellement expliquer qui forme les groupes de preneurs d’otages, ni s’ils agissent de manière coordonnée en fonction d’une stratégie politique clairement définie [l’hypothèse de motivations crapuleuses ne peut pas non plus être exclue], il semble tout de même que les Américains et leurs principaux alliés au sein de la coalition soient les cibles prioritaires des enlèvements. Car l’objectif affiché par les ravisseurs est incontestablement d’impressionner les opinions publiques, dans l’espoir de faire céder les gouvernements qui ont envoyé des troupes en Irak en vue de soutenir l’intervention américaine. Les ravisseurs transmettent, en effet, à la suite de chacun de leurs enlèvements une demande simple et claire: le retrait d’Irak des troupes du pays dont ils détiennent des ressortissants. Cette requête est parfois assortie d’une demande subsidiaire comme dans le cas des quatre otages italiens, en échange de la libération desquels la «Résistance irakienne» exige aussi que le Premier ministre, Silvio Berlusconi, «présente des excuses aux musulmans» pour ses propos sur la supériorité de la culture occidentale sur la culture musulmane.

L’exemple du Liban

Dans le cadre de la révolte engagée par les Irakiens contre les forces de la coalition, cette vague d’enlèvements marque indéniablement une nouvelle étape. Peu à peu, la guerre psychologique vient ajouter ses effets à ceux de la guérilla sur le terrain, dont l’impact sur les opinions occidentales est déjà très important. Notamment depuis la diffusion sur toutes les télévisions internationales des images des corps calcinés et découpés de civils américains, tués dans une embuscade sur une route irakienne. Aux Etats-Unis, l’annonce de l’enlèvement d’une dizaine de ressortissants du pays, dont plusieurs employés de la société pétrolière Halliburton, a déjà provoqué des réactions et les petits rubans jaunes traditionnellement accrochés aux fenêtres dans l’attente du retour des otages, ont fait leur réapparition.

Il est vrai qu’il existe des précédents inquiétants de situations d’affrontements inextricables où les enlèvements de civils ont été utilisés pour obtenir la satisfaction de revendications politiques ou militaires. Au Liban dans les années 80, cette stratégie a été largement employée pendant la guerre civile. De ce point de vue, le recours au rapt de civils occidentaux n’est pas de bon augure en Irak. Un an après la chute du régime de Saddam Hussein, la coalition se heurte à des écueils de plus en plus importants. Le président américain, George W. Bush, a d’ailleurs lui-même reconnu que la dernière semaine avait été «difficile» pour les forces de la coalition. Une formule édulcorée et rassurante destinée à donner l’impression que malgré les difficultés, la situation est sous contrôle dans ce pays et que la stratégie de transition politique n’est pas remise en cause. Pourtant, face à la violence qui déferle en Irak et à la multiplication des enlèvements ces derniers jours, plusieurs Etats, la France et le Portugal notamment, ont recommandé à leurs ressortissants de quitter le pays. De la même manière, la plupart des organisations humanitaires envisagent de rapatrier leurs personnels étrangers dont la sécurité ne peut plus être assurée à ce jour en Irak.



par Valérie  Gas

Article publié le 13/04/2004 Dernière mise à jour le 13/04/2004 à 16:27 TU