Irak
Les chiites endeuillés par une série d’attentats
La fête chiite de l’Achoura a été endeuillée mardi par une série d’explosions qui ont frappé quasi-simultanément la ville sainte de Kerbala où se pressaient plus d’un million de fidèles et un quartier chiite de la capitale Bagdad. Le bilan, encore provisoire, pourrait atteindre les 150 morts. Ces attentats ont été vivement condamnés par la communauté internationale. Ils interviennent alors que le Conseil de gouvernement transitoire irakien vient tout juste d’adopter, après des semaines d’âpres négociations, une constitution provisoire qui devrait ouvrir la voie au transfert de la souveraineté aux Irakiens prévu en juin prochain.
Les attaques ont été minutieusement préparées pour contourner l’important dispositif de sécurité qui avait été mis en place dans la ville sainte de Kerbala qui depuis lundi accueillait plusieurs centaines de milliers de fidèles chiites venus célébrer le deuil de l’Achoura, l’un des plus importants rassemblements chiites. De crainte d’un attentat spectaculaire, comme celui qui avait coûté la vie, en août dernier à Najaf, au dignitaire religieux l’ayatollah Mohamed Baqr Hakim, l’accès aux abords du mausolée de l’imam Hussein était interdit aux voitures et les personnes qui s’approchaient du monument étaient systématiquement fouillées. Des miliciens, présents dans toutes les rues de la ville, mettaient en place des barrages volants et organisaient de nombreux contrôles.
Ces mesures de sécurité drastiques n’ont toutefois pas réussi à empêcher le drame, les terroristes ayant choisi d’opérer à partir d’un secteur de la ville où les contrôles n’étaient semble-t-il pas aussi renforcés. Le porte-parole de la police de Kerbala a en effet indiqué que «les explosions avaient été provoquées par des tirs d’au moins six roquettes» lancées du nord de l’agglomération directement sur le mausolée. D’autres témoins soulignent toutefois que l’une des explosions de Kerbala a été provoquée par un kamikaze. «J’ai vu un homme courir vers un groupe de pèlerins iraniens et se faire exploser», a ainsi indiqué l’un d'eux qui affirme qu’au moins vingt-cinq personnes ont été tuées sur le coup.
Les attaques ont provoqué des scènes de panique et des bousculades dans le centre de la ville sainte. La chaîne de télévision al-Arabiya a montré des images de corps inanimés et déchiquetés et des passants tentant de porter secours aux blessés. Plus d’une heure après les explosions, les ambulances continuaient leur ballet incessant pour dégager les blessés. Les médecins du principal hôpital de la ville ont déclaré s’attendre à ce que le bilan dépasse les 100 morts. Une cinquantaine de pèlerins iraniens figurent déjà parmi les victimes.
A Bagdad, au moins quatre explosions se sont produites à la même heure près du mausolée de l’imam Moussa al-Kazem, un autre grand saint du chiisme. Selon des gardes de sécurité présents sur les lieux, ces attaques ont été commises par quatre kamikazes. «L’un s’est fait exploser à l’entrée de la mosquée, l’autre dans la cour intérieure et les deux autres à l’entrée latérale», a raconté l’un d'eux, précisant que les explosions s’étaient produites «à quelques secondes d’intervalle». Au moins 54 personnes ont été tuées dans ces attaques mais le bilan pourrait s’alourdir encore.
Condamnations unanimes
Ces attentats de Bagdad et Kerbala n’ont pour l’instant toujours pas été revendiqués. Mais déjà les accusations pleuvent. Dans la ville sainte, certains Irakiens ont pris à partie des pèlerins iraniens, les soupçonnant d’être à l’origine des attaques. La police de Kerbala, en collaboration avec les forces polonaises de la coalition, aurait justement arrêté «un suspect d’origine iranienne». D’autres ont mis en cause la minorité sunnite au pouvoir sous l’ancien régime, affirmant que ces explosions avaient pour principal objectif de fomenter une guerre civile en Irak. Les autorités irakiennes penchent en revanche vers la thèse du complot étranger. Un membre du gouvernement provisoire, Nassir Chaderchi, a ainsi ouvertement accusé des «terroristes étrangers» d’être à l’origine de ces attaques meurtrières. «Cette bande de terroristes ne peut appartenir à l’Irak», a-t-il notamment déclaré ajoutant que le peuple irakien ne céderait pas au terrorisme.
Un autre responsable irakien, également membre du gouvernement provisoire, a vu dans ces attaques une tentative de semer la discorde entre sunnites et chiites. «Cela fait partie d’une campagne de terreur dont l’objectif est de créer des problèmes entre les deux communautés», a ainsi affirmé Mahmoud Osmane. Selon lui, les dirigeants chiites et sunnites «doivent se mettre ensemble et doivent coopérer pour empêcher ce dessein».
Unanimement, la communauté internationale a condamné ces attaques terroristes. La France a ainsi dénoncé «avec la plus grande fermeté des attentats odieux». «Alors que le pays fait face aux défis majeurs de sa reconstruction économique et politique, il faut mettre un terme à l’engrenage de la violence et se mobiliser dès à présent pour une véritable réconciliation internationale», a notamment indiqué un communiqué du ministère français des Affaires étrangères.
A Washington, le porte-parole de la Maison Blanche a également fermement condamné les attentats commis en Irak, les qualifiant «d'attaques brutales». Selon Scott McClellan, le but des auteurs de ces attaques était «de faire dérailler la démocratie». «Il y a des ennemis de la liberté en Irak qui cherchent à saper la construction d'un avenir pacifique et démocratique pour le peuple irakien. Ils échoueront. La démocratie s'enracine et on ne peut revenir en arrière», a-t-il également ajouté. Ces attentats sont intervenus le lendemain de la conclusion, après des semaines d’âpres négociations, d’un accord sur une constitution provisoire qui devrait ouvrir la voie au transfert de la souveraineté aux Irakiens prévu en juin prochain. Le chef de la diplomatie britannique, Jack Straw a d’ailleurs souligné que ces attaques n’étaient sans doute pas «une coïncidence». «Ce n'est bien entendu pas une coïncidence, à mon avis, si ces attentats ont eu lieu un jour de fête et de prière pour la communauté chiite, au lendemain seulement d'une très bonne nouvelle pour l'Irak avec l'accord sur une constitution intérimaire» pour le pays, a-t-il affirmé.
Ecouter également:
Farida Ayari, envoyée spéciale de RFI à Kerbala (2 mars 2004 à 9h, 2’03’’)
Farida Ayari, envoyée spéciale de RFI à Kerbala (2 mars 2004 à 11h, 1’)
Habib Ishow, chercheur au CNRS, spécialiste de l'Irak est l'Invité de la rédaction du 2 mars 2004. Il répond aux questions de Philippe Lecaplain (5’38’’).
Ces mesures de sécurité drastiques n’ont toutefois pas réussi à empêcher le drame, les terroristes ayant choisi d’opérer à partir d’un secteur de la ville où les contrôles n’étaient semble-t-il pas aussi renforcés. Le porte-parole de la police de Kerbala a en effet indiqué que «les explosions avaient été provoquées par des tirs d’au moins six roquettes» lancées du nord de l’agglomération directement sur le mausolée. D’autres témoins soulignent toutefois que l’une des explosions de Kerbala a été provoquée par un kamikaze. «J’ai vu un homme courir vers un groupe de pèlerins iraniens et se faire exploser», a ainsi indiqué l’un d'eux qui affirme qu’au moins vingt-cinq personnes ont été tuées sur le coup.
Les attaques ont provoqué des scènes de panique et des bousculades dans le centre de la ville sainte. La chaîne de télévision al-Arabiya a montré des images de corps inanimés et déchiquetés et des passants tentant de porter secours aux blessés. Plus d’une heure après les explosions, les ambulances continuaient leur ballet incessant pour dégager les blessés. Les médecins du principal hôpital de la ville ont déclaré s’attendre à ce que le bilan dépasse les 100 morts. Une cinquantaine de pèlerins iraniens figurent déjà parmi les victimes.
A Bagdad, au moins quatre explosions se sont produites à la même heure près du mausolée de l’imam Moussa al-Kazem, un autre grand saint du chiisme. Selon des gardes de sécurité présents sur les lieux, ces attaques ont été commises par quatre kamikazes. «L’un s’est fait exploser à l’entrée de la mosquée, l’autre dans la cour intérieure et les deux autres à l’entrée latérale», a raconté l’un d'eux, précisant que les explosions s’étaient produites «à quelques secondes d’intervalle». Au moins 54 personnes ont été tuées dans ces attaques mais le bilan pourrait s’alourdir encore.
Condamnations unanimes
Ces attentats de Bagdad et Kerbala n’ont pour l’instant toujours pas été revendiqués. Mais déjà les accusations pleuvent. Dans la ville sainte, certains Irakiens ont pris à partie des pèlerins iraniens, les soupçonnant d’être à l’origine des attaques. La police de Kerbala, en collaboration avec les forces polonaises de la coalition, aurait justement arrêté «un suspect d’origine iranienne». D’autres ont mis en cause la minorité sunnite au pouvoir sous l’ancien régime, affirmant que ces explosions avaient pour principal objectif de fomenter une guerre civile en Irak. Les autorités irakiennes penchent en revanche vers la thèse du complot étranger. Un membre du gouvernement provisoire, Nassir Chaderchi, a ainsi ouvertement accusé des «terroristes étrangers» d’être à l’origine de ces attaques meurtrières. «Cette bande de terroristes ne peut appartenir à l’Irak», a-t-il notamment déclaré ajoutant que le peuple irakien ne céderait pas au terrorisme.
Un autre responsable irakien, également membre du gouvernement provisoire, a vu dans ces attaques une tentative de semer la discorde entre sunnites et chiites. «Cela fait partie d’une campagne de terreur dont l’objectif est de créer des problèmes entre les deux communautés», a ainsi affirmé Mahmoud Osmane. Selon lui, les dirigeants chiites et sunnites «doivent se mettre ensemble et doivent coopérer pour empêcher ce dessein».
Unanimement, la communauté internationale a condamné ces attaques terroristes. La France a ainsi dénoncé «avec la plus grande fermeté des attentats odieux». «Alors que le pays fait face aux défis majeurs de sa reconstruction économique et politique, il faut mettre un terme à l’engrenage de la violence et se mobiliser dès à présent pour une véritable réconciliation internationale», a notamment indiqué un communiqué du ministère français des Affaires étrangères.
A Washington, le porte-parole de la Maison Blanche a également fermement condamné les attentats commis en Irak, les qualifiant «d'attaques brutales». Selon Scott McClellan, le but des auteurs de ces attaques était «de faire dérailler la démocratie». «Il y a des ennemis de la liberté en Irak qui cherchent à saper la construction d'un avenir pacifique et démocratique pour le peuple irakien. Ils échoueront. La démocratie s'enracine et on ne peut revenir en arrière», a-t-il également ajouté. Ces attentats sont intervenus le lendemain de la conclusion, après des semaines d’âpres négociations, d’un accord sur une constitution provisoire qui devrait ouvrir la voie au transfert de la souveraineté aux Irakiens prévu en juin prochain. Le chef de la diplomatie britannique, Jack Straw a d’ailleurs souligné que ces attaques n’étaient sans doute pas «une coïncidence». «Ce n'est bien entendu pas une coïncidence, à mon avis, si ces attentats ont eu lieu un jour de fête et de prière pour la communauté chiite, au lendemain seulement d'une très bonne nouvelle pour l'Irak avec l'accord sur une constitution intérimaire» pour le pays, a-t-il affirmé.
Ecouter également:
Farida Ayari, envoyée spéciale de RFI à Kerbala (2 mars 2004 à 9h, 2’03’’)
Farida Ayari, envoyée spéciale de RFI à Kerbala (2 mars 2004 à 11h, 1’)
Habib Ishow, chercheur au CNRS, spécialiste de l'Irak est l'Invité de la rédaction du 2 mars 2004. Il répond aux questions de Philippe Lecaplain (5’38’’).
par Mounia Daoudi
Article publié le 02/03/2004