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Irak

L’après-Saddam : l’an II

Il y a un an, le 20 mars 2003, les Etats-Unis, soutenus par leur plus fidèle allié, la Grande-Bretagne, lançaient une offensive militaire d’envergure contre le régime de Saddam Hussein accusé de détenir des armes de destruction massive. Cette guerre, qui a été déclenchée sans l’aval des Nations unies, s’est officiellement terminée six semaines plus tard, le 1er mai, date à laquelle le président américain George W. Bush annonçait la fin des opérations militaires majeures en Irak. Mais un an après le déclenchement de cette «guerre de libération du peuple irakien», le pays est toujours en proie à une insécurité grandissante, les attentats se multipliant contre les cibles aussi bien militaires que civiles. Sur le plan politique, l’instabilité règne et les tensions entre les différentes communautés ethniques et religieuses se multiplient. Quant à la reconstruction du pays pour laquelle l’administration Bush a d’ores et déjà débloqué 18,6 milliards de dollars, elle semble avoir plus que jamais du mal à se mettre en place.
Dès la fin officielle il y a bientôt un an de la guerre en Irak, les forces de la coalition étaient soumises à des attentats de plus en plus meurtriers attribués à la guérilla irakienne fidèle, disait-on à l’époque, à l’ancien dictateur. La plus emblématique de ces attaques a frappé en août dernier le siège des Nations unies à Bagdad, tuant l’envoyé spécial de Kofi Annan, Sergio Vieira de Mello, et poussant l’organisation internationale à quitter le pays. La capture en décembre dernier de Saddam Hussein n’a pas mis fin pour autant aux violences. Et l’insécurité qui devait prendre fin avec le démantèlement de l’ancien régime baasiste n’en a pas fini de s’aggraver. Cette situation fait dire aujourd’hui à l’ancien chef des inspecteurs des Nations unies en Irak que cette guerre avait peut-être aggravé «la menace terroriste dans le monde». Selon Hans Blix, qui s’exprimait à la veille du premier anniversaire du déclenchement de la guerre, hormis le renversement de Saddam Hussein, le conflit n’a pas apporté de bénéfice au monde et de citer la radicalisation de la situation au Proche-Orient –où les deux parties ne se sont pas rencontrées depuis plus de six mois–, les tensions au sein de l’Otan ou encore la crise au sein du Conseil de sécurité des Nations unies.

Cette situation des plus troublées sur le plan sécuritaire –selon l’organisation Amnesty International, plus de 10 000 civils irakiens sont morts depuis le déclenchement de la guerre– renforce à n’en pas douter la position des pays qui s’étaient vivement opposés à une intervention, sans l’aval de l’ONU, contre le régime de Saddam Hussein. Et si depuis la fin des opérations militaires la coalition américano-britannique s’est certes étoffée du soutien d’une trentaine de pays, le front des va-t’en-guerre a semblé se fissurer cette semaine avec notamment l’annonce par le futur président du gouvernement espagnol, José Luis Rodriguez Zapatero, du retrait d’ici la fin du mois de juin du contingent espagnol en Irak. Les Etats-Unis ont certes minimisé l’impact de ce retrait mais les attaques meurtrières qui ont durement frappé la semaine dernière Madrid et que l’organisation terroriste al-Qaïda a justifiées par le soutien indéfectible de José Maria Aznar à la politique de l’administration Bush, mettent plusieurs gouvernements en porte-à-faux par rapport à leur population majoritairement hostile à la guerre. C’est le cas notamment en Italie, en Pologne ou encore en Grande-Bretagne. Cette situation est d’autant plus intenable pour les gouvernements de ces pays que le prétendu arsenal d’armes de destruction massive de Saddam Hussein est à ce jour introuvable au point où George Bush est aujourd’hui contraint de justifier la guerre en Irak par la nécessité qu’il y avait de «faire face aux menaces avant qu’elles ne se matérialisent».

Soucieux de maintenir la cohésion au sein de la désormais fragile coalition, le président américain a une nouvelle fois affirmé que les Etats-Unis ne feraient pas faux bond au peuple irakien. «Nous ne laisserons pas tomber le peuple irakien. Nous ferons ce qu'il faut pour assurer un succès», a-t-il ainsi déclaré à l'occasion du premier anniversaire de l'intervention militaire en Irak. «Nous ne plierons jamais devant la violence de quelques-uns», a-t-il également ajouté soulignant que «le devoir de chaque gouvernement était de combattre et de détruire la menace du terrorisme». Evoquant implicitement les attaques terroristes de Madrid, George Bush a par ailleurs affirmé que chaque attentat était «un test de la volonté» de la communauté internationale et que la réponse devait être «non seulement le chagrin mais la démonstration d'une plus grande résolution».

Instabilité politique persistante

Si la chute rapide –moins de six semaines– de la dictature baasiste a pu dans un premier temps conforter l’administration américaine dans sa volonté d’écarter les Nations unies de l’après-guerre et de la reconstruction d’un pays qu’elle pensait pouvoir auto-financer grâce au pétrole irakien, la dégradation de la situation sur le terrain a radicalement changé la donne. Le président Bush a en effet du revoir ses ambitions à la baisse et accepté plutôt que prévu un transfert de la souveraineté aux Irakiens «d’ici au 30 juin 2004». Cette décision, loin d’aplanir les difficultés, n’a fait qu’exacerber les tensions interethniques et interconfessionnelles. Les difficiles tractations entre les différentes communautés qui ont conduit in fine à l’adoption le 8 mars dernier d’une Constitution provisoire en sont un exemple parmi tant d’autres. La légitimité de ce texte, qui a largement été salué par la communauté internationale, reste toutefois très contestée par une partie du clergé chiite –qui représente une majorité de la population– ce qui laisse sans doute augurer de nouvelles difficultés au moment du transfert dans quelques mois de la souveraineté à un gouvernement provisoire irakien dont la représentativité et la légalité sont d’ores et déjà rejetées.

Sur le plan économique, la situation est loin d’être meilleure. L’administration Bush est en effet confrontée à une reconstruction dont le coût s’avère bien plus élevée que ses prévisions ont bien pu le laisser entrevoir. Son entêtement à vouloir écarter de la gestion de l’après-guerre les pays qui ont refusé de participer à l’offensive militaire, n’a guère encouragé les financements à la reconstruction. Dans ce contexte, les 18,6 milliards de dollars débloqués par le congrès américain pourraient donc être bien insuffisants. La production pétrolière sur laquelle comptait visiblement Washington n’est en outre toujours pas revenue à son niveau d’avant-guerre, victime des nombreux sabotages qui touchent le nord du pays. La décision de l’Autorité provisoire de la coalition de démanteler l’armée irakienne a par ailleurs provoqué une augmentation vertigineuse du chômage qui frapperait aujourd’hui 60% de la population.

Malgré ce tableau sombre de la situation irakienne un an après le déclenchement de la guerre, certains signes positifs d’une reprise économique sont néanmoins visibles. Malgré la difficile condition des Irakiens confronté au quotidien à la violence et à l’insécurité, la consommation connaît un boom dans notamment les secteurs de l’automobile, de l’électroménager, des téléphones portables ou encore des téléviseurs et des paraboles. Le succès de la mise en service du nouveau dinar et par ailleurs incontestable. Les anciens billets à l’effigie de Saddam Hussein n’intéressent plus que les nostalgiques de l’ancien régime et le cours de la nouvelle monnaie s’est largement stabilisé.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 19/03/2004