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Irak

Explosion meurtrière dans un quartier résidentiel

Presque un an après le début de la guerre, l’explosion d’une voiture piégée dans le quartier de Karrada à Bagdad cherche à démontrer que les Américains ne contrôlent pas la situation.
La nuit était tombée sur Bagdad quand ce mercredi, à 20 h 10, une voiture bourrée d’explosifs a explosé dans le quartier de Karrada, au centre de la capitale, devant l’hôtel du Mont Liban. En quelques secondes, tout le voisinage a été dévasté. De l’hôtel lui-même, qui faisait cinq étages, il ne reste qu’une carcasse et des gravats. Les immeubles d’habitation environnants ont également souffert de l’explosion qui a laissé un cratère de deux mètres de diamètre et de trois mètres de profondeur.

Au lendemain de l’attentat, le bilan s’établit à 27 morts et 45 blessés selon les militaires américains, mais le ministère de l’Intérieur a indiqué qu’en réalité, le nombre des morts n’était que de six personnes, cinq Irakiens et un Britannique.

Quel que soit le nombre définitif des victimes, la violence de l’explosion ne fait quant à elle aucun doute. Contrairement aux grands hôtels qu’affectionnent les hommes d’affaires et journalistes américains ou membres de la Coalition comme le Rachid, le Palestine ou le Sheraton, qui sont entourés de palissades de béton et protégés par des chevaux de frises surveillés par des tanks et des militaires le doigt sur la gâchette, les hôtels du quartier de Karrada, très nombreux dans ce secteur de la ville ou se mêlent magasins, bureaux et immeubles d’habitation, ne bénéficient d’aucune protection particulière.

Karrada incarne, d’une certaine façon, l’Irak moderne et cosmopolite. C’est là que l’on s’approvisionne en électroménager, en appareils électroniques ou en meubles, du moins lorsque l’on en a les moyens. C’est dans les hôtels de ce quartier que descendent les hommes d’affaires arabes, notamment du Golfe, mais également d’autres pays. Le nom de l’hôtel détruit, Hôtel du Mont Liban, dit assez la provenance d’une partie significative de sa clientèle.

Un quartier animé et sans protection

Les membres du Conseil de gouvernement irakien et les autorités d’occupation ont été prompts à jeter le blâme sur Al Qaïda ou Ansar al Islam, avant même que l’enquête ait pu démarrer. Sur les lieux même de l’attentat, les sauveteurs irakiens se refusaient à croire que des compatriotes aient pu perpétrer cet acte. Mais le choix de la cible, comme le moment choisi, peuvent aisément être analysés : le QG de la coalition et le siège du Conseil de gouvernement, lourdement protégés, sont des cibles plus difficiles d’accès, quoi que la chute de roquettes dans le périmètre protégé ne soit pas chose rare.

En revanche, un attentat dans ce quartier animé et sans protection (soft target, cible molle, disent les spécialistes du contre-terrorisme) bénéficie d’un retentissement médiatique considérable, largement équivalent à celle qu’aurait une attaque contre les bureaux de Paul Bremer, d’autant que les caméras de télévision ont pu être sur les lieux quelques minutes seulement après l’explosion. Plusieurs équipes de télévisions internationales ont en effet installé leurs bureaux dans les hôtels avoisinants. Le message, à trois jours de l’anniversaire du début de l’intervention américaine en Irak, est clair : la Coalition n’a pas rétabli la stabilité dans le pays, bien au contraire, et les étrangers, Occidentaux ou Arabes, qui viennent travailler dans un Irak sous domination américaine, sont des cibles légitimes pour les auteurs des attentats, tout comme les Irakiens qui acceptent de travailler avec eux.

Les Américains et leurs alliés s’attendaient à un festival d’attaques pour marquer cet anniversaire. Leurs craintes se sont vérifiées, et l’attentat du 17 mars n’est selon toute vraisemblance que le premier d’une série.



par Olivier  Da Lage

Article publié le 18/03/2004