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Irak

Kofi Annan exclut la tenue d’élections avant juin

Le secrétaire général des Nations unies a jugé impossible l’organisation d’élections générales en Irak d’ici la fin du mois de juin, date à laquelle les Américains entendent transférer le pouvoir aux Irakiens. Kofi Annan a toutefois reconnu qu’un tel scrutin était «essentiel» pour l’avenir du pays à condition qu’il soit organisé «convenablement». Une position partagée par les chiites d’Irak qui réclamaient pourtant la tenue d’élections générales rapides et qui ont paradoxalement réagi de façon conciliante aux propos du secrétaire général.
Ecartées par l’administration Bush de la gestion de l’après-guerre, les Nations unies sont revenues par la grande porte en Irak et à la demande de l’Américain Paul Bremer qui les a personnellement appelées à la rescousse pour qu’elles tentent de dénouer la grave crise politique qui depuis plusieurs semaines opposait la coalition au pouvoir aux chiites qui représentent la plus forte communauté du pays. Kofi Annan a donc accepté de dépêcher il y a une dizaine de jours plusieurs experts sur le terrain avec pour mission d’étudier la faisabilité ou non d’élections directes à court terme comme le réclamaient les chiites. Son constat rejoint aujourd’hui celui de son envoyé spécial Lakhdar Ibrahimi qui avant de quitter mardi Bagdad affirmait qu’il serait extrêmement difficile d’organiser un tel scrutin avant le 30 juin.

Dans une interview à un quotidien japonais, le secrétaire général des Nations unies a donc clairement insisté sur le fait qu’«il ne sera pas possible» d’organiser ces élections. «Il semble qu’apparaît un consensus selon lequel les élections sont essentielles et que tout le monde les veut», a-t-il expliqué, estimant en outre qu’«il semblait désormais y avoir également un agrément général sur le fait qu’il ne sera pas possible de les organiser entre maintenant et la fin du mois de juin». Kofi Annan a par ailleurs souligné la nécessité que ce scrutin puisse se dérouler «convenablement» et que les conditions soient remplies en termes de sécurité et de cadres politique et légal. Dans ce contexte, a-t-il expliqué, il est envisageable «de tenir des élections mieux organisées plus tard».

Réaction mesurée des chiites

Le constat de la mission onusienne n’était pas vraiment une surprise dans la mesure où avant même de dépêcher les experts de l’ONU, Kofi Annan mettait déjà en garde contre l’insécurité qui prévaut en Irak et en faisait l’obstacle majeur à la tenue d’élections rapides. Ceci explique sans doute la réaction mesurée des chiites d’Irak qui en majorité semblent aujourd’hui accepter un report de ce scrutin. «Si l’ONU estime qu’il vaut mieux tenir des élections plus tard, nous n’avons pas d’objection au transfert du pouvoir aux Irakiens pendant une période transitoire pour trouver des solutions aux problèmes techniques et sécuritaires», a ainsi déclaré Ahmad Chayyah al-Barak, un membre chiite du gouvernement transitoire irakien. Ce responsable qui a rendu visite au chef spirituel de la communauté, l’ayatollah Ali Sistani, a également souligné à l’issue de sa rencontre avec le leader religieux que le pouvoir pourrait être transféré à la date prévue «au Conseil de gouvernement ou à une autre instance politique représentant le peuple irakien pour préparer la tenue du scrutin en septembre ou octobre au maximum».

Cette option semble avoir d’ores et déjà l’aval de l’administration Bush qui pressée par l’approche de la présidentielle de novembre tente par tous les moyens de se désengager du bourbier irakien. Elle pourrait en revanche ne pas satisfaire le clergé chiite qui a entamé un nouveau bras de fer avec l’administrateur américain Paul Bremer qui a menacé de mettre son veto au projet de loi fondamentale –qui doit être voté avant la fin du mois de février– si celui-ci prévoyait de faire de l’islam la source principale de législation. A en croire certains observateurs, les responsables chiites ont d’ores et déjà établi une série de solutions de rechange à leur exigence d’élections générales avant fin juin et n’attendent que le rapport complet de la mission onusienne avant de les dévoiler. Une perspective qui pourraient s’avérer embarrassante pour les autorités de la coalition.



par Mounia  Daoudi

Article publié le 07/02/2004