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Irak

Un an après, une nouvelle guerre commence

Plusieurs centaines d'insurgés ont pris le contrôle de l'autoroute qui relie Abou Ghraib à Falloujah. 

		Photo : AFP
Plusieurs centaines d'insurgés ont pris le contrôle de l'autoroute qui relie Abou Ghraib à Falloujah.
Photo : AFP
Les combats se sont durcis vendredi dans les faubourgs de Falloujah où l’armée américaine doit faire face à une importante résistance des forces rebelles sunnites. L’administrateur américain, Paul Bremer, a annoncé dans la matinée un cessez-le-feu unilatéral pour permettre aux habitants de la ville assiégée depuis lundi d’enterrer leurs morts et de soigner leurs blessés. La télévision qatarienne al-Jazira a toutefois montré en direct des hélicoptères survolant la ville et des civils fuyant des zones de combats. Déjà mises en difficulté à Falloujah mais aussi dans d’autres villes du sud du pays aux mains des miliciens chiites du chef radical Moqtada al-Sadr, les forces de la coalition doivent désormais faire face à un nouveau problème, celui de l’enlèvement des ressortissants étrangers que les rebelles comptent utiliser pour forcer les alliés de Washington à quitter l’Irak.

La plus grande confusion régnait vendredi aux abords de la ville de Falloujah située en plein coeur du triangle sunnite. L’administrateur américain Paul Bremer a certes annoncé dans la matinée l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu unilatéral à midi pour permettre la tenue de négociations entre des responsables irakiens et des rebelles sunnites. Mais en début d’après-midi, un officier américain affirmait que les combats avaient repris. «La suspension des opérations militaires a duré 90 minutes, mais c’est fini maintenant», a en effet déclaré le lieutenant-colonel Brennan Byrne tandis que la télévision qatarienne diffusait au même moment en direct des témoignages de civils blessés affluant des zones de combats. Selon ce responsable militaire, présent sur le théâtre des opérations, les rebelles auraient tiré au moins deux obus de mortier, poussant les marines à riposter à leurs attaques. «Nous observions une trêve mais l’ennemi continue de nous attaquer dans l’ouest de la ville.Nous devions nous défendre et nous avons demandé l’autorisation de reprendrel’offensive», a en outre justifié l’un des officiers sur place. Mais le général Mark Kimmitt, chef-adjoint des opérations militaires de la coalition, a démenti que les combats aient repris affirmant que la trêve était toujours maintenue.

Ce cafouillage dans la communication de l’armée américaine en dit long sur les difficultés auxquels sont confrontés les marines dans la région de Falloujah. Dans la matinée, les habitants de cette ville, où la nourriture commence à manquer, ont commencé à quitter à pied les lieux, emportant de petites valises, de la nourriture et des médicaments. Ces familles, qui sont restées terrées chez elles quatre jours durant, prennent d’énormes risques dans la mesure où, malgré la trêve, les échanges de tirs entre forces américaines et combattants irakiens sont quasi-permanents. Depuis le début de l’offensive américaine sur Falloujah, quelque trois cents Irakiens ont été tués, en majorité des civils. Selon des témoins, des cadavres jonchent les rues de la ville car personne n’ose sortir pour les retirer.

Plus au sud, l’armée américaine a perdu le contrôle d’une partie de l’autoroute qui relie Bagdad à Falloujah. Des centaines de combattants irakiens armés de kalachnikovs et de lance-roquettes RPG étaient présents dans la portion qui va de Abou Ghraib à une quinzaine de kilomètres de Bagdad vers la ville rebelle, coupant de fait les lignes d’approvisionnement des forces américaines. Selon un journaliste de l’AFP, une dizaine de camions-citernes, qui pourraient être des camions militaires de la coalition, étaient en flamme.

Les prises d’otages se multiplient

Les affrontements avec les miliciens chiites n’ont pas non plus baissé en intensité. Et si les forces de la coalition ont repris aux partisans de Moqtada al-Sadr la ville de Kout, les militaires américains ont dû en revanche évacuer les commissariats de police et la municipalité de Sadr City, cette banlieue chiite de Bagdad où s’entassent quelque 800 000 personnes. A Kerbala, la ville sainte qui doit accueillir dimanche le grand pèlerinage chiite qui marque le quarantième jour de l’anniversaire de la mort de l’imam Hussein, des accrochages ont coûté la vie à quatre personnes. La cité est entièrement sous le contrôle des milices chiites tandis que les abords de la ville sont défendus par les forces de la défense civile irakienne surveillées de loin par les soldats de la coalition. Quelque trois millions de personnes sont attendues dimanche dans les villes saintes de Kerbala et Najaf pour ce grand pèlerinage chiite.


Image diffusée par la télévision Al Jazira des otages japonais. 

		Photo : AFP
Image diffusée par la télévision Al Jazira des otages japonais.
Photo : AFP

Outre la dégradation de la situation sécuritaire, les forces de la coalition doivent faire face à la nouvelle tactique de la guérilla qui désormais opère des enlèvements pour faire pression sur l’administration américaine. Comme dans le Liban des années 80, les étrangers semblent en effet être devenus la cible de preneurs d’otages qui entendent les utiliser pour contraindre les pays de la coalition à retirer leurs troupes. Une dizaine d’étrangers au moins sont actuellement entre les mains des combattants irakiens. Deux coopérants et un photographe japonais ont ainsi été enlevés dans une région sunnite sur la route entre Amman et Bagdad par un mystérieux groupe «les Brigades des Moujahiddine» qui réclame le départ du contingent japonais. La chaîne al-Jazira a diffusé des images de leur capture. Deux Palestiniens, l'un naturalisé israélien et travaillant pour une organisation proche de la coalition et l'autre de nationalité canadienne et employé par une organisation humanitaire, seraient entre les mains d’un groupe radical, nommé «Ansar al-Dine». Et selon le Foreign Office, un consultant civil britannique pour une teinturerie semble voir été enlevé vendredi à Nassiriyah.

La Corée du Sud a également été la cible d'enlèvements. Huit pasteurs sud-coréens ont été capturés jeudi par des insurgés, également sur la route reliant Amman à Bagdad, avant d'être libérés quelques heures plus tard. Vendredi, des rebelles irakiens ont annoncé la capture près de Bagdad de six ressortissants étrangers, quatre Italiens et deux Américains. L’information n’a toutefois pas encore été confirmée par les forces de la coalition. Cette stratégie des enlèvements d'Occidentaux avait été largement pratiquée au Liban dans les années 1980. En Irak, elle risque de s’étendre dans la mesure où les forces d’occupation semblent aujourd’hui incapables de garantir la sécurité dans le pays.

par Mounia  Daoudi

Article publié le 09/04/2004 Dernière mise à jour le 09/04/2004 à 17:11 TU

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Pierre Rigoulot

Rédacteur en chef des Cahiers de l'Histoire sociale

«Je reviens de Bagdad. Il n'y a pas de résistance des Bagdadis, il y a des opposants à un processus démocratique.»

[09/04/2004]

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